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Le Maroc « enlisé » dans un bourbier diplomatique

La Maroc a cru avoir fait le plus dur en franchissant le pas de la normalisation avec Israël à l’automne 2020, obtenant notamment en contrepartie la reconnaissance par les Etats-Unis de Donald Trump de sa souveraineté sur le Sahara occidental occupé.

Mais en réalité, explique la revue spécialisée dans les relations internationales, Foreign Policy, le Royaume s’enlise chaque jour davantage dans un bourbier diplomatique, perdant même peu à peu le soutien américain.

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Dans une analyse publiée dans la célèbre revue, signée de Samia Errazzouki, doctorante à l’université de Californie, il est souligné que le Maroc a été pendant longtemps « le chouchou des cercles politiques de Washington » mais le consensus sur le soutien indéfectible au Maroc s’effrite.

L’exemple le plus récent est l’adoption des lois sur le crédit et sur les autorisations de défense pour 2022 (NDAA) qui « risquent de détériorer les liens séculaires entre ces deux alliés historiques ».

Dans le projet de loi sur le crédit, le Sahara occidental, préalablement placé dans la section « Maroc », est mis dans sa propre section. La loi s’oppose également à l’utilisation de fonds pour la construction d’un consulat américain au Sahara Occidental.

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Quant à la loi NDAA, qui couvre les crédits militaires des États-Unis, elle limite l’utilisation de fonds pour tout exercice militaire avec le Maroc, à moins que le secrétaire à la Défense « détermine et certifie aux commissions de défense du Congrès que le Royaume du Maroc a pris des mesures pour soutenir un accord de paix final avec le Sahara occidental ».

Après l’adoption des textes par le Sénat et la Chambre des représentants des Etats-Unis, il est fort probable que les exercices militaires African Lion de cette année, le plus grand exercice de l’Africa Command américain, ignorerait entièrement le Maroc, lit-on dans l’analyse.

Nasser Bourita n’est pas à sa place 

La brouille avec les Etats-Unis n’est que la suite d’une longue liste de crises avec d’autres puissances, après l’Allemagne, l’Espagne et l’affaire du chantage aux migrants ainsi que la France dont le président Emmanuel Macron a été écouté dans le cadre du scandale Pegasus, sans oublier l’annulation par la justice européenne de deux accords entre l’Union européenne et le Maroc.  

« Depuis un an, les gros titres brossent un tableau inquiétant d’une diplomatie marocaine en déclin. Cela a laissé le pays relativement isolé, même parmi ses alliés traditionnels », écrit Foreign Policy.

« Le fil conducteur de toutes ces disputes a été la détérioration du corps diplomatique du Maroc, autrefois dynamique, à la suite de la nomination de Nasser Bourita, un jeune bureaucrate sans affiliation à un parti et au curriculum vitae relativement maigre, au poste de ministre des Affaires étrangères du Maroc en 2017. Au cours de son mandat, Maroc n’a jamais été aussi éloigné de ses voisins et alliés », explique la revue spécialisée.

« De nombreux hauts fonctionnaires qui avaient autrefois l’oreille du roi ont maintenant été expulsés, ce qui a laissé de nombreux anciens diplomates démoralisés et préoccupés par le fait que le Maroc s’engage sur une voie de politique étrangère inquiétante », indique un ancien diplomate chevronné, sous couvert de l’anonymat « de peur de représailles ». Il décrit la diplomatie marocaine actuelle comme « erratique et médiocre ».

Un exemple frappant des errements de la diplomatie marocaine : la nomination de Yoshiyahu Yosef Pinto comme autorité rabbinique alors qu’il a été condamné en Israël pour corruption. Est c’est sur lui que s’appuie le lobbying marocain.

Isolement et hostilité

Avec les Etats-Unis, les choses ont commencé à mal tourner lorsque Mohammed VI avait promis 12 millions de dollars à la Fondation Clinton en 2015.

Pendant toute la durée du mandat de Trump, celui-ci n’a eu aucune réunion officielle avec le roi du Maroc. « Le rendez-vous le plus proche des deux chefs d’État a été lorsque les photos d’eux lors de la cérémonie du jour de l’armistice 2018 en France sont devenues virales : Trump a été vu en train de regarder Mohammed VI endormi », ironise l’auteur de l’analyse.

Le Maroc s’est appuyé par la suite sur les accords de normalisation comme une alternative pour ses efforts de lobbying, le nouveau président Joe Biden s’est vite retrouvé sous pression pour annuler la décision de son prédécesseur, d’où le rééquilibrage de la politique américaine vis-à-vis du dossier de Sahara occidental.

Les déboires diplomatiques du Maroc sont aggravés par une situation interne intenable : taux de chômage au plus haut depuis 2001 (près de 12%), droits de l’homme et liberté d’expression qui se détériorent rapidement, et mauvaise gestion par l’État de la pandémie de Covid-19.

« Au milieu des tensions avec ses alliés et de l’agression croissante avec ses ennemis, y compris l’escalade de la violence avec l’Algérie et le Front Polisario, le Maroc court le risque de sombrer dans l’isolement et l’hostilité. Avec son approche agressive de la diplomatie, le Maroc fait très peu pour éloigner la région d’un avenir sombre de conflits et d’instabilité », conclut Foreign Policy.

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