Économie

L’Algérie peut-elle produire ses propres semences maraîchères ?

L’Algérie a décidé d’arrêter l’importation des semences maraîchères à partir de 2023. L’annonce faite jeudi 11 août par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane a suscité de nombreuses réactions dans le milieu agricole. Si la nécessité d’une telle mesure est saluée, la question des moyens reste posée.

Des agriculteurs, des importateurs et des grainetiers s’interrogent sur l’approvisionnement en semences pour la prochaine campagne agricole.

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Semences maraîchères : produits de haute valeur technologique

Les plants issus des semences maraîchères possèdent diverses caractéristiques : haut rendement, résistance aux maladies, saveur, précocité. La réunion de ces caractères au niveau d’une même variété provient de croisements génétiques habilement réalisés par des sélectionneurs. Il s’agit de réunir au sein d’une même plante les gènes responsables de caractères intéressants.

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Ces opérations de sélection prennent plusieurs années, dont 8 dans le cas de la tomate. Elles nécessitent la présence d’un personnel qualifié : généticiens décidant des programmes de croisement, techniciens s’assurant de leur réalisation et collaborateurs se chargeant des opérations logistiques au niveau des stations de recherche.

Sans compter un réseau d’agriculteurs multiplicateurs. Les variétés créées répondent aux besoins des agriculteurs et des consommateurs. En France, ce sont près de 400 millions d’euros qui sont investis annuellement dans la création variétale. Les obtentions sont alors protégées par la propriété intellectuelle sur les variétés végétales.

Variétés maraichères, des semences hybrides

Les éventuelles tentatives d’utilisation des graines issues des légumes produits par l’agriculteur dans le but de réaliser un nouveau cycle de production est impossible.

Une telle démarche requiert l’autorisation de l’obtenteur. Par ailleurs, les semences obtenues ne sont pas viables. En effet, la majorité des semences maraîchères modernes sont des produits hybrides qui ne doivent leurs exceptionnelles caractéristiques qu’aux seuls croisements réalisés chaque année par l’obtenteur.

Pour réussir de tels croisements sur une large échelle, les maisons de sélection utilisent des plants dont un des deux parents a acquis par ingénierie génétique une stérilité mâle. Pour le maïs, la castration est mécanique et pour l’obtention de blés hybrides, il est pulvérisé un gamétocyte qui stérilise le pollen d’une partie des plants.

L’agriculteur ne disposant pas des plantes de départ ne peut produire d’hybrides. Le resemis de graines ne peut donner que des plants aux faibles performances agronomiques. Le caractère de semences hybrides est matérialisé par la mention de semences de type F1 sur l’emballage.

Dans le cas de la pastèque, comme pour les clémentines, des variétés sans graines ont fait leur apparition. Ce qui supprime toute velléité de resemis.

Comme l’a récemment indiqué l’expert Aissa Zeghmati sur les ondes de la Radio algérienne, le marché des semences maraîchères est entre les mains de grandes entreprises internationales.

Nécessité d’une coopération internationale

La solution passe donc par la constitution d’équipes locales afin de réaliser un long et patient travail de sélection. Elle passe également par la coopération avec les instituts internationaux auxquels adhère l’Algérie. Dans le cas des céréales et des légumes secs, cela est la norme depuis plusieurs années.

La réception de variétés maraîchères à haut rendement de la part d’institutions liées à la FAO nécessite cependant d’être testées localement puis d’être multipliées pour commercialisation. Autant dire que plusieurs années sont nécessaires avant que de telles semences arrivent chez les agriculteurs.

Un plan national de création variétale

A travers la déclaration du Premier ministre, les pouvoirs publics réaffirment aujourd’hui leur volonté d’une plus grande indépendance de l’Algérie en matière de semences. Cela passe par la concertation entre services agricoles, recherche agronomique, multiplicateurs de semences, importateurs et grainetiers.

Dans le cas des semences de pommes de terre, la montée en puissance à Guellal (Sétif) du laboratoire de cultures in-vitro de l’entreprise publique Agro-développement constitue un atout fondamental. Il en est de même avec les installations ultramodernes de la société algérienne Vitroplant dans le cas des arbres fruitiers.

Plus qu’un arrêt des importations, l’enclenchement d’un processus

La banque de semences nouvellement inaugurée peut également constituer l’interlocuteur officiel pour l’échange de matériel génétique entre l’Algérie et les organismes internationaux affiliés à la FAO.

Aussi, au-delà d’un arrêt immédiat des importations, le cap défini par le Premier ministre constitue un point de départ vers la définition d’un programme national d’adaptation et de création de variétés maraîchères devant conduire à plus d’indépendance en matière de semences.

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