search-form-close
Marché algérien du blé : poursuite du bras de fer russo-français

Marché algérien du blé : poursuite du bras de fer russo-français

Les exportations de céréales françaises vers l’Algérie enregistrent un net recul, selon les dernières données de l’organisme public FranceAgriMer. Dans le même temps, celles de la Russie progressent.

Il semble qu’un bras de fer oppose exportateurs français et russes dans la conquête du marché algérien.

Blé Algérie : des importations françaises en baisse

Fin octobre 2023, ce sont 157.000 tonnes de blé tendre français qui ont été exportées vers l’Algérie contre 1,05 million de tonnes pour la même période en 2022 et plus de 650.000 tonnes en 2021.

Depuis plusieurs années, l’Office algérien des céréales (OAIC) diversifie ses achats et s’est tourné vers les blés de la mer Noire bien moins chers. L’origine France est concurrencée par la Russie sur ses marchés de blé traditionnels.

L’Algérie n’est pas le seul pays à avoir revu sa politique d’achat, c’est également le cas du Maroc, de la Tunisie et de l’Egypte. Une situation qui fait que les stocks de blé invendus dans les silos français s’acheminent vers un record : plus de 3 millions de tonnes.

Outre l’augmentation des quantités exportées vers le Maghreb, la Russie a annoncé des exportations gratuites de blé vers les pays les plus pauvres d’Afrique.

Du fait de bonnes récoltes et de prix très attractifs, la Russie occupe aujourd’hui la place de premier exportateur de blé au niveau mondial.

Ce sont cinq millions de tonnes de blé qui sont exportées chaque mois soit « une capacité d’export de 49 millions de tonnes de blé » en 2023, selon le cabinet d’analyse Agritel. Un volume qui correspond à 23% du commerce mondial.

Mais dans l’entourage de Marc Fesnau, le ministre français de l’Agriculture qui rentre d’Ukraine, on n’hésite pas à remettre en cause la qualité du blé exporté par la Russie.

C’est un « blé de mauvaise qualité, un blé punaisé », rapporte BFM TV. La chaîne poursuit : Et c’est ce blé « qui abreuve un certain nombre de zones du monde, notamment en Afrique, et qui s’impose avec des prix plus attractifs, plus bas, parce qu’il s’affranchit de tous les contrôles et de toutes les règles. » Des affirmations non étayées jusqu’à présent.

Algérie : stagnation de la production locale de blé

Afin de réduire la facture des importations, l’Algérie a lancé un vaste programme pour développer la production locale.

Un programme déroulé dans le contexte d’une année 2023 marquée par différentes rencontres : assises nationales de l’agriculture de février 2023, forum autour de la sécurité alimentaire en blé dur de mars dernier puis en septembre élaboration par une commission mixte d’universitaires et de professionnels d’un schéma stratégique de développement de la production céréalière.

Le programme d’aide à la filière céréalière algérienne mis en place par les pouvoirs publics comprend un soutien du prix des engrais dont les cours mondiaux ont nettement augmenté, il prévoit également un soutien de 50% sur l’achat de semences certifiées et de 60% concernant le matériel d’irrigation. A cela, il s’agit s’ajouter l’octroi de prêts bonifiés ainsi qu’un récent relèvement des prix d’achat du blé par l’Office algérien des céréales (OAIC).

Ce programme est complété par l’octroi de concessions agricoles dans le sud. Récemment, le directeur général d’Asmidal a eu l’occasion de déclarer que « les agriculteurs Algériens disposaient du prix des engrais les moins chers au monde ».

Un programme dont la réussite pourrait, selon Abdelhafid Henni, ministre de l’Agriculture, permettre l’autosuffisance en blé dur et de dégager des surplus exportables.

Des exportations de blé dur dont le prix reste élevé sur le marché mondial, ce qui permettrait de financer les importations de blé tendre. A 400 dollars la tonne, les prix du blé dur « se stabilisent à des niveaux extrêmement élevés », remarque l’analyste Marc Zrib de FranceAgriMer qui note « un différentiel entre blé dur et blé tendre qui a tendance à évoluer fortement à la hausse ».

