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France : le gouvernement accusé de dérive autoritaire

La France est-elle en train d’emprunter aux régimes autoritaires certaines de leurs méthodes en matière de musèlement de la liberté d’expression, qu’elle leur reprochait encore dans un passé pas très lointain ?

Certaines mesures prises par les autorités sur au moins deux sujets, la guerre à Gaza et la place de l’islam et des musulmans dans le pays, soulèvent des inquiétudes au sein de la classe politique et des médias sur une dérive autoritaire, avec des atteintes à la liberté d’expression qui est consacrée et ancrée en France depuis plus de deux siècles.

Depuis le début de la guerre de Gaza, les voix pro-palestiniennes ont été systématiquement ostracisées et accusées d’antisémitisme par une partie de la classe politique et certains médias, notamment ceux proches de l’extrême-droite.

Maintenant, ce sont les institutions de l’État qui assument des mesures de restriction de la liberté d’exprimer des opinions différentes sur la situation à Gaza.

La convocation de la députée de La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot, par la police a suscité un tollé en France. Avec Rima Hassan, candidate du même parti aux élections européennes de juin prochain, Panot est convoquée pour « apologie du terrorisme » suite à des déclarations publiques sur la guerre que mène Israël depuis le 7 octobre dernier contre la bande de Gaza.

Les deux femmes politiques ont été entendues ce mardi 30 avril par la police judiciaire. Il y a deux semaines, c’est le syndicaliste, Anasse Kazib, qui a été convoqué pour le même motif.

« À ceux qui m’ont convoquée, vous vous rendez complice aujourd’hui d’attaque contre les parlementaires et le principe de la séparation des pouvoirs (…) et contre la liberté d’expression et d’opinion dans le pays », a écrit Mathilde Panot dans une déclaration rendue publique ce mardi 30 avril.

« Pour la première fois de l’histoire de la Vᵉ République, une présidente de groupe parlementaire d’opposition est convoquée devant une brigade criminelle sur la base d’un communiqué de presse de son groupe parlementaire », fait-elle remarquer, qualifiant d’ « aussi inouï qu’absurde » le motif invoqué d’ « apologie du terrorisme ».

Mathilde Panot accuse gravement le gouvernement, soulignant que c’est le ministre de la Justice qui a adressé une note dans ce sens aux magistrats le 10 octobre 2023, soit trois jours après le début de la guerre à Gaza.

La France est-elle en train d’emprunter les méthodes des régimes autoritaires ?

Dans sa déclaration, la députée LFI rappelle la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en 2022 « en raison de la manière dont elle sanctionne les prétendues « apologies du terrorisme ».

Elle rappelle aussi que le 3 avril dernier, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme a saisi le ministre de la Justice pour dénoncer les « poursuites abusives » pour le même motif.

Toujours en lien avec la situation en Palestine, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a annoncé lundi la suspension du financement de l’Institut des études politiques de Paris (Sciences Po) dont les étudiants ont imité le mouvement des campus américains de soutien au peuple palestinien.

La suspension durera « tant que la sérénité et la sécurité ne seront pas rétablies », a-t-elle indiqué, accusant « une minorité de radicalisés appelant à la haine antisémite, et instrumentalisés par la LFI et ses alliés islamo-gauchistes ».

Sciences Po est l’un des plus prestigieux établissements de France. C’est la pépinière de cadres, de gestionnaires et de diplomates de l’État français.

Alors que la décision de Pécresse et la convocation d’une députée par la police enflamment le débat politique en France, une autre affaire d’atteinte à la liberté d’expression est aussi dénoncée.

Il s’agit de l’exclusion du sociologue, Alain Policar, du Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République (CSL).

La décision a été prise par la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet.

France : « (…) le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme »

Il est reproché au sociologique d’avoir tenu, début avril sur RFI, des propos sur le voile islamique, et fait état de difficultés à appliquer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux à l’école d’avoir estimé que cette loi « apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans ».

« À mes yeux, le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leur milieu – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas. Or, la loi ne permet pas cette analyse fine », a-t-il dit. « Aujourd’hui, il est certain que l’application de la loi est difficile, et donc génératrice de tensions. Elle paraît même être intolérante », a-t-il ajouté.

Une déclaration qui a sonné la fin de sa présence au Conseil des sages de la laïcité.

Défendre les musulmans contre les stigmatisations et les amalgames ne passent pas non plus, au contraire : des attaques contre cette communauté, devenues d’une banalité sidérante dans certains médias à des heures de grande écoute et même au Parlement.

La décision de la ministre de l’Éducation a été dénoncée dans une tribune publiée ce mardi dans le journal Le Monde et signée par 130 enseignants et chercheurs universitaires qui estiment que « cet acte d’autorité interroge sur l’état des mœurs démocratiques ».

L’éviction d’Alain Policar a été précédée d’une campagne menée par des organisations liées à l’extrême droite et de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme). Cette campagne « a manié outrances et mensonges sans scrupules », dénoncent les signataires.

Autant de décisions simultanées qui s’apparentent à des restrictions directes de la liberté d’exprimer des opinions politiques, sont de nature à affaiblir la voix de la France et à discréditer toutes les actions qu’elle sera amenée à entreprendre pour défendre les libertés dans le monde.

Harcèlement judiciaire, licenciement abusif et chantage au financement, la France coche déjà, pour une démocratie, trop de cases qui constituent des marqueurs d’un régime autoritaire.

Sur l’échelle d’une démocratie, la convocation d’un parlementaire par la police pour son activité politique équivaut à une lourde condamnation.

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