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Israël – Gaza : les médias français sous les feux des critiques

Israël – Gaza : les médias français sous les feux des critiques

Près de neuf mois après son déclenchement, le schéma de la guerre de Gaza est comme figé, autant sur le terrain que sur le plan de la perception médiatique et diplomatique du conflit à travers le monde.

Les Palestiniens meurent toujours chaque jour par centaines et une grande partie des médias et des politiques occidentaux fait montre du même parti pris en faveur des thèses israéliennes, comme au premier jour. En France, l’ardeur des défenseurs d’Israël ne faiblit pas et certains médias, qui se targuent d’être libres et de donner des leçons de journalisme aux autres, ne cachent plus leur partialité.

Mêmes visages, même rhétorique, quasiment les mêmes mots et sur les mêmes médias, notamment CNews, BFMTV, LCI, tous les sites et journaux d’extrême-droite et même la grande chaîne de télévision TF1. Dans ces médias, la ligne est tracée : défendre coûte que coûte le gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahu, et déshumaniser les victimes palestiniennes.

Tout en banalisant dangereusement des idées d’extrême droite, en offrant des tribunes à Eric Zemmour et les autres racistes, des médias français plongent tête baissée pour alimenter la fameuse théorie du choc des civilisations.

La chaîne TF1 est particulièrement sous les feux des critiques depuis qu’elle a offert une tribune inespérée au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, sous la menace d’un mandat d’arrêt international de la CPI.

L’interview, diffusée jeudi, est survenue alors que le responsable israélien est dans le viseur de la Cour pénale internationale et quelques jours après le massacre commis par l’armée israélienne dans un camp de réfugiés à Rafah.

Juifs et musulmans : Netanyahu tente de semer la zizanie en France

La chaîne qui appartient au groupe Bouygues est d’autant plus critiquée que ce qu’a dit Netanyahou sur son antenne ne devait pas passer dans un média respectable.

« Notre victoire, c’est votre victoire ! C’est la victoire de la civilisation Judéo-Chrétienne contre la barbarie », a dit Netanyahou aux Français. La barbarie ici opposée au Judéo-christianisme c’est évidemment l’Islam. En face, le journaliste n’a pas branché.

Une action de protestation a rassemblé quelques milliers de manifestants devant le siège de la chaîne à Paris. « La doctrine du choc des civilisations dont il fait la propagande est un appel au génocide. Il devrait être devant un tribunal plutôt qu’à la télé française », a réagi le leader de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon.

Le parallèle fait par Netanyahou entre l’Etat palestinien et les banlieues françaises est aussi une manière d’alimenter les divisions internes en France qui compte les plus grandes communautés musulmane et juive d’Europe.

La diffusion de tels propos sur un grand média français et en prime-time est sans doute le point culminant de l’alignement médiatique sur Israël, parallèlement à la banalisation du discours raciste qui cible l’autre camp, c’est-à-dire les défenseurs de la Palestine, les musulmans, les immigrés d’origine algérienne…

La militante franco-palestinienne Rima Hassan cristallise toutes les attaques de l’extrême-droite sur les réseaux sociaux et dans les médias à l’approche des élections européennes (6- 9 juin) pour lesquelles elle est candidate sur la liste LFI. Ce parti aussi n’échappe pas au harcèlement médiatique, et depuis quelque temps, judiciaire, pour son soutien à la Palestine.

Si les 36.000 morts civils palestiniens (Guillaume Ancel, écrivain et ancien officier français, évalue le nombre de morts à Gaza à plus de 70.000) ont retourné une grande partie des opinions publiques occidentales, comme on le voit dans les campus américains, et la politique de certains gouvernements, comme ceux d’Espagne, d’Irlande et de Norvège qui ont franchi le pas de la reconnaissance de l’Etat palestinien, les relais de la propagande israélienne sont droit dans leurs bottes.

 En France, leur discours est encore plus audible grâce à leur alliance que d’aucuns qualifient de « contre nature » avec une extrême-droite, jadis antisémite et aujourd’hui ouvertement antimusulmane.

