Politique

Liquidités, huile, eau, vaccins : des tensions qui n’en finissent pas

En plus de la crise politique qui dure depuis plus de deux ans et qui s’exacerbe avec le retour des manifestations hebdomadaires du Hirak, des tensions sont régulièrement signalées en Algérie, dans différents secteurs ou sur certains produits.

Cela sur fond de crise sanitaire et d’une situation économique rendue difficile par le recul des revenus des hydrocarbures et l’érosion des réserves de change qui s’en est suivie ainsi que la forte baisse du dinar.

Coupures d’eau, d’Internet, embouteillages, tension sur la semoule, le lait, l’huile et les véhicules, augmentation des prix de plusieurs produits nécessaires mais devenus subitement inaccessibles comme le poulet et la sardine, problème des retraités de l’armée, des chômeurs… Dire que rien ne va est un euphémisme.

Pourquoi tant de crises qui n’épargnent aucun secteur ? Peuvent-elles être la résultante d’un complot, comme l’avaient soutenu les autorités l’été dernier ? Ou sont-elles simplement l’expression de l’incurie et de l’impéritie de certains responsables ?

Depuis le début de l’année 2020, les crises et les tensions se sont succédé à un rythme effréné. Il y a eu d’abord la pandémie de Covid-19, qui sévit toujours du reste.

Si l’on juge par le nombre officiel de contaminations et de décès, et comparativement à la situation dans les pays voisins et ceux d’Europe, les autorités algériennes l’ont plutôt bien gérée, mais au prix de mesures qui ont rendu encore plus compliquée la situation économique et sociale, avec l’arrêt total ou partiel de plusieurs activités.

Les mesures de confinement annoncées au printemps 2020 ont immédiatement donné lieu à la première tension sur un produit de première nécessité : la semoule.

En dépit des assurances des officiels que les commerces d’alimentation resteront ouverts, les citoyens se sont rués pour constituer des stocks, donnant lieu à des scènes que l’Algérie n’a pas connues depuis les années 1980.

Des promesses non suivies d’effet

La tension n’a pas duré longtemps, mais avant même qu’elle s’estompe, une autre est signalée dans les bureaux de poste qui ne disposent plus de suffisamment de liquidités pour payer tout le monde.

Depuis le printemps de l’année passée, la dernière décade de chaque mois, coïncidant avec le virement des pensions de retraites, donne lieu à de longues files d’attente et des bousculades devant les bureaux de poste.

Les promesses répétées des autorités de régler le problème n’ont jamais été suivies d’effet. Une année après, la situation n’a pas changé et le gouvernement en est encore à essayer des recettes.

Lors du Conseil des ministres de dimanche dernier, le président de la République a ordonné la fermeture des comptes commerciaux ouverts au niveau de la Poste, dans une énième tentative de juguler la crise.

Dimanche, le ministre des Finances a réitéré sa promesse, qu’il a brandie déjà à trois reprises, de régler la crise.

Autre effet de la crise sanitaire, des milliers d’Algériens ont été bloqués à l’étranger et malgré tous les efforts des autorités et le rapatriement de près de 40 000 d’entre eux, certains le sont toujours comme ces 27 nationaux coincés dans un aéroport international français.

Pendant l’été 2020, la simultanéité des crises et des tensions a été telle que les plus hautes autorités du pays ont crié publiquement au « complot ». Le 3 août, le président Abdelmadjid Tebboune a même ordonné l’ouverture d’une enquête sur les causes des nombreux dysfonctionnements constatés simultanément : manque d’argent dans les bureaux de poste, feux de forêts qui n’ont presque épargné aucune région du pays, coupures d’électricité et coupure géante d’eau potable le jour de l’Aïd. Aujourd’hui encore, on ne sait pas ce que les enquêteurs ont découvert, c’est-à-dire s’il y a eu complot ou pas.

Pour l’eau, on sait qu’une panne (intentionnelle ou pas) a eu lieu dans une grande station près de la capitale. Mais sept mois plus tard, c’est carrément la crise à cause de la faiblesse des précipitations.

C’est le retour au rationnement alors que le problème de l’approvisionnement en eau potable a été réglé à Alger depuis une quinzaine d’années et la situation s’est nettement améliorée dans tout le pays.

Des crises qui n’auraient jamais dû survenir

Le gouvernement n’a pas seulement échoué à juguler les tensions nées de facteurs objectifs, mais certains de ses membres ont contribué à en créer d’autres qui n’auraient jamais dû survenir.

Comme celle des pâtes alimentaires. En septembre dernier, le gouvernement a décidé de mettre fin à la subvention du blé destiné à la fabrication des pâtes alimentaires. Un décret a été publié au Journal officiel, avant d’être annulé deux mois après, faute de textes d’application. Entretemps, les pâtes alimentaires se sont raréfiées dans les magasins et leurs prix ont augmenté. Le gouvernement a gardé le silence.

Une autre crise est en cours : celle de l’huile de table. L’Algérie produit chaque année six fois ses besoins mais la denrée est introuvable sur les étals à cause du refus des distributeurs de la vendre après l’obligation qui leur a été faite subitement de facturer leurs transactions, rendant leur marge bénéficiaire insignifiante.

Le président de l’Association des commerçants Hadj Tahar Boulenouar a détaillé hier les raisons de cette crise, en pointant du doigt l’informel et en expliquant que les commerçants font face à une concurrence déloyale de la part des vendeurs ambulants qui eux ne paient ni impôts, ni taxes, ni TVA. Au lieu d’attaquer l’origine du mal qui est l’informel, le gouvernement s’en prend aux opérateurs travaillant dans la légalité, les obligeant à aller grossir les rangs de l’économie parallèle. Un secteur où circulent plus de 6.000 milliards de dinars.

Où sont les vaccins promis ?

Les scènes de bousculades dans les magasins pour un bidon d’huile constituent un sacré coup pour l’image du pays, comme le sont celles des chômeurs du Sud qui se sont cousu les lèvres dans un geste de désespoir, quelques jours seulement après le retour à la charge des retraités de l’armée par des actions qui ont eu pour effet de bloquer les axes menant à la capitale pendant plusieurs jours, aggravant le problème endémique des embouteillages que le président avait ordonné quelques jours plus tôt de prendre en charge.

D’autres crises s’installent dans la durée et l’espoir de les voir réglées s’estompe jour après jour. C’est par exemple le cas du véhicule, devenu inaccessible au commun des Algériens.

L’importation est interdite, les usines d’assemblages fermées et le gouvernement n’a pas pu trancher en deux ans sur la formule à retenir : véhicules d’occasion, retour à l’importation du neuf, lancement d’une véritable industrie…

Là aussi, on vient d’assister à un brusque retour à la case départ. Le ministère de l’Industrie aurait décidé, après le changement survenu à sa tête, de suspendre le processus d’agrément des concessionnaires. Il n’y a pas que sur le véhicule que le gouvernement n’arrive pas à trancher. Des dossiers d’une importance vitale attendent toujours, comme ceux de l’investissement et globalement de la réforme de l’économie.

Et même quand des décisions fermes sont prises, on assiste parfois à des lenteurs dans leur mise en application, comme ce fut le cas des primes destinées au corps médical et aux familles impactées par le confinement.

Ces dernières semaines, le grand ratage, c’est celui du lancement de la vaccination de masse après l’annonce en grande pompe de la conclusion d’accord pour l’acquisition des doses nécessaires pour vacciner jusqu’à 70 % de la population. Deux mois après le début officiel de la campagne, l’Algérie a tout juste vacciné 150 000 de ses citoyens.

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