Économie

Investissement, conquête de l’Afrique : entretien avec Hassen Khelifati

L’Algérie a abrité du 5 au 8 juin dernier à Oran la 33e édition de la Conférence de l’Union générale des assureurs arabes (GAIF 33). Une rencontre d’envergure organisée conjointement par l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (l’UAR ) et la GAIF.

Dans cet entretien,  Hassen Khelifati, vice-président de l’UAR et PDG d’Alliance assurances, fait le bilan de cet événement, revient sur les perspectives de développement de l’industrie des assurances en Algérie et explique pourquoi le marché algérien des assurances est en retard par rapport aux marchés des pays voisins.

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Quels étaient les enjeux de la 33e édition de la Conférence de l’Union générale des assureurs arabes ?

Il s’agissait de la première conférence internationale qui s’est tenue post-covid dans notre pays. L’enjeu était, en premier lieu, de mobiliser la communauté internationale des assurances. De nombreuses thématiques très importantes ont été discutées.

Nous avons pu enregistrer 1300 participants, dont 800 étrangers. Il y avait un enjeu d’organisation important, notamment sur le plan du transport, de l’hébergement et de la prise en charge.

La ville d’Oran est à la veille de l’organisation des Jeux méditerranéens (24 juin – 6 juillet). C’était donc une répétition à grandeur nature de recevoir 800 personnalités étrangères de qualité et veiller à ce que tout se passe dans les meilleures conditions possibles.

Quel bilan faites-vous de cet événement ?

Le pari de l’UAR a été tenu avec le GAIF. Beaucoup de voix appelaient à ce que l’événement se fasse à distance.

Il marque le retour de l’Algérie sur la scène économique internationale. Le pays va d’ailleurs abriter au mois de mai 2023, à Alger, la 49e édition de la conférence de l’organisation africaine des assurances (OAA).

Une délégation, dont je fais partie, va se déplacer le 25 juin prochain, à Nairobi, au Kenya, pour assister à la 48e édition de cet événement, reprendre le flambeau et ainsi faire une passation de relais pour l’organisation de la prochaine édition.

À Oran, la qualité des débats et des conférences a été très importante, notamment pour les cadres algériens qui se sont retrouvés avec des assureurs de niveau mondial.

Les compagnies algériennes ont eu de nombreux rendez-vous de networking. Ce qui leur a permis de revoir leurs partenaires, notamment dans la réassurance, dans l’expertise et les process. Les trois jours de la conférence ont été intenses. Cela a été un défi, mais qui a été bien relevé.

Comment se porte le marché des assurances en Algérie ? Est-il en retard par rapport aux marchés des pays voisins ?

Oui, c’est les chiffres qui le disent. Le taux de pénétration du secteur des assurances par rapport au PIB est sous la barre des 1 % en Algérie, environ 0,75 %.

Alors qu’au niveau arabe, il est de 1,5 %,  qu’au niveau africain, il est autour de 3 % et qu’au niveau mondial, il est de l’ordre de 6 à 7 %.

Si l’on revient aux chiffres, le marché arabe représente 45 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Les marchés voisins dépassent largement le milliard de dollars, alors qu’en termes de PIB et de nombre d’habitants, ils sont beaucoup moins importants qu’en Algérie.

Le marché algérien est estimé actuellement à un peu plus d’un milliard de dollars, alors que les experts l’estiment entre 6 à 7 milliards de dollars chaque année.

En 1991, le marché algérien des assurances faisait 900 millions de dollars de chiffre d’affaires. Plus de 30 ans après, nous sommes autour de 1,1  – 1,2 milliard de dollars.

Nous sommes quasiment sur les mêmes chiffres. Nous sommes très en retard. La prime RC automobile (responsabilité civile) est la plus basse au monde. Pour un même véhicule, vous payer dans un pays voisin l’équivalent de 40.000, 30.000, ou 20.000 DA, alors que chez nous, cela ne dépasse pas les 2.000 DA. Tout cela fait que le marché algérien est très en retard.

Il y a une réforme à faire à ce niveau. Il y a une réforme à faire sur le plan de barème. De plus, aujourd’hui, nous avons un secteur qui est dominé par les compagnies publiques, que ce soit le marché bancaire, ou celui des assurances. Tout cela, avec l’absence d’une régulation indépendante, ce qui représente un frein au développement du secteur des assurances en Algérie.

Quelles sont les perspectives de développement de l’industrie algérienne des assurances ?

Les perspectives sont connues, mais nous ne pouvons pas rester sur de la théorie. Il faut réformer et avancer sur la réforme des textes de lois, et notamment la loi 95-07.

Il faut revoir les tarifs RC (responsabilité civile). Il faudrait, aussi, que la régulation joue son rôle pour que ceux qui pratiquent le dumping et la guerre des prix soient mis devant leurs responsabilités et tiennent leurs engagements.

Il faut développer la concurrence saine et loyale et pénaliser les discriminations entre les compagnies. Il faut libéraliser la réassurance et s’ouvrir à la concurrence internationale. Les solutions sont connues. Il faut les mettre en place. Il ne suffit plus de constater sans agir.

Que pensez-vous de la nouvelle mouture de la loi relative à l’investissement ?  Va-t-elle contribuer à l’amélioration du climat d’investissement en Algérie ?

Le communiqué du Conseil des ministres du 19 mai dernier comporte plusieurs points positifs.

Le président de la République a donné des orientations claires pour rassurer les investisseurs étrangers, garantir le transfert de dividendes, diminuer l’omniprésence et l’omnipotence de l’administration, donner une meilleure place à la justice pour faire appliquer les lois et même pénaliser l’acte de blocage de l’investissement et de la non application de la loi.

Il est stipulé aussi la mise en place d’une institution, ou des représentants, dans une structure au niveau de la Présidence pour prendre en charge les recours.

Si tout cela est transcrit dans le texte final, je pense que cela sera une très grande avancée. Cela n’augure que du bon. Nous avons eu des discussions avec des partenaires étrangers dans des forums, ils attendent cela avec impatience.

Si tout ce qui a été transcrit dans le communiqué sera figure dans la loi, ce sera une très bonne avancée. Mais j’espère que cette loi sera accompagnée rapidement de textes d’application pour éviter les retards.

De plus en plus d’entreprises algériennes se déploient sur le marché africain. Pourquoi misent-elles sur ce marché ?  Quelles sont les opportunités qu’offre le marché africain ?

Il y a beaucoup d’expériences positives. L’Afrique peut constituer une opportunité réelle d’exporter mais pour cela il faut utiliser les bons moyens et les bonnes méthodes.

Que ce soit à travers les salons ou les journées portes ouvertes, il faut aller à la conquête du marché africain. Les entreprises privées algériennes, les PME, ont de grands potentiels.

Mais nous sommes aujourd’hui en concurrence. Nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas privilégiés ou prioritaires sur ce marché. La  seule chose qu’il faut éviter est de continuer à vivre sur des slogans.

L’Afrique est une région qui est ouverte sur le monde et qui est de plus en plus exigeante en termes de qualité, de communication et de transactions.

Les entreprises, à elles seules, ne peuvent rien faire si tout l’écosystème, que ce soit sur le plan de la logistique, banques, lignes aériennes, ne suit pas. Il ne suffit pas de faire des opérations spots, juste pour faire de la politique. L’État ou le ministère du Commerce doit juste venir en appui et ne doit pas gérer ça. Il faut revoir ça de fond en comble.

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