Économie

La figue de Béni Maouche consolide le label qualité pour mieux s’exporter

La figue de Béni Maouche est une des rares productions algériennes à avoir obtenu le label d’Indication géographique. Afin d’inscrire ce label dans la durabilité, l’association des producteurs de figues a reçu Gilles Demengel, un expert auprès de l’Union européenne (UE).

Cette rencontre s’inscrit dans la poursuite du partenariat entamé avec les experts de l’UE. Partenariat qui après trois années de mise en conformité a permis en 2016 d’obtenir le précieux label.

Il a été accordé pour 11 communes de la wilaya de Bejaia et autant dans la wilaya de Sétif sous la dénomination « Figue sèche de Beni Maouche ». Celle-ci a toujours bénéficié d’une excellente réputation.  Ce label permet à la figue de Béni Maouche de franchir une étape supplémentaire pour son exportation.

S’il n’est pas nécessaire pour permettre à ce produit de se vendre dans les magasins et boucheries de Barbès, ce label lui ouvre les portes de la grande distribution à l’étranger, notamment en France où réside une importante communauté algérienne.

Comme le rappelle une récente étude universitaire, dès 1960, l’agronome français R. Laumonier notait que « la Kabylie (…) est en Afrique du Nord le centre de production le plus important » tandis qu’en 1968 H. Rebour privilégiait la variété Taamriout pour « des résultats remarquables dans la vallée de la Soummam et le Guergour, en particulier dans le douar des Beni Maouche ».

Cette semaine, Gilles Demengel a eu l’occasion de se réunir avec le bureau de l’association des figuiculteurs de Beni Maouche, de représentants du ministère de l’Agriculture, de la Chambre nationale d’agriculture et de la direction des services agricoles de Béjaïa avant de se rendre sur le terrain. Au niveau de l’exploitation Chaouche Youcef, la délégation a pu se rendre compte de l’état du verger et du mode de séchage des figues.

Pour les producteurs, il s’agit d’une « rencontre bénéfique pour l’association afin de faire avancer le projet. »

En fin de projet, le label est acté. Mais, il s’agit aujourd’hui de l’inscrire dans la durabilité. Pour les producteurs, plusieurs questions restent à régler. C’est le cas de la production handicapée ces dernières années par la sécheresse, les incendies qui ont détruit 7.000 figuiers et la vieillesse du verger. Les producteurs s’inquiètent de l’absence d’un plan de régénération soutenu par les services agricoles.

En matière de séchage au sol, si l’utilisation de supports traditionnels confectionnés à partir de fibres locales illustre le lien de ces figues au terroir, la méthode pose problème. En effet, avec une production estimée à 5.000 quintaux, il s’agit aujourd’hui de traiter un maximum de fruits, d’éviter la poussière et les pontes d’insectes lors du séchage. Il reste également à concevoir un emballage spécifique. C’est dans ce cadre-là qu’un partenariat a été passé avec l’université de Béjaia.

En matière de commercialisation, la filière souffre du manque d’un centre de conditionnement et de « l’anarchie qui règne dans le marché informel », confie un agriculteur.

La figue de Beni Maouche, une renommée qui n’est plus à faire

L’obtention du label a eu un effet sur les prix. « Depuis la labellisation, la figue sèche s’est fait une place et obtient un bon prix de vente. L’agriculteur arrive à engranger de meilleurs bénéfices et la renommée du produit n’est plus à faire », confiait en 2022 au quotidien El Watan Omar Bekkouche, secrétaire général de l’association.

Les prix sont passés d’une moyenne de 200 et 400 DA le kilo contre 1.200 DA en 2022 et atteignent chez certains revendeurs un niveau que dénoncent des producteurs. Un niveau de prix qui amène à des contrefaçons. Aussi, l’association demande à ce que les producteurs de Béni Maouche utilisent le logo officiel afin que le consommateur puisse identifier le produit labellisé.

L’association des figuiculteurs reste très active. Elle organise régulièrement un Festival de la Figue de Béni Maouche. Récemment, elle a participé à une table ronde en ligne sur le figuier et la figue méditerranéenne organisée par la Maison de la figue de France.

Elle est à l’origine du projet « Le figuier, pilier du système agraire : conservation/valorisation de sa biodiversité et modernisation de la filière ». Un projet ambitieux qui vise à assurer la biodiversité du verger, la valorisation de la figue et la modernisation de séchage.

