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Immigration : la France et l’Europe face à un gros paradoxe

Immigration : la France et l’Europe face à un gros paradoxe

La France et l’Europe sont face à un gros paradoxe. Alors que les courants xénophobes et anti-immigration montent dans les sondages et les scrutins électoraux, le besoin du renfort de la main d’œuvre étrangère pour maintenir le fonctionnement de l’économie dans des sociétés vieillissantes se fait de plus en plus sentir et exprimer.

La France est confrontée à ce paradoxe qui est illustré par ce qui est en train de se passer en Italie. Le gouvernement d’extrême-droite de Giorgia Meloni, élu il y a une année sur la promesse de fermer les portes hermétiquement devant l’immigration, s’apprête à faire venir la plus grosse vague d’immigration légale de ces dernières années.

Le gouvernement vient d’acter la décision de faire rentrer 452.000 immigrés d’ici à 2025 pour combler le manque de main d’œuvre dans de nombreux secteurs de l’économie italienne, comme l’agriculture, la pêche ou la restauration.

Le vieillissement de la population, qui touche particulièrement l’Italie, ne laisse guère le choix à Giorgia Meloni. Le taux de natalité dans ce pays est de 1,24 enfant par femme, loin des 2,1 enfants nécessaires pour la stabilisation de la population sans l’apport de l’immigration.

C’est presque toute l’Europe qui est au-dessous de ce seuil, avec par exemple un taux de 1,53 en Allemagne, 1,56 au Royaume-Uni ou encore 1,23 en Espagne.

Immigration : la France fait-elle fausse route ?

En France, où le taux de natalité et de 1,83, le débat est aussi engagé et de plus en plus de voix s’élèvent pour exclure l’immigration économique des restrictions mises en place ou envisagées sur l’entrée et la régularisation des étrangers.

Dans la loi avortée sur l’immigration, le gouvernement a introduit une clause prévoyant la régularisation des immigrés travaillant dans certains secteurs dits « sous tension ».

Le fameux article 3 a fait l’objet d’intenses débats puis finalement d’un deal entre le gouvernement et la droite pour pouvoir le faire passer en première lecture au Sénat en novembre dernier.

L’article 3 initial, qui prévoyait une régularisation « de plein droit » des travailleurs sans papiers dans les métiers sous tension, a été remplacé par un article 4-bis qui laisse la prérogative aux préfets de trancher « au cas par cas ».

La loi dans son intégralité a fini par être rejetée par l’Assemblée nationale le 11 décembre et son sort a été remis entre les mains d’une commission paritaire mixte constituée de députés et de sénateurs.

Le débat ne s’estompe pas et est toujours axé sur cette question de savoir s’il faut oui ou non recourir à l’immigration pour combler le vieillissement de la population et le manque de main d’œuvre.

Peut-être le personnage le mieux placé pour estimer les besoins de la sphère économique, le président du MEDEF, première organisation patronale de France, vient d’exprimer un avis tranché : dans les prochaines décennies, l’économie française aura besoin « massivement » de l’apport de la main d’œuvre étrangère.

Patrick Martin, qui s’exprimait sur Radio classique ce mardi 19 décembre, a même mis des chiffres et des dates sur ses prévisions. Il a fixé une échéance à partir de laquelle l’apport de l’immigration deviendra vital pour l’économie française.

Ce sera, selon lui, à partir de 2036,  lorsque la population française en âge actif va se mettre à baisser. « On a des régimes sociaux – les retraites, l’assurance chômage, la santé – qui sont assis sur les revenus du travail, donc sur l’emploi. Que va-t-on faire ? », s’est interrogé le patron des patrons français.

« Sauf à réinventer » son « modèle économique », la France aura besoin d’ici à 2050 3,9 millions de salariés étrangers, prévoit Patrick Martin qui précise que ce ne sont pas les patrons mais l’économie qui demande « massivement de l’immigration ».

« Nous avons besoin de l’immigration économique, sinon notre économie s’arrête », a soutenu de son côté le député Renaissance Éric Woerth. A ceux qui prônent « zéro immigration » en avançant qu’il y a beaucoup de postes disponibles, le député les a invités à « prendre ces postes ».

Les débats autour de la loi sur l’immigration ont pris une tournure très politique. Sous la pression de la montée de l’extrême-droite, le gouvernement semble prêt à passer à côté des véritables enjeux économiques.

Pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, si la loi ne passe pas avec toutes ses clauses restrictives, cela ferait les affaires de Marine Le Pen et du Rassemblement national pour les prochaines échéances. « Si nous ne prenons pas nos responsabilités, Marine Le Pen va être élue » en 2027, a dit Darmanin il y a deux jours.

Darmanin a annoncé ce mardi qu’un accord a été trouvé par le Parlement. Il porte sur « des mesures qui protègent les Français, de fermeté indispensable vis-à-vis des étrangers délinquants, et des mesures de justice comme la fin (historique) de la rétention des mineurs ou de régularisation pour les travailleurs ».

Des bruits avaient couru sur un compromis trouvé avec les « durs » de la droite et cela semble se confirmer avec l’annonce de Marine Le Pen que son parti « votera le texte tel qu’il sortira de la commission paritaire ». Pour elle, il s’agit d’une « victoire idéologique » de son parti.

Des développements qui ont suscité cet appel de Jean-Luc Mélenchon, le chef de La France Insoumise (LFI), aux macronistes : « Ne laissez pas se faire cet accord si loin de nos traditions républicaines. Ne laissez pas le RN contaminer les lois. »

L’ancien président François Hollande a lui aussi mis en cause la pression du RN. « À force de jouer avec les idées du RN, on finit par lui donner le rôle principal », a fustigé l’ancien président socialiste.

Une tournure que regrette le patron du MEDEF qui estime que la question du contrôle de l’immigration est « minime » par rapport à l’enjeu crucial d’éviter à l’économie française de s’arrêter.

D’autant plus que la France ne sera pas seule à chercher à combler son déficit de population et de main d’œuvre.

Des pays comme le Canada sont déjà à l’affût avec des politiques et des stratégies plus attractives et surtout une démarche agressive pour attirer les compétences notamment des bassins francophones comme le Maghreb.

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