Économie

L’épineux problème du refus de facturer dans le commerce en Algérie

En Algérie, l’activité commerciale est dominée par l’informel. De nombreux commerçants refusent de facturer, ce qui pose un sérieux problème aux entreprises de production.

Les pouvoirs publics peinent à maîtriser la situation. La régulation du marché nécessite une traçabilité sur le cheminement des produits jusqu’à leur arrivée au détaillant qui les vend aux consommateurs.

Or, réguler le marché n’est pas une mission facile quand on sait que les commerçants détaillants en Algérie sont réticents à la facturation des produits qu’ils achètent auprès de leurs fournisseurs.

« Éradiquer l’informel avant d’exiger la facturation »

Dans les supérettes comme dans les simples épiceries du quartier, de nombreux commerçants s’approvisionnent sans factures. « Ça fonctionne sans factures. Sinon on serait obligés de répercuter les taxes sur les prix des produits. Il faudrait imposer la facturation à tout le monde sans augmenter les prix des produits », affirme un commerçant en alimentation générale à Alger interrogé par TSA.

Contacté à ce sujet par TSA, le président de l’association nationale des commerçants et des artisans algériens Hadj Tahar Boulenouar revient sur l’absence de facturation dans les transactions commerciales chez les détaillants de produits de large consommation.

« Les commerçants voudraient bien travailler dans les normes. Cependant, comment exiger la facturation au détaillant alors que son fournisseur ne facture pas. Dans certains cas, les factures n’existent pas à la source. Si le détaillant exige la facturation, il paiera le produit plus cher », explique Hadj Tahar Boulenouar.

Le président de l’Association des commerçants algériens (ANCA) estime que la généralisation de la facturation doit concerner toutes les parties concernées et passe également par l’éradication du commerce informel.

« Il n’est pas possible d’exiger la facturation alors que le commerçant légal est concurrencé par l’informel qui ne paie aucune charge ni impôts. On fait pression sur les commerçants répertoriés et on laisse tranquille les informels. Agir de la sorte, c’est encourager l’illégalité », indique Hadj Tahar Boulenouar.

Comment inciter les commerçants à facturer ?

Pourtant, la loi sur les pratiques commerciales stipule l’obligation de facturation pour les commerçants, rappelle pour sa part Mohamed Aissaoui, président de l’association des consommateurs Himayatic.

« Les services du commerce doivent veiller à l’application de la loi pour avoir une traçabilité mais aussi pour connaître la structure du prix proposé aux consommateurs par le commerçant. Il faut avoir les détails par le biais des factures pour connaître la marge bénéficiaire réelle », détaille Mohamed Aissaoui.

Le président de l’association Himayatic rappelle que dans la loi sur la lutte contre la spéculation, il existe le concept de « la marge illégale ». Quand la marge est exagérée, le commerçant est spéculant aux yeux de la loi, selon Mohamed Aissaoui qui explique que sans factures, il n’est pas possible de vérifier les marges des commerçants.

Le président de Himayatic propose d’imposer la facturation de « manière progressive » et avec « des mesures incitatives ».

« Il est possible de passer par une période de transition où on impose au commerçant de facturer sans qu’il y ait des poursuites par les services des impôts. Une fois que le commerçant se familiarise avec les factures, on peut lui exiger de payer. Il s’agit d’une parenthèse pour une durée limitée. Le but est de ne pas perturber le marché », a-t-il conclu.

L’absence de facturation chez les commerçants détaillants pénalise le citoyen mais aussi l’État. Le défaut de facturation dans le commerce fait perdre à l’État d’importantes recettes fiscales et accentue la concurrence déloyale entre les opérateurs qui paient leurs impôts et ceux qui ne le paient pas.

Une réforme du système fiscal algérien est nécessaire pour inciter les commerçants, les agriculteurs et autres opérateurs activant dans l’informel à intégrer la sphère économique réelle. Des spécialistes estiment que le défaut de facturation est dû essentiellement au taux d’imposition élevé en Algérie.

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