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L’arrêt de l’export de veaux vers l’Algérie plombe l’activité du port de Sète en France

L’arrêt de l’export de veaux vers l’Algérie plombe l’activité du port de Sète en France

Après les céréales, c’est l’arrêt des importations de veaux sur pied qui impacte l’activité agricole en France. Le port de Sète, principal exportateur d’animaux vers l’Algérie, est quasiment à l’arrêt.

Si dans le cas des céréales, le recentrage des achats de l’Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) vers les blés de la mer Noire, et notamment vers le blé russe, est lié à une question de prix, dans le cas des veaux, il s’agit de questions sanitaires.

Depuis l’apparition en septembre 2023 de la maladie hémorragique épizootique (MHE) dans des élevages du Sud-Ouest de la France, les services vétérinaires algériens ont interdit toute importation de bovins sur pied de ce pays.

Selon Radio France International, pour la Société d’exploitation du parc à bestiaux du port de Sète (Sepab) le manque à gagner sur le 4ᵉ trimestre 2023 est « de l’ordre de 400 000 euros ». À cela vient s’ajouter la perte du début trimestre 2024, environ de 250 000 euros, selon les mêmes sources.

Depuis l’apparition de la MHE, les pays du Sud de la Méditerranée ont suspendu leurs importations de la France. C’est notamment le cas du Maroc, de l’Algérie, Tunisie et de la Libye. En fait, ce sont les importations de l’Algérie, 70 à 80 000 bêtes en moyenne annuelle, soit 80 à 90% du trafic du port de Sète qui assurent son activité.

Il n’y a pas que les activités portuaires qui ont baissé, c’est toute la filière bovins viande qui a été impactée. Dès l’annonce de l’arrêt des importations, les cotations des broutards, ces jeunes bovins destinés à l’engraissement, ont subi un « décrochage inhabituel » selon les observateurs. Un décrochage de 10 à 20 centimes le kilo non négligeable pour des animaux de l’ordre de 330 kg.

Le recours à l’importation de veaux est rendu nécessaire par l’insuffisance du développement de l’élevage laitier en Algérie. Une insuffisance qui concerne tant les veaux que les génisses, ces futures vaches laitières.

Cette situation ne devrait pas s’améliorer de sitôt car de nombreux éleveurs ont décapitalisé face aux récentes sécheresses qui ont frappé l’Algérie. Comme dans le cas des éleveurs de moutons, ils ont vendu une partie de leur cheptel.

Cette situation avait amené en mai 2023 le ministère de l’Agriculture à prendre des mesures radicales : « Nous présenterons dans les plus brefs délais un projet de loi criminalisant l’abattage des femelles du cheptel comme les brebis et les vaches » avait alors déclaré le ministre de l’Agriculture.

Quant au recours aux veaux de races locales, leur emploi pour l’engraissement est limité. Il faut en effet 5 à 6 mois pour les engraisser contre 3 à 4 mois dans le cas des races européennes.

Le port de Sète impacté par l’arrêt des importations algériennes de veaux

Le recours à l’importation de veaux est également lié à l’insuffisance en Algérie de la production de fourrage malgré le développement récent du maïs ensilage en balles enrubannées. Cependant, la production de fourrage en sec ne suit pas.

Face au risque de MHE, c’est aujourd’hui de la viande provenant du Brésil qui vient compenser l’arrêt du flux d’animaux qui transitait par le port de Sète.

Depuis ce port, les arrivages concernaient des veaux dits « finis », prêt à l’abattage ou des broutards destinés à être engraissés par la filière locale.

Depuis plusieurs années en Algérie, des éleveurs se sont spécialisés dans ce type d’activité qui demande les moyens conséquents en aliments du bétail pour faire passer en quelques mois des animaux de 450 à 650 kg.

La MHE et l’arrêt de l’importation de broutards déstabilise donc la jeune filière locale d’engraissement. Une activité bien différente de la production de lait, même si dans les deux cas, il s’agit de bovins.

Très en pointe en matière d’engraissement, l’Espagne a bénéficié de l’augmentation de ses effectifs en vaches allaitantes atteignant au bout de dix ans 300.000 têtes.

La stratégie de ce pays, aujourd’hui exportateur de viande, a été également d’importer massivement des veaux laitiers, jusqu’à 350.000 en 2021.

Le choix du sexe et de races à viande lors de l’insémination artificielle des vaches laitières permet aujourd’hui aux éleveurs laitiers français de proposer à leurs homologues espagnols non seulement des veaux mâles mais également des veaux de races à viande particulièrement adaptées à l’engraissement.

Dès leur arrivée en Espagne, ces veaux âgés de moins de trois semaines sont confiés à des élevages dits « sevreurs ». Dans ces élevages spécialisés, arrivés avec un poids de 60 kg, les animaux en repartent vers des élevages « engraisseurs » avec un poids de 110 kg. Ce type de segmentation existe aujourd’hui en Algérie, mais seulement dans le cas de l’élevage ovin.

Sa réussite, la filière espagnole la doit également à de puissantes coopératives qui gèrent l’ensemble de la logistique et de l’approvisionnement des élevages.

Le modèle espagnol pourrait intéresser la filière engraissement en Algérie. Cependant, ce modèle connaît ses premiers déboires. Les analystes de l’institut français de l’élevage ont noté qu’en 2023 : « les engraisseurs espagnols ont privilégié les broutards mâles lourds de plus de 300 kg ».

Cette nouvelle stratégie s’expliquerait par : « un contexte de mauvaise récolte, ce choix a permis aux Espagnols de réduire les durées d’engraissement. » Selon le ministère de l’Agriculture espagnol, la sécheresse de 2023 aurait en effet provoqué une régression de 39% de la production de fourrages et de 54% des céréales.

D’autant plus qu’en engraissement, comme l’indiquent les spécialistes, « ce sont les derniers kilos produits qui sont les plus coûteux ».

Au-delà de la MHE et des difficultés du port de Sète, c’est l’ensemble de la filière viande bovine en Algérie qui semble devoir se réinventer.

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