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Lutte anti-Covid, vaccination : les critiques du Dr Bekkat Berkani

Lutte anti-Covid, vaccination : les critiques du Dr Bekkat Berkani

Bilan de la lutte anti Covid en Algérie en 2021, échec de la campagne de vaccination, situation sanitaire en 2022 : à la veille de la nouvelle année, TSA fait le point avec Dr Bekkat Berkani, président de l’Ordre national des médecins.

Quel bilan faites-vous de la lutte anti-covid en Algérie en 2021 ?

La lutte anti covid dans notre pays durant l’année 2021, si on examine les résultats, a été globalement bien appréhendée. Malheureusement, nous avons déploré plus de 6000 décès.

Nous avons un problème avec les statistiques, mais l’Algérie a su dès le début de la pandémie prendre quelques mesures radicales, en particulier le confinement et la fermeture des frontières aériennes, qui ont limité fortement la pénétration du virus dans le pays.

Mais avec un système de santé qui est au départ très défaillant, les choses se sont compliquées. Nous avons eu un afflux de malades en réanimation, particulièrement au cours de la troisième vague. Période durant laquelle les besoins en oxygénothérapie et en anticoagulants se sont fait ressentir. L’Algérie n’était absolument pas préparée à cela.

Il y a eu, aussi, des erreurs en rapport avec la gestion de la maladie elle-même. L’Algérie a été en contrecoups par rapport à l’épidémie en Europe. Nous avions largement le temps de prendre des dispositions et de prévoir des lieux dédiés pour les hospitalisations.

Mais nous avons préféré mettre des services dispatchés dans les hôpitaux au risque de gêner l’activité générale dans ces hôpitaux. Il y a eu des dégâts collatéraux par rapport à la santé publique : les interventions chirurgicales, l’activité normale de toutes les pathologies a été considérablement gênée. De manière  générale, nous avons traversé  l’année 2021 de façon modérée.

Le taux de vaccination en Algérie n’atteint pas aujourd’hui les 30%, loin de l’objectif fixé par le gouvernement de vacciner 70% de la population avant la fin 2021. Comment expliquez-vous cet échec ?

Tout d’abord, il faut rappeler qu’au début nous n’avons pas su prendre date et prendre rendez-vous avec les fabricants de vaccins.

Au moment où les grandes nations ont  commencé à acheter en grande masse les vaccins, nous étions déjà en retard.

En Algérie, il n’y avait que quelques dizaines de milliers de vaccins chinois et russes. L’Algérie n’a pas su faire de prévisions au moment où il le fallait. Au début du premier et du deuxième trimestre, il y a eu un flottement et il a fallu beaucoup de négociations avec les partenaires chinois pour que nous puissions disposer d’une quantité suffisante du vaccin.

Le problème de la vaccination en 2021 est qu’à un moment les vaccins n’étaient pas disponibles, les gens voulaient se faire vacciner. A l’inverse, actuellement nous avons des stocks de vaccins que nous n’arrivons pas à écouler.

L’organisation de la vaccination, et notamment la communication avec la population, est en cause dans ce problème. Et à cela s’ajoute un certain nombres de dispositions portant sur l’obligation de la vaccination, qui ont été prises récemment,  tel que le pass sanitaire, qui auraient dû être prises avant en particulier pour certaines professions.

L’Etat s’est un petit peu laissé dépasser en laissant la liberté totale à tout un chacun. Or il s’agit d’une affaire de santé publique. Instaurer le pass sanitaire est une décision qui a un peu tardé à être prise et son application reste encore floue. Bien sûr que nous pouvons parler aujourd’hui d’échec de la campagne de vaccination

Que faut-il faire pour remédier à cet échec et booster la vaccination ?

Une campagne de vaccination se prépare comme une campagne de bataille. Il ne s’agit pas de faire quelques affiches et quelques chapiteaux pour convaincre les gens.

Il faut lutter contre les fake news qui n’ont cessé de détruire les campagnes de vaccination. Il faut essayer de ramener, de gré ou avec la force de la loi, les gens à se faire vacciner. Il faut expliquer aux gens.

Les campagnes de vaccination ont été indigentes. Il faut s’adresser à la population en fonction de sa culture. En Algérie, il y a des personnes qui sont représentatives que les gens croient.

Des sportifs, des hommes de culture, on aurait dû les mettre à contribution pour provoquer un effet d’entraînement. Montrer un officiel se faire vacciner à la télé ne suffit pas. Les gens ne croient pas à ça.

Les gestes barrières ne sont quasiment plus respectés en Algérie. Pourquoi selon vous ?

Dans les regroupements, il faut appliquer la loi. Actuellement, la quatrième vague est due à un relâchement total des mesures préventives. Quand les Algériens ont eu peur, ils sont allés en masse vers les vaccins et ont mis des masques. Maintenant, ils considèrent que l’épidémie est derrière eux. C’est une fatale erreur.

Faut-il s’inquiéter du nouveau variant Omicron ?

Dans notre pays, le séquençage est absolument indigent. Pour faire le diagnostic du coronavirus c’est déjà difficile, faire du séquençage relève de la lueur d’espoir.

Le séquençage se fait au niveau de l’institut Pasteur d’Algérie et ce n’est pas donné à tout le monde. Dans notre pays, nous n’avons pas de statistiques au plus près.

Nous n’avons pas testé au plus près pour avoir des statistiques véritables et pour savoir qui a eu le coronavirus, quel profil,  quel variant, à quelle période, dans quelle région etc.

Les chiffres donnés quotidiennement par le ministère de la Santé sont bien en deçà de la vérité. Au cours de la troisième vague, des milliers d’Algériens ont fait le covid à bas bruit et ne sont rentrés dans aucune statistique.

En Algérie, nous avons officiellement détecté quatre cas du variant Omicron mais nous n’avons aucune idée de son extension. L’Omicron a une diffusion très rapide, mais il semblerait qu’il modère et qu’il ne soit pas générateur de complications.

Omicron se diffuse rapidement, il y aura donc une augmentation des cas. C’est clair. Il se propage actuellement en Europe, nous allons probablement subir le contre coup dans 15 jours ou un mois.

Sur le plan de la gravité, notre système de santé n’était pas et n’est pas encore tout à fait prêt à recevoir des épidémies de ce genre.

A quoi faut-il s’attendre en 2022 ?

Les prévisions sont pessimistes par rapport à l’extension de l’épidémie selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui parle de raz-de-marée et de tsunami de contaminations.

Mais nous espérons que le caractère de gravité ne sera pas au rendez-vous. Nous aurons probablement des épidémies comme des grippes, plus ou moins sévères. Le problème du coronavirus reste la problématique d’asphyxie et de réanimation.

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