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Le couscous réussira-t-il à réunir les Maghrébins ?

Le couscous réussira-t-il à réunir les Maghrébins ?

Les pays du Maghreb veulent inscrire le couscous sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’humanité. Minés par des divisions politiques, notamment entre les Algériens et les Marocains, et incapables de construire l’Union du Maghreb, les Maghrébins vont-ils réussir à s’unir au tour du Couscous ? Le projet est en tous cas en marche. Le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) envisage de réunir à Alger au printemps prochain des experts et des représentants des ministères de la Culture de la Tunisie, du Maroc, de la Mauritanie, de la Libye et de l’Algérie pour étudier le dossier de l’inscription du couscous sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’humanité de l’Unesco.

« Cette première réunion se tiendra fin mars début avril. Elle sera suivie par d’autres. Nous devons distribuer les tâches et arrêter la méthodologie de travail pour préparer le dossier en conformité avec le droit national et la Convention de l’Unesco sur le patrimoine culturel immatériel ratifiée par quatre pays maghrébins. La Libye ne l’a pas encore fait. Il n’est pas indispensable que le pays ait ratifié la convention pour se voir reconnaître tel ou tel patrimoine existant sur son territoire », explique Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, dans une déclaration à TSA.

L’Algérie, en conformité avec les conventions internationales, favorise les partages culturels et la sauvegarde des patrimoines communs, selon lui. « L’Unesco permet de présenter un dossier national et un dossier international par an. Le système des Nations unies, celui de l’Unesco en particulier, favorise la culture de la paix, c’est-à-dire la culture du partage. Le couscous nous est commun. Nous allons donc nous empresser pour monter le dossier. Évidemment, chaque pays travaille auprès de sa population pour une grande visibilité du patrimoine classé. Le couscous est une pratique très ancienne », ajoute-t-il.

Selon M. Hachi, il existe des civilisations qui se sont construites sur le riz, d’autres sur le maïs et d’autres encore sur les céréales. « Nous trouvons parfois des traces dans les gisements préhistoriques. Par exemple, nous avons une fouille actuellement dans la vallée de la Soummam, non loin d’Akbou et de Bouhamza, au niveau d’une grotte. Dans cette grotte, nous avons trouvé un grain de blé vieux de 5000 ans. Cela veut dire que les populations néolithiques pratiquaient l’agriculture du blé et de l’orge. Forcément, ce blé était transformé, moulu pour donner du grain et de la pâte. La base de l’alimentation de l’Africain du Nord était donc, depuis très longtemps, les céréales. Autour de ces pratiques agraires et alimentaires se sont développés des cultures, de la poésie, des rituels. Cela vaut le coup donc, pour le Maghreb de travailler là-dessus pour montrer ce qui nous caractérise et nous identifie le plus », développe Slimane Hachi.

Le patrimoine le plus partagé par les pays du Maghreb est donc celui des pratiques alimentaires liées à la culture, la production et la transformation des céréales. « Le résultat de ces pratiques est le couscous. Nous allons inscrire tout ce qui est immatériel autour du couscous, c’est-à-dire les savoirs, les rituels et les pratiques agraires dont la finalité est l’obtention de ce met savoureux qui est le couscous et qui nous caractérise comme le burnous, selon les dires d’Ibn Khaldoun », poursuit-il.

L’Imzad inscrit à la liste de l’Unesco avec le Mali et le Niger

Les ministres de la Culture des pays du Maghreb ont, selon lui, émis le souhait, à partir de 2010, de monter ensemble le dossier de l’inscription du couscous sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’humanité. Slimane Hachi a rappelé qu’en 2010, le gouvernement algérien s’est engagé auprès de l’Unesco pour soutenir matériellement, financièrement et relationnellement tous les dossiers présentés par plusieurs États et qui sont partagés par l’Algérie.

« Nous avons agi dans ce sens pour l’inscription de l’Imzad avec le Mali et le Niger. Nous avons soutenu, proposé et mobilisé notre appareil diplomatique et tous les acteurs pour conduire à bien cette opération. Nous pouvons étendre cette expérience à plusieurs autres patrimoines », assure-t-il.

En 2013, l’Imzad, une vielle monocorde traditionnelle touareg qui n’est utilisée que par les femmes, a été inscrite dans la liste du patrimoine mondial de l’humanité. L’Algérie a été le premier État à ratifier la convention de 2003 relative à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco (en mars 2004).

« On entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine », est-il précisé dans le texte de la Convention.

Classer la distillation de l’eau de fleurs d’orangers

Selon Slimane Hachi, la Convention, signée aujourd’hui par la plupart des États, instaure des listes du patrimoine reconnu par sa valeur et son importance auprès des sociétés et des peuples.

« Il y a la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Et, il y a la liste des éléments qui requièrent des interventions d’urgence. Cette Convention donne la possibilité que des patrimoines partagés par deux ou plusieurs États puissent être présentés par ces États pour être inscrits sur l’une des deux listes. Les patrimoines communs sont identifiés par les États eux-mêmes à travers leurs ministères de la Culture. Après, les dossiers sont préparés en commun pour les proposer à l’Unesco », a-t-il indiqué.

L’Algérie et la Tunisie travaillent actuellement pour monter un dossier commun sur les systèmes de distillation (Tektar) de l’eau de fleurs d’orangers, de l’eau de roses, de l’eau de jasmins et des autres plantes odorantes (une tradition qui existe notamment à Constantine et à Blida).

« Cette distillation permet d’obtenir des parfums, des adjuvants et des essences. Nous sommes en train de réfléchir avec les experts tunisiens pour préparer ensemble un dossier. Si d’autres pays partagent cette pratique, ils sont les bienvenus pour se joindre à nous », a déclaré Slimane Hachi.

En plus de l’Imzad, l’Algérie a, depuis 2008, réussi à faire inscrire sur la prestigieuse liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité le Sbou’e de Timimoun (la célébration de la fête de la naissance du Prophète Mohamed (QSSL) avec le pèlerinage annuel à la zaouia de Sidi El Hadj Belkacem), la Chedda de Tlemcen (costume nuptial traditionnel), le Rekb (cavalerie) des Ouled Sidi Cheikh (El Bayadh), la Sbiba de Djanet (cérémonie festive annuelle des Touareg) et l’Ahellil du Gourara (chants et poésie de la région d’Adrar).

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