Pour les agriculteurs, disposer d’une indication géographique présente l’avantage d’améliorer la transparence vis-à-vis du consommateur sur l’origine et le mode de culture ou d’élevages de produits agricoles. Un tel dispositif décrit un savoir-faire et donc reconnaît et met en valeur les spécificités d’un produit agricole ce qui permet sa valorisation.

En Algérie, l’attribution d’un tel label est le fait du Comité national de labellisation des produits agricoles. Un comité qui comprend des représentants d’administrations publiques telles l’Agriculture, l’Industrie, le Commerce mais également d’agriculteurs, d’artisans, et de représentants d’associations de consommateurs.

Pour bénéficier d’un label, les producteurs réunis en association doivent élaborer un cahier des charges et le soumettre à l’autorité de tutelle. Il s’agit là du point faible des producteurs.

Dès 2016, une responsable des services agricoles confiait à l’agence APS que « la principale contrainte à la labellisation des produits du terroir algérien est l’absence ou le manque d’organisation des professionnels du secteur, une organisation qui leur permettra d’améliorer la qualité de leurs productions et présenter ensuite des dossiers de demande de labellisation. »

De leur côté, des universitaires notent cependant que « les outils de mise en œuvre de cette démarche échappent aux acteurs locaux ».

Dès 2009, l’agronome Sahli Zoubir estimait  qu’il s’agit très souvent « d’un développement par le haut qui n’implique pas suffisamment les acteurs locaux ».

Pour Foued Cheriet, ingénieur agronome et enseignant à l’université de Montpellier en France, la labellisation « semble être une démarche institutionnelle exclusive des pouvoirs publics ». Il regrette que celle-ci soit « caractérisée par sa centralisation et sa verticalité. Une situation qui accentuerait la complexité des procédures administratives. »

Figues, l’exemple de pionniers

Dans le cas de l’appellation Figues de Solliès en France, les producteurs ont délimité avec précision les départements et communes concernées. De même que sont répertoriés les producteurs et les surfaces cultivées. Sont également précisés les modes de culture et la variété utilisée.

A Solliès, il s’agit de la Bourjassote noire et à Béni Maouche il s’agit de 3 variétés : Aberkane, Azanjar et Taamriwt. A l’étranger, les producteurs doivent également tenir un carnet de culture mis à jour et toujours disponible en cas de contrôle inopiné.

Le cahier des charges définit également la taille et l’aspect des figues commercialisées, leur période de récolte et les modalités de stockage ainsi que le type d’emballage utilisé. L’association doit indiquer ce qui distingue leur produit des autres produits similaires. Enfin, les producteurs doivent justifier du lien de leur produit avec le milieu géographique.

Ainsi dans le cas de la Figue de Solliès, les producteurs déclarent que la figue « est caractérisée par une richesse gustative, un fruit charnu et juteux de beau calibre et un taux de sucre élevé ». Des caractères liés essentiellement « aux facteurs naturels (sols et réseau hydrographique, climat) et humains (pratiques de récolte et de tri) du milieu géographique. »

Algérie : 87 autres produits agricoles labellisables

Que ce soit à Beni Maouche en Algérie ou à Solliès en France, il s’agit d’expériences qui peuvent intéresser plusieurs filières. Pour Aissa Manseur, consultant en agriculture et conseiller à l’export.

« L’Algérie recèle de nombreux produits du terroir variés et intéressants, dont les dattes de Tolga, les olives de table de Sig, l’huile d’olive et les figues de Kabylie, le raisin de table du Titteri, l’abricot et les grenades de Messaâd, la cerise de Miliana et des produits animaux tels que la viande ovine de la race Ouled Djellel et Rembi, basées essentiellement dans les hautes plaines steppiques du Centre ainsi que celle de la race Hamra que l’on trouve essentiellement dans l’Atlas saharien au Sud. », liste cet expert.

Il cite également le miel de montagne de l’Atlas blidéen et indique que les services agricoles auraient recensé pas moins de « 87 autres produits potentiels susceptibles d’être labellisés. »

Pour les universitaires Abdelhalim Bouhali et Abdel-Madjid Djenane de l’université de Béjaia, le cas de la figue sèche de Béni Maouche représente un cas « d’appropriation collective d’un signe de qualité agricole comme levier de développement agricole. » Un exemple à suivre.

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