Malgré cet ambitieux programme, la production algérienne de céréales stagne. La cause est à rechercher dans le manque de pluie de ces deux dernières années mais cela n’explique pas tout.

Les surfaces emblavées de 1,8 million d’hectares en 2022 sont à rapprocher des 7 millions d’hectares de terres céréalières dont dispose l’Algérie.

Cependant, il s’agit de tenir compte de la persistance de la jachère, de très nombreuses terres ne sont travaillées qu’une année sur deux.

De nombreuses exploitations restent dans l’incapacité d’emblaver plus de surfaces. Au-delà du manque de pluies et des difficultés de leur trésorerie, c’est le matériel utilisé pour le semis qui pose problème pour les agriculteurs.

Il s’agit le plus souvent de semoirs d’origine espagnole dont la conception remonte à une quarantaine d’années. Un matériel produit par l’entreprise publique CMA de Sidi Bel Abbès en partenariat avec l’entreprise espagnole Sola.

Avant les pluies de ce 22 novembre, ces semoirs sont restés sous les hangars car inadaptés aux conditions sèches de l’Algérie.

Une situation qui va se traduire par des retards de semis et donc des pertes de rendement, sans compter l’espoir envolé de dépasser la barre des 1,8 million d’hectares semés.

L’exemple de la Turquie renseigne sur l’importance du niveau des surfaces emblavées dans l’augmentation des quantités de blé produites. Ces 3 dernières années en Turquie, la production de blé dur a bondit de 28 millions à 41 millions de quintaux.

Dans le même temps, les surfaces emblavées sont passées de 1,15 à 1,20 million d’hectares en 2022 pour culminer à 1,35 million d’hectares en 2023.

Ce qui fait dire à Marc Zribi : « On observe depuis quelques années le retour à une progression des surfaces qui laissent penser que la Turquie pourrait redevenir un acteur majeur du marché mondial du blé dur », avec une « montée en puissance de la production et des exportations ».

Quant à compter sur l’agriculture saharienne pour compenser les surfaces non semées au nord de l’Algérie, cela est impossible. Quand le sud produit un quintal de blé, le nord du pays en produit en moyenne 30 à 40 quintaux.

Algérie : le principal défi de la filière céréalière

Fin octobre les traditionnelles rencontres franco-algériennes sur les céréales se sont tenues au Sofitel d’Alger. Comme chaque année, la filière française est venue présenter la qualité des blés récoltés dans l’Hexagone.

Auparavant en juin, InterCéréales avait convié les utilisateurs algériens et étrangers de blé français à une formation pour une « Initiation à la meunerie ». Le but étant de perfectionner ces utilisateurs dans la confection de pain de type « baguette parisienne ».

Ces intentions sont louables, mais elles ne correspondent pas aux attentes des céréaliers algériens : comment s’adapter à produire du blé dans un environnement climatique changeant. A aucun moment la filière céréales française n’a proposé un transfert de savoir-faire comme dans tout partenariat gagnant-gagnant.

Le retour des pluies redonne un espoir aux agriculteurs en Algérie. Un espoir d’autant plus important que les pouvoirs publics ont tenu à indemniser les agriculteurs sévèrement touchés par la sécheresse qui a frappé le pays cette année et ce afin qu’ils puissent relancer un nouveau cycle de production.

Ces pluies ne doivent cependant pas faire oublier à la filière l’impérative nécessité d’adapter ses façons de cultiver à la nouvelle donne climatique.

L’Algérie fait partie des plus grands importateurs de blé au monde, avec des importations qui devraient atteindre 8,3 millions de tonnes en 2023, selon le Département américain de l’agriculture.

SUR LE MEME SUJET : 

Sécurité alimentaire : l’Algérie mise sur l’agriculture saharienne

  • Les derniers articles

close