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Monde arabe : les dirigeants du Golfe ont-ils lâché Al Sissi ?

Monde arabe : les dirigeants du Golfe ont-ils lâché Al Sissi ?

Depuis quelques semaines, des attaques sont échangées entre Saoudiens et Égyptiens par médias et réseaux sociaux interposés. Pour nombre d’observateurs, ces campagnes traduisent un profond malaise entre le régime Abdelfattah Al Sissi et les dirigeants des pays du Golfe, notamment le prince héritier d’Arabie saoudite, qui ont été jusque-là son principal soutien.

Si beaucoup pensent que les attaques ne sont pas innocentes et que leurs auteurs ont agi sur injonction, c’est parce qu’elles émanent aussi, et surtout, de médias gouvernementaux ou proches des pouvoirs respectifs.

Vendredi 3 février, le journal gouvernemental Égyptien Al Goumhouria a publié un éditorial d’une rare véhémence à l’égard des dirigeants du Golfe. Le journal s’est excusé dans un autre éditorial auprès de l’Arabie Saoudite, mais les médias et réseaux sociaux de ce pays et des autres États du Golfe ont rétorqué, attaquant à leur tour l’Égypte.

Cet épisode n’est que le point culminant d’une campagne qui a commencé il y a plusieurs semaines. En Égypte, le journaliste Amr Adib, qui anime une émission sur la chaîne à capitaux saoudiens MBC, est pris pour cible par ses confrères et les internautes.

Ceux qui y voient l’expression d’une véritable crise politique sont confortés par des déclarations faites simultanément sur la lancinante question du soutien financier à l’Égypte.

Depuis l’accession de Abdelfattah Al Sissi au pouvoir en 2013, l’Égypte a reçu des fonds importants des Etats du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis. En dix ans, ces pays ont fourni à l’Egypte, en dons, prêts et dépôts, plus de 92 milliards de dollars.

Mais au fil des années et malgré cette générosité, la situation économique de l’Égypte n’a fait que se détériorer. Sa dette publique a atteint 162 milliards de dollars et le taux d’inflation a dépassé 24%.

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment appelé les États du Golfe à tenir leurs engagements d’investir en Egypte, autrement dit à l’aider à payer ses dettes. Le pays a un besoin urgent de 14 milliards de dollars, représentant le service des dettes arrivées à échéance.

L’aide des Etats du Golfe à l’Egypte en question

Les réticences viennent principalement de l’Arabie Saoudite et du Koweït. Ces deux pays ont brillé par leur absence à un sommet tenu aux Emirats arabes Unis au cours duquel devaient être discutées les aides à l’Egypte et à la Jordanie, un autre pays arabe en grande difficulté économique.

Le secrétaire du Parlement koweïtien a fait allusion à la mauvaise utilisation des fonds alloués à l’Égypte en déclarant que l’argent du Koweït méritait « une meilleure utilisation ». Le ministère saoudien des Finances a lui aussi laissé entendre que les aides de son pays se feront désormais sous conditions.

L’Egypte n’a pas été nommément citée, mais il n’y a pas de doute qu’elle est directement visée par cette nouvelle orientation.

Des critiques sont aussi émises sur le rôle prépondérant de l’armée dans l’économie égyptienne, notamment par les écrivains saoudiens Turki Al Hamad et Khaled Al Dakhil.

S’agit-il d’un lâchage de Abdelfattah Al Sissi, dix ans après l’avoir encouragé à déposer les Frères musulmans et à prendre le pouvoir ? L’autre question que se posent les observateurs et qui demeure pour le moment sans réponse, concerne les raisons de ce rétropédalage des Etats du Golfe dans leur attitude vis-à-vis de leur allié.

Sur les grands dossiers régionaux, on ne connaît pas aux deux parties des divergences profondes, comme sur la question palestinienne, la situation au Yémen ou en Libye. Même lors de la crise avec le Qatar, l’Égypte de Sissi s’est complètement rangée du côté de l’Arabie Saoudite et des Emirats.

L’hypothèse la plus probable, du moins celle que retiennent certains analystes, est celle d’un ras-le-bol des bailleurs de fonds devant la manière dont est gérée l’économie égyptienne, devenue pour eux un gouffre financier sans perspective de ce redressement à court terme, avec le risque d’un soulèvement semblable à celui de 2011.

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