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Le Sommet de Tunis accentue l’isolement du Maroc au Maghreb

L’Algérie, la Tunisie et la Libye ont lancé un nouveau cadre de concertation. Leurs dirigeants se sont rencontrés, lundi 22 avril, au cours d’un sommet à Tunis, en l’absence du Maroc et de la Mauritanie.

L’Algérie a affirmé et réitéré que cette « nouvelle formule » n’a pas vocation à remplacer l’Union du Maghreb arabe (UMA), en léthargie depuis plusieurs années, et même « dans le coma », pour reprendre l’expression du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.

Le chef de la diplomatie algérienne, ainsi que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ont tour à tour assuré également que l’initiative n’est destinée contre personne et que les portes demeurent ouvertes à tous. L’allusion est évidemment au Maroc, avec lequel l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques en août 2021, et après que certains observateurs ont commencé à qualifier le nouveau cadre de « Maghreb sans le Maroc ».

Au vu des développements de la situation dans la région ces 30 dernières années et les orientations pleinement assumées par le Maroc, il est plutôt judicieux de s’interroger si celui-ci porte encore un intérêt sérieux à l’édification maghrébine, autrement dit, s’il ne s’est pas exclu lui-même de facto des projets communs de ses voisins.

En parlant de projets, plusieurs concrets, ont été discutés ou lancés à l’occasion du Sommet de Tunis, avec la mise en place de groupes de travail sur des questions aussi sensibles que la circulation des personnes et des marchandises, le développement des zones frontalières, l’eau de la nappe albienne, l’énergie, la sécurité alimentaire, l’interconnexion électrique et la lutte contre les migrations clandestines et le crime organisé.

Quelque chose de nouveau et de prometteur est né à Tunis entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Outre la coopération annoncée dans les domaines cités et d’autres, les trois pays se sont engagés à parler d’une même voix et peser ensemble, en tant que bloc régional, dans les principaux dossiers politiques internationaux.

Tout cela sans le Maroc qui semble avoir fait ses choix il y a bien longtemps. « Le Maroc semble regarder le monde entier, sauf ses voisins », écrit le journal français Les Échos, compte tenu de la politique étrangère du royaume ces dernières décennies.

Si, avec l’Algérie, les relations sont allées en se dégradant, de la fermeture de la frontière commune en 1994 jusqu’à la rupture pure et simple des relations diplomatiques en août 2021, avec les autres voisins maghrébins, Rabat n’entretient pas d’excellentes relations non plus, avec des crises épisodiques tantôt avec Tunis comme lors de l’accueil du président Sahraoui par Kaïs Saïed en septembre 2022, tantôt avec la Mauritanie dont plusieurs ressortissants ont été tués ces dernières années par l’armée marocaine.

Le Maroc a toujours tourné le dos à ses voisins au Maghreb

Du reste, la priorité du Maroc s’est toujours située ailleurs qu’au Maghreb. Précisément à Washington, Bruxelles, Paris, Madrid et Tel-Aviv.

En 2004, alors que l’UMA se dépérissait, le royaume a signé un accord de libre-échange avec les États-Unis, suivi de l’obtention en 2008 d’un « statut avancé » dans son accord d’association avec l’Union européenne. En 2022, il a soigné ses relations avec l’Espagne et il est en train de faire de même avec la France.

Surtout, il a franchi en 2020 le pas de la normalisation avec Israël avec qui il a accéléré la coopération militaire pour tenter d’acter le fait accompli au Sahara occidental et soi-disant se protéger contre son voisin algérien, selon des médias marocains.

Outre l’Occident, le Maroc a aussi toujours mis en priorité sa bonne entente avec les Monarchies du golfe.

Plus récemment, le royaume s’est tourné vers le Sud en faisant miroiter aux pays enclavés du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) un projet de partenariat stratégique incluant un utopique accès à l’Atlantique via la Mauritanie et le Sahara occidental occupé.

« Le Maroc a le don de proposer des projets qui font rire tout le monde. C’était le cas pour son projet d’adhésion à l’UE, du tunnel sous la Méditerranée, de la route saharienne », raille un responsable algérien.

Pour se rendre indispensable à l’Europe, il a aussi entrepris de concurrencer l’Algérie dans la livraison du gaz au vieux continent en songeant à réaliser lui aussi un gazoduc le reliant au Nigeria.

L’intérêt de Rabat pour l’Afrique n’est du reste pas nouveau. Il y a multiplié ses leviers depuis plusieurs années dans le but d’engranger du soutien au sein de l’Union africaine pour son entreprise de colonisation du Sahara occidental.

Le désintérêt du royaume pour le Maghreb saute aux yeux. Depuis 2020, il a carrément brûlé ses vaisseaux quant à un possible projet commun avec ses voisins.

« En entretenant de très bonnes relations avec Israël », le Maroc se « disqualifie de toute discussion intramaghrébine », estime Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, cité par Les Échos.

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