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Guerre Palestine – Israël : une attente déçue de la France

La France, longtemps plus ou moins équilibrée dans le conflit israélo-palestinien a, cette fois, pris ouvertement le parti d’Israël après l’attaque du Hamas samedi 7 octobre et la guerre contre Gaza qui a suivi.

Elle ne le fait pas plus que les États-Unis, qui ont même envoyé ses porte-avions dans la région pour intervenir en cas de besoin, ni plus que le Royaume-Uni, mais il y a chez les opinions publiques du monde arabe et musulman comme une attente déçue de la France depuis le début des affrontements entre armée israélienne et combattants palestiniens le 7 octobre.

Dans les grands événements qui ont marqué le Moyen-Orient jusqu’à il y a quinze ans, la voix de la France a été singulière : celle de la retenue et de l’équilibre. Le dernier épisode en date où la diplomatie française s’est distinguée par une telle attitude est l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003.

La France, menée par son dernier président réellement gaulliste, Jacques Chirac, avait refusé de donner son quitus à Washington pour aller soi-disant débusquer les armes de destruction massive de Saddam Hussein.

Jacques Chirac avait mis en garde contre la déstabilisation de l’Irak et de toute la région et le temps a fini par lui donner raison. Aucune arme de destruction massive n’a été trouvée en Irak qui depuis cette invasion est en proie à toutes les formes de violence.

Mais le temps de « la politique arabe de la France » a vécu. Le successeur de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, élu en 2007, a amorcé un virage dans la politique étrangère du pays, l’alignant progressivement sur celle des États-Unis.

Ses successeurs, y compris l’actuel président Emmanuel Macron, semblent y avoir trouvé leur compte. Les péripéties de la politique interne aidant -polémiques sur l’islam, lutte contre le terrorisme, débats sur l’immigration-, la France est très vite passée de pays le plus populaire dans le monde arabe et musulman à un l’un des plus décriés.

Avec les débats interminables sur l’immigration et la place de l’islam, les amalgames entre les musulmans et les islamistes ainsi que son soutien sans condition à Israël, la France prend le risque d’abîmer son image auprès des opinions publiques dans les pays arabes, musulmans et même africains où les soutiens à Israël sont rares.

Depuis l’attaque du 7 octobre, la France officielle est restée inflexible dans son soutien à Israël qu’elle a refusé de condamner pour ses frappes sur Gaza.

Lundi 16 octobre, elle a joint sa voix à celle des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon pour rejeter au Conseil de sécurité des Nations-Unies une proposition de résolution russe appelant à un cessez-le-feu à Gaza.

Mardi soir, lorsqu’une frappe a ciblé un hôpital de Gaza, tuant 500 personnes dont une majorité de femmes et d’enfants, Emmanuel Macron a condamné et appelé à une enquête, sans désigner le coupable, comme s’il donne lui aussi du crédit à la version israélienne qui évoque un tir raté du Djihad Islamique.

La position que la France a fait sienne et trouve son explication évidemment dans cette « américanisation » de sa politique étrangère entamée depuis 15 ans, mais aussi dans les impératifs de la politique interne.

Sur tous les dossiers liés à l’Islam, les musulmans, l’immigration ou l’identité, une grande partie de la classe politique française a appris depuis quelques années à calquer ses positions sur celles de l’extrême-droite qui monte inexorablement de scrutin en scrutin.

Israël – Palestine : il y a 20 ans, la position de la France serait celle de Mélenchon

Dans le même temps, le conflit israélo-palestinien est devenu une sorte de ligne de démarcation entre la droite et la gauche pas seulement en France mais partout dans le monde.

Dans les évènements actuels, les pays ayant pris position pour la Palestine sont ceux dirigés par des gouvernements de gauche, comme la Colombie qui a demandé à l’ambassadeur d’Israël de quitter le pays.

Cette démarcation est encore plus nette dans l’Hexagone où La France Insoumise (LFI, extrême-gauche) de Jean-Luc Mélenchon est l’unique formation politique à avoir dénoncé les violences des deux côtés et pointé du doigt la politique de colonisation du gouvernement israélien d’extrême-droite comme la cause directe de ce qui se passe.

Cette position, qui aurait été naturellement celle de la France officielle il y a 15 ou 20 ans, est vécue comme la pire des trahisons. Elle a valu à Mélenchon et son parti d’être ostracisés, attaqués et menacés de « liquidation physique » (propos tenus par le chanteur pro-israélien Enrico Macias sur une chaîne de télévision).

La France va au-delà de son soutien à Israël. Toute voix discordante subit les mêmes foudres de l’extrême-droite et même de certains membres du gouvernement.

Le footballeur Karim Benzema est accusé par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin d’être lié aux Frères musulmans et une sénatrice a appelé à le déchoir de sa nationalité française sans que cela n’émeuve personne.

L’ancien député européen Karim Zeribi est lynché et menacé sur les réseaux sociaux, et le footballeur algérien de l’OGC Nice Youcef Atal est poursuivi en justice, suspendu par son club et dénigré dans les médias pour avoir partagé une vidéo d’un prédicateur palestinien en soutien au peuple de Gaza, avant de la supprimer et de présenter ses excuses.

Jean-Luc Mélenchon est menacé de mort. Le parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête après une plainte du chef des Insoumis.

Dans le même temps, le chanteur pro-israélien Enrico Macias qui a appelé à liquider physiquement les Insoumis n’est pas inquiété. Au contraire, dans les médias, de nombreuses voix lui ont trouvé des circonstances atténuantes et l’ont défendu.

Comptant la première communauté juive et la plus importante communauté musulmane d’Europe, la France est aussi, naturellement, le pays qui enregistre le plus de polémiques liées à la situation au Moyen-Orient depuis l’attaque du Hamas.

Redoutant l’importation du conflit sur son territoire, le gouvernement français est l’un des rares en Occident à décréter l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes. Une décision nuancée ce mercredi par le Conseil d’Etat, qui a estimé qu’il appartient aux préfets de juger au cas par cas les menaces à l’ordre public.

De nombreuses voix de sagesse se font toutefois de plus en plus entendre en France à mesure que les crimes israéliens deviennent plus difficiles à taire.

Elles expriment des positions plus équilibrées et mettent la responsabilité de ce qui arrive sur la politique de colonisation israélienne, le refus de la solution à deux Etats et les exactions quotidiennes que subissent les Palestiniens.

La plus retentissante est celle du dernier Premier ministre gaulliste, Dominique de Villepin, qui a signifié à Israël que la « légitime défense » ne donne pas droit à une « vengeance indiscriminée ».

Il y a aussi les déclarations fortes de Gérard Arnaud, ancien ambassadeur aux États-Unis et en Israël qui, en 2019 déjà, qualifiait ce dernier pays d’ « État d’Apartheid », ou encore celles de l’archevêque d’Alger Mgr Jean-Paul Vesco qui a pointé les condamnations à géométrie variable des pays occidentaux.

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