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Manifestations en Tunisie : le projet de Kais Saied en difficulté

Tout ne se passe peut-être pas comme prévu pour le président tunisien Kais Saied.

Des milliers de Tunisiens ont manifesté ce samedi 14 janvier au centre de Tunis et dans d’autres villes du pays, dénonçant la situation tant politique qu’économique du pays, 12 ans après la chute de l’ancien président Zinelabidine Benali.

Le 14 janvier 2011, Benali prenait la fuite vers l’Arabie Saoudite après plusieurs semaines de manifestations déclenchées après l’immolation d’un marchand ambulant, Mohamed El Bouazizi, humilié par la police.

Benali avait dirigé la Tunisie d’une main de fer pendant 24 ans, depuis 1987.

Ce qui sera appelé plus tard le « printemps arabe » venait de commencer.

La réussite de la révolution du Jasmin en Tunisie avait laissé entrevoir l’espoir que les autres mouvements qui ont suivi dans de nombreux pays arabes allaient déboucher aussi sur la démocratie pour toute la région, et surtout, sans effusion de sang.

Mais la seule similitude avec la Tunisie sera la chute de nombreux présidents qui s’étaient aussi éternisés au pouvoir, Hosni Moubarak en Egypte, Ali Abdallah Salah au Yémen et Mouammar Kadhafi en Libye.

L’expérience démocratique a tourné court en Egypte au bout de deux ans seulement, tandis que la Libye, le Yémen et la Syrie, dont le président Bachar Al Assad a pu s’accrocher au pouvoir, en sont à plus de dix ans de guerre civile.

Non seulement les Tunisiens ont chassé l’ancien régime politique sans véritable effusion du sang, mis à part les manifestants tués lors du soulèvement, mais ont aussi réussi à amorcer une admirable transition démocratique.

Une expérience qui sera vite rattrapée elle aussi par le révisionnisme, à cause principalement des difficultés économiques du pays et de l’incapacité des gouvernements successifs à les résoudre.

Virage autoritaire et difficultés économiques

Élu démocratiquement en 2019, mais sans attache partisane ni assise populaire, le président Kais Saied a amorcé un virage autoritaire le 25 juillet 2021, jour de la fête nationale, lorsqu’il a prononcé le limogeage du gouvernement et la suspension du Parlement, s’octroyant presque les pleins pouvoirs en décidant de légiférer par décrets et de présider lui-même le parquet.

Le mouvement islamiste Nahda, qui dirigeait jusque-là le gouvernement, et plusieurs formations politiques avaient dénoncé un « coup d’État ».

Saied a entrepris de mettre en œuvre une feuille de route, avec l’adoption d’une nouvelle constitution et l’élection d’une nouvelle assemblée, mais il n’a pas réussi ni à obtenir l’adhésion populaire souhaitée ni à maîtriser définitivement la rue.

Après la faible participation au référendum de juin 2022, les législatives de décembre dernier ont constitué un véritable camouflet pour le pouvoir tunisien, avec seulement 8,8% de taux de participation.

Pendant toute cette période, Saied n’a pas été aidé par la conjoncture économique, aggravée par les retombées de la crise sanitaire.

L’Algérie est venue en aide à la Tunisie à plusieurs reprises (livraison d’oxygène pour les hôpitaux, exportation de sucre pour faire face à une grave pénurie de ce produit, prêt financier…), mais les difficultés du pays sont trop complexes pour être dépassées grâce aux aides d’un seul Etat.

Des appels à manifester sont lancés sporadiquement, mais ce samedi 14 janvier, ce sont presque tous les courants de l’opposition qui se sont retrouvés dans la rue.

Malgré ses divergences, sur la question du mouvement Nahda notamment, la classe politique tunisienne partage la même inquiétude quant à la situation socio-économique et le même rejet de ce qu’elle qualifie de projet autoritaire du président Kais Saied.

Fait marquant dans les manifestations de ce samedi, les groupes de manifestants appartenant à divers courant politiques ont bravé les forces de l’ordre pour manifester ensemble sur l’artère principale de la capitale tunisienne, l’avenue Habib Bourguiba.

Les slogans scandés se résument à la réclamation de solutions aux difficultés économiques et la dénonciation du projet qualifié d’autoritaire de Kais Saied.

Un projet qui semble, si l’on se rappelle les 8,8% de taux de participation aux dernières législatives, faire l’unanimité contre lui. Un autre virage est peut-être en train de s’amorcer en Tunisie.

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