Politique

L’Algérie et le Maroc toujours à couteaux tirés

Les relations entre l’Algérie et le Maroc continuent de se détériorer sur fond du conflit au Sahara occidental. Les deux pays voisins sont toujours à couteaux tirés.

Après avoir dénoncé les « agissements du colonisateur marocain » au Sahara occidental jeudi à Moscou, l’Algérie a émis des réserves sur une résolution du Parlement en faveur du Maroc, samedi au Caire.

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Le Parlement arabe, réuni en session d’urgence samedi 26 juin au Caire, a rejeté la résolution du Parlement européen du 10 juin condamnant l’utilisation du Maroc des migrants comme levier de pression dans sa crise diplomatique avec l’Espagne.

Dans la presse marocaine, ce n’est pas tant ce soutien des parlementaires arabes qui fait l’événement, mais les réserves présentées par l’Algérie. Un autre prétexte pour les médias marocains pour s’attaquer en chœur au voisin de l’Est.

Le 10 juin, le Parlement de Strasbourg  a adopté à une large majorité une résolution condamnant les autorités marocaines suite à ce qui s’est passé en mai dans l’enclave espagnoles de Ceuta, et dans une moindre mesure dans celle de Melilla.

« (Le Parlement européen) rejette l’utilisation par le Maroc des mineurs non accompagnés, comme moyen de pression politique sur un État membre de l’Union, déplore en particulier que des enfants, des mineurs non accompagnés et des familles aient franchi massivement la frontière entre le Maroc et la ville espagnole de Ceuta, mettant ainsi leur vie et leur sécurité clairement en péril », lit-on dans la résolution.

Entre le 17 et le 19 mai dernier, entre 8000 et 12000 migrants, en majorité des Marocains, parmi lesquels de nombreux enfants non accompagnés, avaient littéralement envahi l’enclave espagnole de Ceuta. Il était clair que les services marocains chargés de la surveillance des frontières ont laissé faire et les autorités espagnoles l’ont dit ouvertement. Un paradoxe quand on sait que, comme l’a rappelé le journaliste espagnol Ignacio Cembrero dans un récent entretien à TSA, que le Maroc « est le premier pays du Sud de la Méditerranée qui reçoit des aides de l’Union européenne et qui reçoit également des millions d’euros pour combattre l’émigration irrégulière qui arrive en Espagne ».

« Depuis fin 2018, le Maroc a reçu plus de 340 millions d’euros uniquement pour améliorer l’efficacité du contrôle de ses frontières et de ses côtes. Et apparemment, ça n’a pas été très efficace », constate le journaliste.

Un mélange des genres qui n’a pas lieu d’être

Dans un communiqué publié samedi 26 juin, le Conseil de la nation (Sénat) qui a représenté l’Algérie à cette réunion a indiqué avoir “émis des réserves sur des paragraphes du projet de résolution concernant le différend maroco-espagnol“. Il a souligné la nécessité “de mettre les institutions d’action arabe commune à l’écart des questions qui peuvent être résolues dans un cadre bilatéral et de promouvoir le rôle du PA dans la défense des questions et espoirs arabes“.

Au Maroc, on fulmine encore contre le PE et depuis deux jours, contre la position de l’Algérie. « L’Algérie se distingue encore par son hostilité pathétique envers le Maroc », écrit par exemple le 360.ma. Ou encore L’Opinion qui estime que l’Algérie a dévoilé « sa duplicité ».

Même certaines voix du Parlement arabe se sont élevées pour livrer des leçons à la diplomatie algérienne, comme l’a fait le député jordanien Gill Attia pour qui le Parlement arabe a dénoncé une ingérence étrangère dans les affaires « internes » d’un État arabe. De ce fait, les réserves de l’Algérie n’ont pas lieu d’être. Sauf que, il ne s’agit pas tout à fait de cela.

En décembre dernier, le Bureau du Parlement arabe s’est rangé aux côtés de l’Algérie, condamnant une résolution du Parlement européen adoptée en novembre et dénonçant la situation des droits de l’Homme en Algérie.

Il y a comme un mélange des genres et la comparaison n’est pas tout à fait opportune, car dans le cas de l’Algérie, il s’agissait en effet d’une affaire interne et même certains militants du Hirak avaient dénoncé ce qu’ils considéraient comme une « ingérence ». Ce qui n’est pas le cas de la crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne. Il s’agit d’une tension entre deux États souverains.

En outre, beaucoup d’observateurs soulignent que la position de l’Algérie était prévisible quand on sait les motivations du Maroc et l’élément déclencheur de la crise. Même le Parlement européen le dit dans sa résolution : les autorités marocaines ont utilisé le chantage aux migrants suite à l’hospitalisation en Espagne du président de la République sahraouie.

« La crise a été déclenchée par le Maroc en raison d’une crise politique et diplomatique après que le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, atteint par le coronavirus, a été admis dans un hôpital espagnol pour raisons humanitaires », écrit le PE.

Une vérité que même les autorités marocaines ne cachent pas. Le PE rappelle dans ce sens que le ministre marocain des Affaires étrangères a « reconnu que l’entrée massive de milliers de personnes, dont des enfants, découlait directement du fait que le chef du Front Polisario avait été accueilli en Espagne, que, dans une déclaration officielle publiée ultérieurement, les autorités marocaines ont indiqué comme raison réelle la position jugée ambiguë de l’Espagne sur le Sahara occidental ».

Connaissant les positions tranchées de l’Algérie sur la question du Sahara occidental, sa diplomatie ne pouvait se déjuger en condamnant sans réserve un texte qui dénonce une telle turpitude.

Chanegrina dénonce les “agissements du colonisateur” marocain

La veille du « véto » algérien au Parlement arabe, le général de corps d’armée Said Chanegriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), accusait gravement le Maroc lors de la 9e Conférence sur la sécurité internationale qui s’est déroulée à Moscou.

Il a dénoncé les « agissements du colonisateur » marocain visant à « annexer avec force les territoires sahraouis », avant de mettre en garde contre les conséquences de cette politique sur la sécurité au Maghreb.

Cette situation inquiétante marquée par la recrudescence militaire et les ingérences étrangères pourrait attiser les tensions dans l’ensemble de la région“, a averti le chef d’état-major de l’ANP.

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