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Importation de véhicules neufs : un feuilleton interminable

Importation de véhicules neufs : un feuilleton interminable

Suite et pas fin du (très) long feuilleton de l’importation des véhicules neufs en Algérie. Le président de la République a ordonné dimanche 5 décembre la révision « immédiate » du cahier des charges relatif à cette activité et la publication dans les plus brefs délais de la liste des concessionnaires retenus.

Dans la foulée, le ministre de l’Industrie a annoncé lundi que la révision sera finalisée fin janvier. Ce mardi, le directeur des ressources humaines et des affaires juridiques du même département a repoussé l’échéance jusqu’à mars prochain. Ce sera donc au moins dans deux ou trois mois.

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Ceux qui ont prévu que le retour à l’importation ne se fera pas en 2021 ne se sont pas trompés. Et il est maintenant permis d’avancer que les premiers véhicules neufs n’entreront pas sur le marché algérien avant la seconde moitié de 2022.

Si le cahier des charges est finalisé en mars, il faudra plusieurs semaines pour les concessionnaires postulants pour se mettre en conformité avec ses dispositions, puis préparer et déposer leurs dossiers.

L’étude de ces derniers prendra au moins autant de temps, sachant que la commission du ministère de l’Industrie devrait en recevoir plusieurs dizaines (66 dossiers ont été déposés dans le cadre du précédent cahier des charges). Il faudra ensuite pour les concessionnaires retenus passer les commandes, attendre les livraisons et entamer la commercialisation.

Cela, si le ministère respecte son engagement et surtout si une nouvelle révision du cahier des charges n’est pas ordonnée. Il est légitime d’entrevoir un tel scénario tant qu’on ne compte plus les textes finalisés avant d’être annulés et les échéances annoncées pour le retour à l’importation mais jamais respectées. D’autant que c’est la troisième fois depuis 2020 que le gouvernement décide de revoir les conditions d’importation des véhicules neufs.

L’indécision concerne tous les dossiers liés au marché automobile en Algérie : l’importation des véhicules neufs, l’autorisation de l’importation des véhicules d’occasion (moins de trois ans) et la relance de l’industrie de montage.

Un grand cafouillage

L’importation des véhicules neufs a été suspendue en 2017, celles des voitures d’occasion a été envisagée fin 2019, abandonnée en 2020 puis de nouveau incluse dans la Loi de finances complémentaire 2021, mais elle n’a jamais été mise en application, et enfin les usines d’assemblage sont à l’arrêt depuis 2020 et elles ne devraient pas rouvrir de sitôt. Un grand cafouillage entoure le dossier de l’automobile et les autorités ne semblent pas savoir par quel bout le prendre.

Le montage a été décidé en 2012 dans le cadre d’une stratégie visant, à terme, à disposer d’une véritable industrie et, dans l’immédiat, à réduire les importations ; celles-ci ont été ensuite suspendues pour permettre aux usines de montage de vendre, puis le recours aux véhicules d’occasion a été envisagé pour atténuer la hausse des prix induite par la situation de quasi-monopole des assembleurs, qui s’avèreront par la suite de simples « gonfleurs de pneus », pour reprendre l’expression du président de la République lui-même.

Au final, l’Algérie s’apprête à boucler une deuxième année sans véhicules neufs mis sur le marché, excepté ceux importés par des particuliers au prix fort (au taux parallèle de la devise) et les quantités infimes montées localement à partir de vieux stocks de kits SKD/CKD.

Après plus d’une décennie de véhicule bon marché, la voiture est de nouveau devenue un luxe inaccessible pour le commun des Algériens.

Les prix ont atteint des seuils dépassant l’entendement, tant pour le neuf que pour l’usager. Une voiture neuve qui coûtait 4 millions de dinars il y a trois ans a vu son prix monter pour atteindre les 10 millions de dinars, alors que les véhicules d’occasion ont connu une flambée spectaculaire ces deux dernières années.

Le parc automobile national n’est pas renouvelé, ce qui constitue un frein pour la marche de l’économie et porteur de risques pour la sécurité routière. D’autant plus que même la pièce de rechange n’est pas épargnée par les restrictions et prend des circuits détournés pour arriver sur le marché, à des prix élevés et avec une qualité douteuse.

Selon les spécialistes, les besoins internes s’élèvent à 250 000 véhicules par an. En deux ans de fermeture, ce sont donc 500 000 véhicules neufs qui manquent au parc automobile national, estimé à 6 millions de véhicules.

Le spectre des poursuites judiciaires ?

La longue tergiversation du gouvernement, malgré les préjudices et les risques posés par une telle situation, soulève des interrogations.

Deux raisons principales sont avancées pour expliquer les restrictions en cours : le souci de remettre de l’ordre dans une filière marquée par des abus préjudiciables pour l’économie nationale et celui de préserver les réserves de change.

En 2014, l’Algérie avait importé plus de 430 000 véhicules pour près de 6,4 milliards de dollars. Il est vrai que ce montant est excessif pour la taille actuelle des réserves de change (46 milliards de dollars, prévision pour fin 2021), mais le gouvernement n’est pas obligé d’ouvrir totalement l’importation. Il peut fixer un plafond global en valeur et des quotas à attribuer à chaque concessionnaire. C’est ce qui est demandé et c’est ce qui est du reste envisagé depuis deux ans.

À moins que ce soient justement ces « quotas » qui empêchent les responsables à tous les niveaux d’agir, par le fait de pressions qu’exerceraient des lobbies influents pour le compte de tel ou tel concessionnaire et peut-être aussi par peur de signer et d’avoir à répondre devant la justice.

Ce n’est un secret pour personne que la sphère économique et décisionnelle est tétanisée par le spectre des poursuites judiciaires et c’est pour cela que le président de la République réitère sans cesse ses assurances aux fonctionnaires et managers publics que seuls les faits avérés de corruption seront punis et le reste sera mis sur le compte de la mauvaise gestion, donc non passible de poursuites.

Ne l’oublions pas, si d’ex-premiers ministres et d’anciens ministres de l’Industrie sont aujourd’hui sous le coup de lourdes condamnations judiciaires, c’est principalement à cause du dossier de l’automobile confié dans tous ses aspects (assemblage et importation) à ce département. Ce qui est une autre aberration, l’importation, une opération de commerce, ne devant logiquement relever que du ministère en charge de cette activité.

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