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Initiative politique de Bengrina : quelles chances de réussite ?

Initiative politique de Bengrina : quelles chances de réussite ?

L’initiative lancée par Abdelkader Bengrina pour constituer un front interne afin de prémunir l’Algérie contre les menaces extérieures sera jugée à l’aune de la participation de l’opposition.

Les promoteurs de l’initiative pour le « renforcement de la cohésion nationale et la sécurisation de l’avenir » de l’Algérie ont tenu samedi au CIC d’Alger une conférence intitulée « partenariat politique, économie forte, justice sociale, société cohérente, État pivot ».

Dévoilée en juin dernier, cette initiative, conduite par le président du parti El Bina, d’obédience islamo-conservateur, Abdelkader Bengrina a réuni plusieurs participants dont des partis, comme le FLN et le RND, TAJ et El Karama, des syndicats, des représentants de zaouias, des associations et des organisations comme les scouts, l’ONM, l’ONEC, des hommes de culture et d’autres notabilités locales.

Au terme de cette conférence, les participants ont appelé les Algériens « dans toutes leurs composantes » à « la cohésion et à la vigilance afin de renforcer le front intérieur, de se fédérer autour des institutions et de soutenir leurs positions stratégiques ».

Les participants ont lancé un « appel à l’unification des rangs et des positions afin de « supporter le fardeau de l’étape actuelle » et de « défendre les intérêts supérieurs du pays ».

Ils ont lancé une invitation des autorités officielles à « faciliter le travail des acteurs de l’initiative et les différentes couches de la société pour ouvrir des ateliers de dialogue approfondi sur les dimensions de l’initiative ».

Les participants ont exhorté également les différentes institutions et les différents services de l’État à « coopérer avec les médias, les hommes de culture, les références religieuses et l’élite pour conscientiser l’opinion publique nationale sur la nature des dangers qui menacent le pays et les moyens de faire face à leurs défis ».

Enfin, ils ont lancé un appel à toutes les composantes politiques et sociétales en Algérie à « promouvoir l’initiative » et ont invité l’élite à « cristalliser les idées de l’initiative sous forme de projets, de programmes et de mécanismes pour renforcer la cohésion ».

Idée généreuse, compte tenu du contexte politique national et géopolitique, cette initiative regroupant pour l’essentiel des acteurs ayant soutenu le défunt président déchu Abdelaziz Bouteflika, présente pourtant quelques handicaps et non des moindres.

À commencer d’abord par l’absence des partis de l’opposition, comme le PT, le RCD et le FFS et par l’absence des partis islamistes comme le MSP ou encore le FJD. 

« Le parti n’a jamais été impliqué dans les étapes de préparation de cette conférence et il ignore ses objectifs », a indiqué mercredi dernier le PT dans un communiqué pour expliquer son refus de prendre part à cette initiative.

Il y’a aussi l’absence de certaines figures, à l’image du diplomate, Abdelaziz Rahabi ou encore de l’avocat Mustapha Bouchachi.

Hormis la référence aux menaces extérieures, les participants n’ont pas évoqué la situation interne, ni le climat socio-politique, encore moins les contraintes auxquelles sont confrontés certains acteurs politiques et de la société civile.

Dès lors la question est de savoir quelles sont les considérations sous-jacentes d’une telle initiative sachant que les chances de son succès dépendent dans une large mesure de la réunion de nombreuses conditions dont l’ouverture politico-médiatique.

Talon d’Achille

Abdelkader Bengrina cherche-t-il à constituer une base politique et sociale à son profit ou au profit d’un candidat qui aura été adoubé en perspective de la prochaine échéance électorale, la présidentielle de 2024 ? S’agit-il du prolongement du projet de « lem echeml » (rassemblement) lancé par le président de la République et resté depuis au stade de l’intention?

 Signe de la bienveillance des autorités : la tenue de la conférence au centre international des conférences, endroit cossu qui commande d’importants moyens financiers, alors que des partis se sont vus interdire l’organisation de certaines activités.

Privées de relais depuis l’insurrection populaire de 2019, comme en témoigne la désaffection des électeurs lors des scrutins organisés depuis, les autorités chercheraient peut-être à susciter une dynamique populaire autour des objectifs stratégiques vu les multiples défis qui se posent au pays.

Mais le choix de s’appuyer sur des entités politiques et sociales dont certaines sont discréditées et d’autres encombrantes risque de s’avérer hasardeux.

Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’Abdelmadjid Tebboune a dès son accession à la magistrature suprême en décembre 2019 s’est opposé à la création d’un parti politique, en prenant de la distance avec le FLN qui avait soutenu son rival à la présidentielle, Azzedine Mihoubi.

Le président de la République a jeté son dévolu sur la société civile mais qui visiblement peine à s’affirmer et à susciter l’adhésion escomptée sur l’échiquier national.

Aussi la figure de Abdelkader Bengrina est loin de faire consensus : ancien membre du Conseil national de transition (CNT) en 1994, il a été désigné ministre du tourisme et de l’artisanat en 1997 avant de devenir député en 2002.

Accusé par ses contempteurs, y compris au sein de la mouvance islamiste d’avoir été un proche du clan Bouteflika, Abdelkader Bengrina avait éprouvé des difficultés pour mener sa campagne présidentielle en 2019, notamment à Alger où il avait été fortement chahuté.

Récemment encore, certaines de ses sorties ont suscité la polémique. Comme quand il a invité les Algériens à être des « khabardjis (informateurs) au profit des institutions » où encore quand il a dit « qu’il était hostile à la mentalité de la « déchra » pour la gestion des affaires de l’État ».

Un discours paradoxalement clivant à contresens de l’idée du renforcement de la « cohésion ».

Ajoutée aux profondes divergences qui minent la scène politique, comme le montre les multiples initiatives politiques dont celle du FFS ou encore celle de l’UCP, RCD et PT, l’initiative de Bengrina n’est pas à l’abri du sort connu par celle de Zeralda en 2014 ou encore les plus récentes, de juin 2019, celles du PAD et d’Ain Benian.

Dans ce contexte, l’initiative de Bengrina a peu de chances de ratisser large alors que l’opposition réclame une ouverture politico-médiatique pour mettre en place les conditions pour un dialogue serein entre les diverses composantes de la société. 

D’autant que le projet de Bengrina dépasse largement le cadre et les capacités de mobilisation d’un ou de plusieurs partis politiques. « Un parti peut mobiliser ses militants mais pas la société toute entière », critique un opposant, en soulignant les risques d’une telle initiative sur la cohésion du front interne en Algérie. 

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