Économie

Industrie automobile : la navigation à vue continue

Le gouvernement n’a pas confirmé comme il l’a fait pour l’augmentation des tarifs des documents biométriques, mais il n’a pas démenti non plus.

Sauf surprise donc, les véhicules assemblés en Algérie devraient coûter plus cher à partir de l’été prochain, conformément aux nouvelles dispositions de l’avant-projet de loi de finances complémentaire 2018, qui prévoient la soumission à la TVA à taux réduit (9%) des collections « CKD » et « SKD » destinées aux industries de montage de véhicules.

Même s’il s’agit d’une demi-mesure, le rétablissement de la TVA pour la filière est d’abord symptomatique de la navigation à vue du gouvernement dans ce dossier mal ficelé, car lancé dans la précipitation.

Il s’agit en tout cas d’un revirement qui suscite bien des interrogations et qui risque aussi de faire des mécontents. D’abord parmi les constructeurs qui se sont engagés à installer des usines de montage en Algérie suivant un cahier des charges techniques et en contrepartie d’avantages incitatifs sur une certaine période de cinq ans, parmi lesquels des abattements fiscaux incluant une exonération de la TVA. Certains viennent de démarrer leur activité, d’autres s’apprêtent à le faire.

En réinstaurant la TVA, même à taux réduit, le gouvernement remet en cause un des avantages accordés aux constructeurs automobiles pour les inciter à s’installer en Algérie, ce qui risque de fragiliser davantage cette industrie embryonnaire, et d’aggraver le climat des affaires déjà morose, à cause notamment de l’instabilité juridique, qui est la bête noire des investisseurs.

Si la disposition est adoptée, les constructeurs n’auront plus qu’à s’y conformer, sachant qu’il n’existe aucun moyen légal de surseoir à l’application de clauses contenues dans une loi de finances. Certains diront que la TVA est une taxe sans aucune incidence sur la trésorerie des sociétés car, in fine, c’est le consommateur qui la supporte et l’entreprise ne fait que la collecter, mais l’incidence sur les prix est indéniable.

Dans son exposé des motifs, le gouvernement explique que cette TVA « ne pouvant être imputée sur celle applicable au titre des opérations de vente, du fait de l’exonération de la TVA du produit fini, constitue une charge déductible du résultat de l’entreprise ».

D’une manière ou d’une autre, l’entreprise la paiera et elle n’aura que le prix final pour la récupérer. Elle ne perdra rien au change, mais risque de voir le volume de ses ventes baisser en cas de hausse significative des prix.

Pour rester dans le court terme, une hausse des prix des véhicules assemblés en Algérie est donc inévitable à partir de l’entrée en vigueur de la loi de finances complémentaires et cela constitue une autre preuve que les contours de la stratégie des autorités demeurent flous, les objectifs difficiles à cerner. Il y a à peine quelque mois, la priorité nationale n’était-elle pas de baisser les prix des véhicules neufs, devenus inaccessibles à cause des marges jugées trop élevées des constructeurs ?

La publication des prix sortie d’usine des voitures assemblées en Algérie par le ministère de l’Industrie en mars dernier fut le premier acte d’une pression soutenue afin d’amener les assembleurs et les concessionnaires à revoir leurs marges bénéficiaires à la baisse.

Il n’y a pas eu changement de gouvernement ni de ministre au département de l’Industrie, mais le cap n’est plus le même moins de trois mois après. Le prix final et la TVA suivent invariablement la même courbe et, suivant cette logique économique, les prix bondiront dans un peu plus d’un mois de 9%, puisque la TVA passera d’un coup de 0 à 9%.

Le véhicule, déjà hors de portée de bien des bourses, sera encore plus inaccessible au commun des Algériens, comme l’est déjà le logement. Pis, même la légère baisse entamée sur le marché de l’occasion depuis la publication des prix sortie d’usine, risque d’être estompée et les prix de repartir à la hausse.

Est-ce là l’objectif du gouvernement, priver la classe moyenne de l’accès au véhicule ? Assurément pas, le but recherché semble être de ramener les marges des producteurs et des concessionnaires à des proportions acceptables, mais cette façon de faire, non seulement elle ne garantit aucun résultat, mais risque aussi d’ouvrir la voie à toutes les conjectures, toutes les supputations.

Autre changement subi de cap, l’abandon annoncé de la politique de soutien aux usines d’assemblage automobile. Tout cela semble n’être en effet que le début du démantèlement de tout l’arsenal d’incitations fiscales accordées à la filière.

C’est encore dans l’exposé des motifs du gouvernement : « Les objectifs tracés par les pouvoirs publics en faveur des industries de montage automobile ayant été atteints, particulièrement avec l’émergence de la sous-traitance dans ce domaine, leurs efforts en termes d’incitations fiscales seront orientés vers d’autres industries de montage qui ont encore besoin des aides publiques sous toutes leurs formes. » Objectifs atteints et émergence de la sous-traitance ? Encore un argument plus que discutable pour tenter de justifier, sans l’assumer, une simple hausse des taxes, dans un contexte de crise économique.

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