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France : le lycée Averroès de Lille victime d’un « rapport tronqué », selon Mediapart

Le lycée musulman Averroès de Lille (France) risque de fermer ses portes après la décision prise lundi 11 décembre par la préfecture du Nord de résilier le contrat de financement qui lie l’établissement à l’Etat français.

Dans un contexte de tensions en France autour des sujets liés à l’Islam, les responsables du lycée musulman crient, par la voix de leurs avocats, à la « cabale politique ».

La décision a été prise par le préfet du Nord Georges-François Leclerc. C’est lui qui a saisi une commission consultative de l’éducation pour qu’elle se prononce sur le maintien ou non du contrat avec l’établissement auquel étaient reprochés plusieurs griefs, dont l’usage de manuels salafistes et une opacité dans sa gestion financière.

La commission a voté le 26 novembre pour la résiliation, jetant 400 lycéens et collégiens dans l’incertitude.  « Ils sont extrêmement traumatisés », a indiqué le directeur du lycée, Eric Dufour, lors d’une conférence de presse mercredi 13 décembre.

Le contrat signé entre le lycée Averroès et l’Etat en 2008 prévoit la prise en charge des salaires des enseignants par l’éducation nationale et ceux des autres personnels par la Région.

Or, le président du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, fait partie des responsables qui réclamaient depuis 2017 la fin du financement de l’établissement sur fonds publics.

Ceux qui appellent à le sauver mettent en avant en revanche la qualité reconnue de l’enseignement qu’il prodigue et les excellents résultats de ses élèves au Bac. En 2013, il a été désigné meilleur établissement de France.

Parmi ses défenseurs, le directeur de l’école de sciences politiques de Lille qui a souligné que beaucoup d’élèves du lycée Averroès finissent par rejoindre son prestigieux établissement.

Des accusations de « deux poids, deux mesures » ont été également proférées, notamment par certains élus de gauche qui ont invité à voir aussi ce qui se passe dans les lycées catholiques.

Après l’officialisation de la décision du préfet, les responsables du lycée sont aussi sortis du silence, dénonçant eux aussi une discrimination et des arrière-pensées politiques derrière la résiliation du contrat. Leurs avocats, qui s’apprêtent à saisir la justice administrative, se sont dit « confiants ».

Un des avocats, Me Vincent Brengarth, a dénoncé en conférence de presse « une cabale organisée politiquement » visant un lycée « qui dérange par l’identité qu’il porte ».

L’urgence est d’abord d’obtenir en référé la suspension de la décision afin de sauver l’année scolaire, a indiqué de son côté le directeur de l’établissement.

Un autre avocat, Me William Bourdon, cité par l’agence Anadolu, a accusé nommément le ministre de l’intérieur, indiquant que le préfet du Nord est « l’homme lige » de Gérald Darmanin.  Il s’agit d’une « forme de nouveau maccarthysme à la française », a-t-il accusé.

L’avocat est d’autant plus convaincu qu’il y a une cabale politique que le préfet avait promis dès son arrivée à Lille « qu’il aurait la peau du lycée », rappelle-t-il.

Lycée musulman de Lille : Mediapart démonte les accusations de la préfecture

Le deux poids, deux mesures, dénoncé par des élus de gauche, est repris par les avocats. L’un d’entre eux a cité des lycées catholiques ayant « des projets pédagogiques souillés par des éléments de langage homophobes, racistes ou parfois antisémites ».

Le député de la France Insoumise (LFI) Paul Vannier a souligné que la décision a été prise dans un « contexte islamophobe, de haine » contre les musulmans auxquels « on cherche manifestement des griefs particuliers ».

De son côté, le journal en ligne Mediapart a expliqué dans un article comment la préfecture a « tronqué son rapport », relevant « de très nom­breuses erreurs et même plusieurs étranges omissions de la part du préfet ».

Selon le journal, « un rapport élogieux » rendu en juin 2020 par l’Inspection générale de l’éducation,  « a été passé sous silence » et une partie des accusations visant le lycée « concernent en réalité le col­lège Averroès » qui n’est pas sous contrat avec l’État.

« Rien (…) ne permet de penser que les pratiques enseignantes divergent des objectifs et principes fixés et ne respectent pas les valeurs de la République », y est-il écrit dans le rapport.

Pour Mediapart, les arguments du préfet sont « discutables ». L’auteur cité comme « salafiste », un certain Mohamed Louizi, est en fait « un essayiste qui milite depuis des années contre ce lycée musulman et écrit des textes parfois pu­bliés dans des médias d’extrême droite ».

Il a déjà appelé à voter Marine Le Pen, n’a aucun lien avec le lycée Averroès et les passages controversés de son ouvrage ne sont pas enseignés dans l’établissement. Le journal cite une longue série de rapports dont le préfet a complètement ignoré les passages favorables au lycée musulman.

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