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Le double objectif du plan relance de la culture des légumes secs en Algérie

Le double objectif du plan relance de la culture des légumes secs en Algérie

Les prix des légumes secs ont flambé l’été dernier en Algérie. Aussi, les pouvoirs publics ont décidé la relance de leur culture. Ce sont plusieurs dizaines de milliers d’hectares qui devraient être semés dès cette campagne 2023-2024.

L’objectif est double. La production locale de légumes secs devra permettre de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des importations et de relever le défi de la qualité. Ces dernières années, les consommateurs algériens se sont habitués aux lentilles, pois chiches, et haricots importés.

C’est en automne, lors d’un entretien avec la presse, que Nasreddine Messaoudi, le secrétaire général de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), a dévoilé le plan de relance de la culture des légumineuses en Algérie.

Ce plan prévoit la culture de légumes secs sur 150.000 hectares, de quoi répondre à la demande locale. En 2016, la culture de lentilles concernait moins de 10.000 hectares en Algérie.

Pour couvrir la demande des agriculteurs, le plan prévoit que 34 fermes pilotes se consacrent sur plus de 35.000 hectares, essentiellement à la production de semences.

Pour garantir cette production de semences, il a été évoqué jusqu’au recours éventuel de l’irrigation de complément.

En attendant l’arrivée de la production locale sur le marché, un programme d’importations a été mis en œuvre. Début novembre 2023, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, faisait savoir que 16.000 tonnes de légumes secs ont été déchargées au port d’Alger : 10.000 tonnes de pois chiches et 6.000 tonnes de lentilles.

Un autre navire, chargé de 5.000 tonnes, devant accoster au port de Mostaganem. Le ministère faisait savoir que ces importations devraient se poursuivre « jusqu’à la fin de l’année en cours pour constituer une réserve stratégique ».

Signe de cette volonté d’arriver à une autosuffisance en la matière, dans plusieurs wilayas, la campagne de semis actuellement en cours fait l’objet d’un lancement officiel avec la présence sur le terrain des responsables agricoles de wilaya, et même des walis.

En cette fin janvier à Mascara, 4 tracteurs tirant des semoirs avancent côte à côte dans un champ. La scène rappelle quelque peu le gigantisme des plaines américaines, mais en modèle réduit vu la taille modeste des engins. Il s’agit du lancement officiel de la campagne de semis des légumes secs et à l’occasion l’un des tracteurs arbore l’emblème national.

En bordure de champs, une remorque chargée de sacs de semences de pois chiches et de lentilles permet de réapprovisionner les semoirs. Les services agricoles de la wilaya se sont fixés l’objectif de semer 7.000 hectares de légumes secs. Ces dernières années, les rendements moyens sont de 11 quintaux par hectare avec des pointes jusqu’à 35 quintaux.

Présent sur les lieux, Farid Mohammedi, le wali de Mascara a rappelé l’aide apportée aux agriculteurs par la CCLS, dont la « gratuité des semences » et un prix d’achat à la production du quintal de pois chiche rehaussé à 20.000 dinars algériens.

Présent sur les lieux, l’agriculteur Mohamed Tidjani a confié à Ennahar Tv : « Dans une wilaya agricole comme celle de Mascara, il est honteux pour nous, agriculteurs, de voir des pères de famille faire la chaîne deux heures durant pour acheter 2 kilos de pois chiche. » Très motivé, il suggère que chaque agriculteur cultive des légumes secs : « J’ai prévu d’en semer 5 hectares, que celui qui peut en sème 10 hectares ».

Algérie : les utilisations majeures encore insoupçonnées des légumes secs

À Guelma, à l’occasion d’une journée de vulgarisation sur la culture des légumes secs, une jeune ingénieure agronome a confié à la Télévision publique algérienne : « Nous n’avons pas une grande expérience en la matière, aussi cette journée a été profitable ».

La ferme pilote Farfouri a fait le pari d’emblaver 40 hectares de légumes secs. Quant à la ferme pilote voisine Nafah Moukhnache, son directeur Afifi Zerouk a dit que « la pluviométrie annuelle de la région est de 400 mm et elle devrait permettre d’atteindre un rendement honorable. »

À l’occasion d’une visite au niveau de la CCLS, Houria Aggoune, wali de Guelma a assuré « que tous les moyens sont mis en œuvre pour assurer la réussite du programme ».