Dans une récente analyse dans le Monde diplomatique, le journaliste spécialiste du Moyen-Orient Alain Gresh a souligné qu’Israël fait tout pour imposer son récit et défendre ses intérêts grâce à un « réseau d’ambassadeurs et de propagandistes » qui bénéficient de « la sympathie de nombreux médias occidentaux ».

Le récit Israélien veut que l’État hébreu a « le droit de se défendre » face à ses ennemis arabes, le Hamas palestinien en tête, que les Palestiniens ont tué des bébés et violé des femmes le 7 octobre dernier ou encore qu’Israël est l’unique démocratie de la région…

Jeudi soir, Benyamin Netanyahu a apporté de nouveaux éléments à la rhétorique, et surtout répété les éléments de langage des pro-Israéliens en France, preuve que certains influenceurs pro-israéliens répétaient ce qui leur a dit de dire.

Depuis le début de la guerre, le visage, en tout cas « officiel » de cette propagande en France, c’est Olivier Rafowicz, porte-parole francophone de l’armée israélienne.

« Il a table ouverte sur les plateaux de télévision ou de radio, où il se pavane sans crainte d’être vraiment questionne », dit de lui Alain Gresh. Et lorsqu’il lui arrive d’entendre les bonnes questions, leur auteur est immédiatement sanctionné.

Le journaliste d’origine algérienne de TV5 Monde, Mohamed Kaci, a été désavoué publiquement par son employeur en novembre dernier pour avoir justement posé en plein direct les questions qu’il fallait poser à Olivier Rafowicz. L’appartenance de celui-ci au parti extrémiste Israel Beitenou (« Israël est notre maison »), d’Avigdor Lieberman, est soigneusement tue par les médias qui l’invitent régulièrement.

France et Occident : la propagande en faveur d’Israël ne faiblit pas

Rafowicz, en tant que porte-parole de l’armée israélienne, est évidemment dans son rôle. Meyer Habib l’est sans doute moins en sa qualité de député « français » censé défendre les préoccupations de ses électeurs, c’est-à-dire les Français. Depuis le 7 octobre, Habib est autant présent que Rafowicz sur les plateaux pour dégainer l’accusation d’antisémitisme à l’égard de toute voix critique du gouvernement extrémiste de Tel-Aviv.

Toujours est-il que l’activisme de Meyer Habib en faveur d’un État étranger ne choque pas outre mesure dans les milieux politiques et médiatiques français.

Ce qui choque en revanche c’est le moindre soutien exprimé en faveur du peuple palestinien et la moindre critique du gouvernement israélien et de son armée.

Si le parti pris des médias est compréhensible du fait du contrôle d’une grande partie d’entre eux par les lobbies pro-sionistes, celui des institutions l’est moins. Depuis quelques semaines, des politiques de gauche pro-palestiniens, comme la présidente du groupe parlementaire de La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot, sont convoqués par la police pour « antisémitisme » ou « apologie du terrorisme ».

Au moment où les attaques débridées d’Éric Zemmour ou Marion Maréchal Le Pen à l’égard des musulmans, dont justement la franco-palestinienne Rima Hassan, sont incompréhensiblement tolérées.   

Dans les médias, c’est la même sélectivité dans les sanctions suivant que la partie critiquée soit Israël et les musulmans.

Jeudi dernier, Guillaume Meurice, journaliste de France Inter, était « jugé » en conseil de discipline par son employeur pour une blague improvisée en octobre dernier sur le premier ministre Israélien Benyamin Netanyahou. Il encourt le licenciement pur et simple.

« Aujourd’hui est une belle journée pour savoir si faire des blagues sur un criminel de guerre génocidaire qui massacre des enfants dans des camps de réfugiés vaut un licenciement pour faute grave », a écrit le journaliste sur X.

Les méthodes des régimes autoritaires sont empruntées par des médias qui se disent libres et qui se permettent de faire la leçon à longueur d’année à la presse du reste du monde.

À suivre la plupart des médias occidentaux, leur thématique et leur rhétorique sur ce qui se passe en Palestine, on oublie presque qu’il y a là-bas un peuple qui vit encore sous le joug de la colonisation et qu’Israël est dirigé en ce moment par un gouvernement religieux extrémiste.

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