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Lactalis : comprendre l’affaire du lait infantile contaminé

Lactalis : comprendre l’affaire du lait infantile contaminé

Source: sudouest.fr

Selon les derniers chiffres officiels, 37 enfants atteints de salmonellose ont été diagnostiqués en France, un en Espagne, et un cas en cours de confirmation en Grèce, après avoir consommé un lait ou un produit d’alimentation infantile de l’usine Lactalis, premier groupe laitier mondial. Sur 37 enfants -âgés de deux semaines à neuf mois- 18 ont donné lieu à des hospitalisations.

Premiers retraits de lots début décembre 

Fin novembre, un nombre anormalement élevé de cas de salmonellose chez des nourrissons alerte les autorités sanitaires françaises. Une enquête leur permet alors de découvrir que tous ces jeunes enfants ont consommé du lait infantile fabriqué dans l’usine Lactalis de Craon, en Mayenne (nord-ouest de la France). La salmonellose est une des principales causes d’intoxication alimentaire, engendrant des symptômes comparables à la gastro-entérite.

Après avoir été informées de la « contamination par des salmonelles de 20 jeunes enfants âgés de moins de 6 mois dans 8 régions différentes », les autorités sanitaires procèdent au retrait et au rappel de lots de lait infantiles commercialisés sous trois marques différentes. Le premier rappel au retrait a lieu le 2 décembre et concerne 12 lots.

En parallèle, deux enquêtes sont lancées par les autorités sanitaires compétentes sur le site de Craon. La première par les services vétérinaires de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), la seconde par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Leurs conclusions sont rendues le 8 décembre.

Quelques jours plus tard, le 10 décembre, le signalement de cinq nouveaux cas de salmonellose chez des nourrissons entraîne, à la demande du ministère de l’Économie et des Finances, de nouveaux retraits. 620 lots Lactalis fabriqués depuis le 15 février 2017 sur le site de Craon sont rappelés, et donc interdits à la consommation et à l’exportation, soit près de 7.000 tonnes de produits. Outre la France, de nombreux pays sont concernés dont l’Algérie et le Maroc.

Le 21 décembre, le groupe Lactalis procède au rappel de la totalité des produits fabriqués ou conditionnés dans son usine de Craon, soit 720 lots supplémentaires retirés du marché français et dans de nombreux pays dont l’Algérie. Dans un communiqué, le géant laitier rappelle avoir mis à l’arrêt l’usine incriminée le 8 décembre « pour un audit drastique et complet ». Dans le même temps, le groupe indique que le résultat de leurs investigations a permis d’établir « qu’une contamination dispersée s’est installée dans notre usine de Craon suite à des travaux réalisés courant 1er semestre 2017 ».

Le lendemain, le pôle santé publique du parquet de Paris annonce l’ouverture d’une enquête préliminaire, notamment pour « blessures involontaires », « mise en danger de la vie d’autrui », « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine » et « inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit d’origine animale ou de denrée en contenant préjudiciable à la santé ».

Des failles dans le rappel des produits 

Malgré l’appel au retrait de tous les lots, certains distributeurs continuent de vendre du lait contaminé. Entre le 10 et 11 janvier, plusieurs grandes enseignes en France (Leclerc, Carrefour, Auchan, Monoprix, Intermarché, Casino, Système U, Cora-) ont admis avoir écoulé les produits malgré les rappels successifs.

En outre, les contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont permis de découvrir que 44 pharmacies, 2 crèches, 12 hôpitaux et 3 grossistes détenaient des lots contaminés.

Le 11 janvier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, annonce un renforcement des contrôles afin de s’assurer que l’ensemble des lots de lait infantile potentiellement contaminés est retiré. Le lendemain, à l’issue d’une réunion à Bercy, le patron de Lactalis Emmanuel Besnier s’engage à reprendre toutes les boîtes de lait infantile produites dans son usine de Craon, en Mayenne. Ce rappel concerne plus de 12  millions de boîtes dans 83 pays. « L’urgence, c’est la sécurité sanitaire et la meilleure des garanties pour la sécurité sanitaire c’est de dire que plus une seule boîte fabriquée sur le site de Craon ne doit être en circulation sur les circuits de consommation », indique alors Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie.

Des traces de salmonelle dès août 2017 

Inexistant dans les médias depuis le début de l’affaire, Emmanuel Besnier, le président de Lactalis sort de son silence et accorde un entretien au Journal du dimanche du 14 janvier dans lequel il se défend de tout manquement et promet d’indemniser « toutes les familles qui ont subi un préjudice ».

Le PDG du géant laitier indique que Lactalis n’avait pas « d’informations sur de possibles contaminations avant le 1er décembre ». « Nous avons eu deux alertes en 2017, en août et en novembre. La bactérie a été détectée sur un balai et sur un carrelage autour de la tour de déshydratation numéro 1, mais pas au même endroit » explique-t-il au JDD.

Des traces de salmonelles, dangereuses pour les nourrissons et les personnes âgées, ont été identifiées dans l’environnement en août et en novembre 2017 dans le cadre de contrôles réguliers. Mais, précise Emmanuel Besnier au JDD, en l’absence « d’éléments montrant que nos produits étaient touchés », le groupe déclare avoir suivi les procédures, avec un renforcement des nettoyages et des contrôles.

Les familles des victimes refusent de se taire 

Néanmoins, les familles ont d’ores et déjà indiqué qu’elles ne se contenteront pas d’une simple indemnisation financière. « Autant vous dire qu’on a l’impression qu’on essaie d’acheter notre silence dans cette affaire. On a l’impression que M. Besnier est prompt à distribuer son argent aux victimes pour qu’elles se taisent », a déclaré Quentin Guillemain, président de l’Association des familles victimes, dans une interview à LCI lundi 14 janvier. « Et bien je vous le dis, nous ne nous tairons pas : comment se fait-il qu’on ait trouvé une bactérie de ce type-là dans cette usine ? Ça, c’est la question principale que nous avons », a fait savoir le père d’une petite fille de trois mois qui a consommé un des laits concernés par le rappel mais n’est pas tombée malade.

Après sa rencontre avec le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, Quentin Guillemain, a annoncé qu’ « un certain nombre de familles déposeront plainte dans les jours à venir contre les grandes enseignes, les grands distributeurs et notamment les premiers concernés ».

Un cas similaire en 2005, dans la même usine 

Mardi 16 janvier, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Travert, a annoncé des mesures destinées à prévenir de nouveaux scandales sanitaires. « Le cadre juridique sera renforcé avec une obligation pour les entreprises de transmettre aux services de l’État les résultats des contrôles défavorables, qu’il s’agisse de contrôles sur les produits ou sur l’environnement, dès lors qu’ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé publique ».

Ce mercredi matin, des enquêteurs sont au siège social de Lactalis dans la ville de Laval (ouest) et dans l’usine d’où sont sortis les lots de lait pour bébé contaminés à la salmonelle, a constaté l’AFP.

Des magistrats et 70 enquêteurs de la gendarmerie sont sur place, selon une source proche du dossier. Ces investigations ont lieu dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte à Paris le 22 décembre pour « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine » et « inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit » préjudiciable à la santé.

Cette bactérie découverte dans les laits infantiles Lactalis avait déjà été identifiée en 2005 dans la même usine. 146 nourrissons avaient été infectés par du lait en poudre contaminé aux salmonelles.

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