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Maroc : les limites de la normalisation avec Israël

En signant les accords de normalisation avec Israël en décembre 2020, le Maroc s’était défendu, sans trop convaincre, d’avoir bradé la cause palestinienne.

Il était évident qu’il serait difficile pour Mohamed VI de continuer à se présenter comme le protecteur des lieux saints de la ville d’Al Qods tout en poussant à l’extrême sa coopération avec les forces d’occupation qui les profanent quotidiennement.

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Mohamed VI est officiellement le président du « Comité Al Qods », titre qu’il a hérité de son père Hassan II. Ce comité a été créé en 1975.

Moins d’une année et demie après les accords de normalisation, ce statut est mis à l’épreuve par une énième agression des forces d’occupation israéliennes contre la mosquée d’Al Aqsa, troisième lieu saint de l’Islam.

Vendredi 15 avril, la police israélienne a pris d’assaut la célèbre mosquée alors que les fidèles accomplissaient la prière du matin, blessant 150 Palestiniens et en arrêtant 400 autres.

L’agression caractérisée, qui plus est en plein mois de ramadan, a été condamnée en tant que telle dans tout le monde musulman et même au-delà.

Paradoxalement, le « président du Comité Al Qods » est l’un des derniers à réagir, et seulement après l’incompréhension suscitée par son silence. Mohamed VI se devait de réagir pour entretenir l’illusion d’un soutien encore actif à la cause palestinienne, tout en ménageant son nouvel allié, et c’est ce qu’il a fait.

Sa temporisation et la teneur timorée de sa déclaration procèdent d’une gêne évidente. Si le roi du Maroc est aujourd’hui tenu d’effectuer des exercices de funambule, c’est parce que la normalisation avec Israël était accompagnée d’un gros mensonge.

Celui de la promesse de ne pas abandonner le peuple palestinien, sa cause et la ville sainte malgré la reconnaissance de l’État d’Israël et l’engagement d’un processus de coopération tous azimuts avec lui.

Une grosse supercherie

Le timing même de l’accord permettait de déceler aisément l’incohérence : les accords dits d’Abraham, conclus par quelques États arabes avec Israël sous l’égide de l’ancien président américain Donald Trump en 2020, étaient survenus alors que l’occupant israélien n’était jamais allé aussi loin dans la répression des Palestiniens avec les épisodes répétés de bombardement de la bande de Gaza, le blocus de cette dernière et la poursuite de la politique de colonisation.

Au moment où étaient négociés les accords, la colonisation israélienne éloignait chaque jour davantage la perspective de solution et reléguait la création d’un État palestinien au rang de l’utopie.

La solution à deux États, avec un État palestinien dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem Est comme capitale, a été proposée dans le cadre du plan de paix arabe de 2002 en contrepartie de la reconnaissance d’Israël. Vingt ans après, Israël obtient cette reconnaissance du quart du monde arabe sans céder un centimètre de terre.

Les Marocains avaient reconnu que la normalisation procédait de la politique pragmatique du Royaume centrée autour de la défense de ses intérêts. En contrepartie, ils avaient obtenu la reconnaissance par les États-Unis de leur souveraineté sur les territoires occupés du Sahara occidental.

La grosse supercherie était de tenter de faire croire que le deal permettra d’obtenir quelque avancée pour la cause palestinienne.

Dans les mois qui ont suivi l’accord, le Maroc a intensifié sa coopération avec Israël dans tous les domaines, y compris dans la défense et la sécurité, jusqu’à signer en novembre dernier un protocole de coopération militaire qualifié d’inédit. Pendant ce temps, les droits et les terres des Palestiniens n’ont fait que se rétrécir.

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