Économie

Manque de pluies en Algérie : la campagne céréalière démarre mal

Le manque de pluies en Algérie compromet sérieusement la campagne céréalière 2022-2023. La modernisation des techniques agricoles devient vitale pour pouvoir produire des céréales.

Fin décembre, à Relizane les agriculteurs se plaignent du manque de pluie. Les champs de blé sont clairsemés et les plants chétifs. Une situation dramatique qui devient la norme à l’ouest de l’Algérie. Ce qui rend incertain l’objectif de 35 quintaux par hectare fixé par les services agricoles.

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Des parcelles semées début novembre

L’agriculteur Cheikh parcourt sa parcelle de blé. Une parcelle où quelques frêles pousses apparaissent ici et là.

« J’ai semé le 10 novembre, il a plu ensuite, mais depuis plus rien », confie-t-il à Ennahar TV. Sur une parcelle voisine, Mohamed se désole du manque de pluie.

Mais il se réjouit de disposer d’une dizaine d’asperseurs qu’il branche sur un gros tuyau en plastique posé à même le sol. Un type d’irrigation habituellement utilisé sur les cultures de pomme de terre ou d’oignon.

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Tous les deux heures, il doit déplacer l’imposante installation. « On peine de devoir irriguer et en plus il n’y a pas assez d’eau ».

Plus loin, Hacène arpente une parcelle aussi clairsemée que celle de ses voisins. Il a labouré en septembre et se plaint du retard de végétation et de ne pas avoir les moyens pour irriguer

À l’ouest du pays, un manque de pluie fréquent

À l’ouest de l’Algérie, depuis plusieurs années la pluviométrie est plus faible. Le déficit peut atteindre jusqu’à 100 mm/an et les pluies sont devenues irrégulières.

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Dès 2013, des universitaires montraient que le nord-ouest du pays a connu une « réduction de l’ordre de 40 % des précipitations annuelles lors de la première moitié des années 1970 », le tout accompagné d’une hausse de température.

Un manque de pluies qui a pour conséquence de réduire de 36 % les eaux de surface. Une autre analyse réalisée sur la période 1936-2016 confirme « une réduction significative des précipitations à l’ouest » du pays avec parfois le retour d’épisodes pluvieux violents aux effets dévastateurs.

Peu de pluie, donc peu d’eau dans les nappes

Face au manque de pluie, les services agricoles appellent les agriculteurs à recourir à l’irrigation d’appoint. Partout les walis délivrent des autorisations de forage.

À Tipasa, début 2022 ce sont 50 autorisations de forage qui ont été accordées. À Tiaret, dès 2020 les services agricoles en comptabilisaient 597. Dès les premiers mois dans cette même wilaya, on en comptabilisait 152. Un chiffre passant rapidement à 600. Une année faste pour cette wilaya avec un total de 1 330 autorisations.

Au niveau national, l’année 2021 s’était achevée avec 20 000 autorisations de forage selon l’Agence nationale des ressources hydrauliques (ANRH).

Des forages de plus en plus profonds

Les puits traditionnels sont aujourd’hui concurrencés par ces forages qui vont chercher de l’eau au-delà de 50 mètres et parfois jusqu’à plus de 100 mètres de profondeur.

Mais c’est oublier que les nappes d’eau souterraines sont alimentées par l’infiltration des eaux de pluie. En été, le niveau des nappes baisse et remonte à la faveur des pluies hivernales.

Mais, avec le réchauffement climatique et plus particulièrement à l’ouest de l’Algérie, les quantités de pluies diminuent et arrivent plus tard. En conséquence, les nappes sont moins réalimentées de même que les barrages. Le seul recours à l’irrigation d’appoint risque de ne plus suffire.

À l’étranger, évolution des techniques de culture en sec

Les sécheresses automnales concernent également les agriculteurs américains du nord-ouest et ceux des plaines australiennes. Très tôt, ces agriculteurs ont abandonné le labour. Une technique trop coûteuse en carburant et qui présente l’inconvénient de dessécher le sol.

Ces agriculteurs laissent même de la paille au sol ce qui permet de retenir plus d’eau. À Settat (Maroc), l’agronome Ali Mrabet a montré que la technique du semis direct laisse deux fois plus d’humidité dans le sol que le traditionnel labour.

Dès 2006 à Alep (Syrie), pour favoriser la germination, des experts australiens ont montré l’intérêt de faire passer une roue plombeuse dans chaque sillon.

Des techniques qui nécessitent cependant de modifier les semoirs et de généraliser le désherbage. Des techniques que doivent s’approprier les agriculteurs algériens.

Des semis dans la couche humide du sol

Dans la région semi-aride de Washington au nord-ouest des États-Unis, les agriculteurs pratiquent le semis profond à 10 cm. Avantage, la semence est déposée dans la couche humide du sol.

Une technique qui fait cependant hurler les puristes qui ne jurent que par des semis à 2,5 cm. Sauf que les adeptes du semis profond utilisent des variétés nouvelles qui possèdent le gène Rht18. Un gène qui permet au blé de percer le sol sans que le rendement ne s’en ressente.

Des drones dans la wilaya de Djelfa

Conscients de la nécessité de moderniser les techniques, ces jours-ci les services agricoles testent à Djelfa l’utilisation de drones. L’objectif est la détermination des superficies exactes en céréales.

Mais que peuvent les drones contre la priorité du moment : le manque d’eau ? Éliminer les mauvaises herbes qui absorbent une partie de l’eau du sol et concurrencent le blé s’avère crucial. Selon des données officielles, seules 25 % des superficies sont désherbées en Algérie.

Dans les années 1970, de petits avions utilisés pour le travail aérien ont été utilisés pour pulvériser des herbicides. Face au manque d’équipement des agriculteurs, des drones pourraient-ils s’acquitter de cette tâche ?

Le défi du réchauffement climatique

Par manque de pluie, à Relizane, le début de la campagne céréalière a mal démarré. Cette région illustre les difficultés de produire des céréales en Algérie.

L’irrigation d’appoint prônée par les services agricoles nécessite des moyens dont ne disposent pas toujours les agriculteurs. Et les quantités d’eau disponibles restent limitées.

Dans de nombreux pays apparaissent de nouvelles techniques de culture en sec. Ces innovations qui demandent plus de technicité restent peu connues en Algérie alors que les services agricoles s’en tiennent au triptyque labour, semences certifiées et engrais. Seule leur adaptation au contexte algérien  permettrait de s’approcher de l’objectif national de 35 quintaux par hectare.

En ce début janvier, la pluie arrive. Les pertes de rendement pourront-elles être compensées malgré les pertes de pieds et le retard de végétation ? Des pertes qui  peuvent atteindre 10 à 20 kg de blé par hectare et par jour.

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