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Marche contre l’antisémitisme à Paris : pourquoi ce n’est pas un succès

Marche contre l’antisémitisme à Paris : pourquoi ce n’est pas un succès

La marche contre l’antisémitisme, organisée dimanche 12 novembre à Paris, fera date, non par la mobilisation (un peu plus de 100.000 manifestants, trois fois moins que la marche pro-palestinienne de Londres), mais par la présence d’une extrême-droite au lourd passif antisémite.

Aussi, la manifestation n’a pas fait avancer la cause de la lutte contre tous les racismes puisqu’elle est suivie d’attaques assumées contre la communauté musulmane.

Les observateurs ont noté que c’est la première fois de l’Histoire que l’extrême-droite défile en France aux côtés de représentants du gouvernement.

Le président Emmanuel Macron n’a pas apporté la caution suprême à la « normalisation » de ce courant politique en décidant de ne pas prendre part à la marche, mais la Première ministre, Élisabeth Borne, était bien présente, ainsi que les deux anciens présidents de la République encore en vie, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Tout le gotha politique français a battu le pavé, hormis l’extrême-gauche dont les porte-voix, Jean-Luc Mélenchon en tête, campent sur leur position de principe qui veut que l’on ne combatte pas l’antisémitisme avec les antisémites.

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Le passé antisémite de l’extrême-droite, particulièrement du fondateur du Front national, devenu le Rassemblement national, Jean-Marie Le Pen, n’est jamais aussi remonté à la surface que pendant les jours qui ont précédé cette marche que ses initiateurs, les présidents des deux chambres du Parlement, voulaient mobilisatrice et rassembleuse. L’annonce de la participation du Rassemblement national et d’Éric Zemmour a suscité un grand malaise et une profonde gêne en France.

Pour le RN, l’enjeu est éminemment politique. Il s’agit de monter une autre marche sur la voie qui mène vers la dédiabolisation, la normalisation définitive. C’est pourquoi il a tenu à être présent contre l’avis d’une partie de la classe politique, y compris le gouvernement qui lui a signifié qu’il n’avait pas sa place dans la marche.

Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen est sur une courbe ascendante depuis deux décennies. Il dispose aujourd’hui de 88 députés à l’Assemblée nationale et sa candidate, Marine Le Pen, était présente au second tour des deux dernières élections présidentielles (2017 et 2022).

Marche contre l’antisémitisme : l’extrême droite grande bénéficiaire

Pour un parti aussi « normalisé », le « front républicain » qui se constitue à chaque second tour pour lui barrer la route, peut ne plus avoir de sens à l’avenir.

C’est la voie vers le pouvoir qui se balise pour l’extrême-droite en France. L’imprudence de la classe politique française se résume dans cette petite contradiction de l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe qui, au lendemain de la marche, s’est félicité que le RN ait changé sur l’Europe, l’Euro, l’avortement et l’antisémitisme, déclarant toutefois qu’il fera « tout pour éviter une victoire de Marine Le Pen en 2027 ». Cela signifie-t-il qu’il soit accepté, le RN doit tout simplement renoncer à son passé antisémite ?

Le RN a peut-être changé sur l’antisémitisme — bien que ses dirigeants actuels continuent à absoudre son fondateur de telles accusations – il n’en demeure pas moins que le parti a troqué un racisme pour un autre non moins abject, l’islamophobie. C’est l’autre grief avancé par ceux qui ont grincé des dents à l’annonce de la présence de l’extrême-droite à la manifestation du 12 novembre.

« Certains prétendent soutenir nos concitoyens de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des Juifs », avait noté le président Macron.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a dit comprendre « la réticence » de la communauté musulmane à marcher « aux côtés de racistes antimusulmans déclarés et assumés ».

La présence des musulmans à la marche de dimanche est difficilement quantifiable, mais certaines voix assurent qu’ils n’y étaient pas en force et concluent à « l’échec » de la manifestation. Si tel est le cas, la défection est largement justifiée : elle est due à la présence de racistes antimusulmans.

Paradoxalement, ce moment de « communion » a donné lieu à des attaques contre la communauté musulmane, coupable de n’avoir pas marché aux côtés de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour. Ces critiques émanent des mêmes voix qui, à longueur d’année, mettent tout sur le dos de l’immigré et du musulman.

Il reste toutefois vrai que la marche n’a pas été franchement un grand succès. Elle a rassemblé 30 fois moins de manifestants que celle de 2015 contre le terrorisme après l’attaque contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo.

La veille, au moins 300.000 (jusqu’à 800.000 selon certaines sources) Londoniens ont battu le pavé pour la Palestine. À Paris, le gros des manifestants est composé des sympathisants des partis politiques ayant pris part et de la frange âgée de la population. Il n’y a pas que les musulmans qui ont fait défaut, les jeunes aussi.

De nombreux Français qui ont préféré rester chez eux ont compris qu’antisémitisme et islamophobie sont les revers d’une même médaille. Ils ont aussi peut-être tenu à ce que leur engagement contre l’antisémitisme ne soit pas détourné en un soutien à ce que fait l’armée israélienne à Gaza. Les pro israéliens de France ont trop montré leur jeu et leur influence depuis le 7 octobre pour pouvoir continuer à manipuler.

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