Cultiver pois chiche et lentilles reste à priori aisé dans la mesure où le matériel employé est le même que celui utilisé pour les céréales. L’une des difficultés réside dans la taille réduite de ce type de culture.

Conséquences, une impérative lutte contre les mauvaises herbes, faute de quoi la récolte s’avère impossible. Or, le désherbage est l’un des points faibles des exploitations agricoles en Algérie.

Selon les chiffres officiels, à peine 20 % des surfaces sont désherbées chimiquement. Reste l’option du désherbage mécanique, comme dans le cas des producteurs bio en Europe.

Mais encore faudrait-il que soient disponibles en Algérie herses, étrilles et autres écimeuses. Enfin, cette petite taille nécessite que le sol soit aplani par le passage d’un rouleau après semis. Faute de quoi la récolte des gousses les plus basses s’accompagne de pierres.

Autre écueil, l’anthracnose du pois chiche. Un semis en hiver permet d’espérer un rendement de 20 quintaux, mais en cas de printemps humide, cette maladie due à des champignons peut décimer la culture.

Ce type de légumes présente cependant des avantages dont le premier est de pouvoir être semé après les céréales, ce qui évite les pointes de travail. À cela, s’ajoute l’azote laissé dans le sol après récolte.

La faculté des légumineuses à capter l’azote de l’air permet ainsi des économies sur les factures d’engrais. Enfin, intercaler des légumineuses dans la rotation permet de casser le cycle des parasites inféodés aux céréales.

Une fois récoltés, les pois chiches et lentilles sont menacés par les charançons. La parade consiste en des traitements chimiques ou le stockage en big-bag sous vide. Seront-ils disponibles en Algérie ? La question reste posée.

Début 2023, lors d’un entretien sur Echorouk News TV, Miloud Terba, cadre au sein du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, a indiqué que les stocks de légumes secs invendus au niveau des CCLS représentaient jusqu’à deux années de production. En cause, notamment les importations anarchiques des opérateurs privés de l’époque.

Ces dernières années, ces importations ont permis aux consommateurs algériens de découvrir de nouveaux produits, dont les lentilles corail. Ces importations ont mis en concurrence les producteurs algériens avec ceux de l’étranger.

Parfois, des pois chiches locaux n’ont trouvé preneur que chez les producteurs de « garantita ». Ce plat populaire est proposé par les fast-foods et ils utilisent les fameuses graines sous forme de farine. Une désaffection liée à la taille réduite du pois chiche consécutif au manque de pluie en fin de cycle.

La qualité des légumes secs importés a considérablement évolué avec l’apparition de matériel moderne de tri et de transformation des produits. C’est le cas des trieurs-calibreurs qui permettent de commercialiser des pois chiches de taille homogène.

Quant aux trieurs optiques, ils utilisent l’intelligence artificielle qui leur permet d’éliminer les pierres et les graines cassées au sein de lots de lentilles. Cela peut aller jusqu’à « l’élimination de toutes les graines ne correspondant pas au standard recherché, grâce à la comparaison colorimétrique » comme s’en vante un constructeur.

Autre innovation, le décorticage des lentilles. Une technique qui permet de varier le type de préparations culinaires à base de lentilles à l’image du « dahl ». Cette préparation indienne semblable à une purée de pois cassés permet d’accompagner des plats de céréales. Le décorticage permet également la production de farine de lentilles à l’image de ce qui se fait avec le pois chiche pour la préparation de karantita.

Des farines que conseillent les nutritionnistes et qui peuvent être incorporées aux pâtes alimentaires pour leur richesse en acides aminés. Les légumes secs, souvent appelés « la viande du pauvre » présentent une teneur élevée en acides aminés dont les acides aminés essentiels à l’image de la lysine. Leur consommation permet de compenser le déficit en cet acide aminé propre aux céréales.

En retour, les céréales sont riches en méthionine et en cystéine. Ce qui explique l’intérêt de la complémentation entre céréales et légumes secs et la qualité diététique d’un plat tel que le couscous aux pois chiches.

À l’étranger, les laboratoires de recherche se penchent sur le traitement par fermentation des pois chiches, lentilles, pois et fèves. Des traitements qui facilitent leur digestion et réduisent leur goût végétal. À la clé, leur incorporation jusque dans des crèmes desserts pour remplacer le lait de vache.

À travers son plan légumes secs, l’Algérie souhaite être autosuffisante en lentilles et pois chiche, des produits ancrés dans ses traditions alimentaires et porteurs d’utilisations majeures encore insoupçonnées.

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