Économie

Manque d’eau : menaces sur les pommiers des Aurès

Il y a 40 ans, à Lamsara (Commune Inoughissène) dans la wilaya de Batna, Abdallah Rouibi a planté 1.500 pommiers.

Il avait de l’eau à 20 mètres dans son puits. Aujourd’hui, même à 100 mètres, le forage est à sec et 1 000 pommiers ont été arrachés. La région souffre cruellement du manque d’eau dans un contexte de sécheresse qui frappe L’Algérie ces dernières années.

Dans les Aurès, récolte des pommes en cours

Depuis plusieurs jours la récolte des pommes a commencé. À Bouhmama (wilaya de Khenchela), dans le verger de Toufik Massai, des ouvriers s’affairent.

 Il s’agit de récolter 4 000 arbres. Les ouvriers remplissent des fruits de tous calibres dans des caisses. 

Au dessus des pommiers, des filets anti grèle. Le verger est mené en culture intensive. Les arbres sont de petite taille et plantés côte à côte.

 On trouve plusieurs variétés dont de la Golden et de la Starkinson. Il s’attend à récolter 1.500 à 1.600 quintaux contre 1.200 qx l’an passé.

 En plus des filets, le verger comporte une irrigation par goutte à goutte avec forage et bassin de rétention d’eau.

L’agriculteur vise l’export. Il confie à Ennahar TV : « Que l’Etat vienne voir sur place, c’est une production propre. Il n’y a pas utilisation de produits phytosanitaires. On souhaite une aide de l’Etat pour l’export ».

 Un peu plus loin un tracteur tire un atomiseur qui pulvérise des produits sur les arbres

Tahar producteur à Bouhmama cultive 4 500 arbres. Il s’attend à une bonne production mais il se plaint du manque de pluie. 

Quant à Amar, il confie que cette année le prix du kilo de pomme devrait se situer à 300 DA le kilo contre 150 l’année dernière.

 Lotfi Khamar de la fédération de wilaya des producteurs de pommes demande une aide des pouvoirs publics pour l’irrigation et les filets anti grêle : « Les fruits touchés par la grêle sont abimés, or les filets coûtent très chers » confie-t-il. En altitude, les pommiers ont trouvé leur terroir, mais la grêle est plus fréquente.

Pressions françaises pour l’importation de pommes

En 2014, suite à la crise en Crimée, l’Union Européenne décrète un embargo à destination de la Russie. Les producteurs de pommes françaises sont alors pénalisés. 

En 2015, avec 80 000 tonnes importées, le marché algérien représente alors la première destination pour l’exportation française. L’année suivante, ces importations chutent à 12 000 tonnes. « Le débouché algérien encore incertain » titre l’hebdomadaire La France Agricole.

Les professionnels français alertent alors le président de la Région de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi. Celui-ci demande au Premier ministre français d’« intervenir auprès de son homologue algérien en urgence », pour délivrer un « quota de 20 000 tonnes de pommes des Alpes au minimum ».

Mi-février 2017, malgré les demandes des autorités françaises, les services du Premier ministre algérien, seul habilité à délivrer les quotas d’importation, demande un délai de réflexion de 15 jours supplémentaires.

Mais, pour Alger, l’importation de pommes n’est plus d’actualité. Les producteurs locaux sont rassurés et investissent massivement.

L’intensification demande plus d’eau

Au cours d’un voyage en Pologne, des agriculteurs des Aurès découvrent la culture intensive des pommiers. Il suffit d’un mètre de distance entre les arbres et 4 mètres entre les rangées.

 La densité passe de 600 pommiers à 3.000 par hectare. Dès la deuxième année, les arbres peuvent produire 200 quintaux par hectare et 600 qx la troisième année.

Revers de la médaille, ce type de culture réclame plus d’eau.

Toujours plus de plantations

Dans la commune de Chir (Batna) Farouk Benlembarek et ses frères, viennent de planter 3.000 pommiers.

 Ils en cultivent déjà 5.000 et produisent 500 à 600 qx de pommes qu’ils stockent dans 5 chambres froides. En septembre 2020, il confie à El Watan : « Aujourd’hui, le plus grand problème que l’on rencontre est celui de l’eau. L’eau manque de plus en plus. »

A l’aide d’engins de terrassement, un réservoir d’une profondeur de 20 mètres pouvant contenir jusqu’à 30 000 mètres cubes a été creusé. Il indique que les pompes de refoulement ont dû fonctionner pendant quatre mois, 24 heures sur 24 pour le remplir.

Demandes de réalisation de retenues et de barrages

Dès 2019, les investisseurs reconnaissent avoir bénéficié de subventions pour la création de vergers, l’accès à l’électrification et l’acquisition d’équipements pour l’irrigation au goutte-à-goutte. 

Cependant, ils estiment qu’aujourd’hui les aides devraient être orientées vers la réalisation de retenues et de barrages.

 Des autorisations de forages profonds ont été accordées dans les daïras de Bouhmama, Chechar et Kais. En 2020, près de 300 autorisations de forage ont été accordées dont certaines jusqu’à une profondeur de 500 mètres.

Abdallah Rouibi confie à TSA : « Cette année 2022, j’ai dû acheter pour 200.000 DA d’eau par citerne. Et je projette d’arracher le reste des pommiers l’an prochain. A 90% les puits sont à sec. Et si en automne il ne pleut pas et qu’en hiver il ne neige pas nous n’auront plus d’eau même pour boire. »

Les plus lus