Économie

Pétrole et blé en hausse : les répercussions possibles pour l’Algérie

L’Algérie doit-elle jubiler ou s’inquiéter de l’évolution actuelle des cours du pétrole et des principales matières premières sur les marchés internationaux ?

Les prix du baril de Brent, première source de devises du pays, sont au plus haut depuis 2012 (près de 120 dollars ce jeudi matin).

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Dans le même temps, ceux du blé, dont l’Algérie est l’un des plus gros importateurs au monde, ont aussi flambé, atteignant des niveaux jamais vus depuis 2008, soit la même année qui a vu le pétrole enregistrer son plus haut niveau historique à 147 dollars le baril. La tonne de blé a franchi la barre psychologique de 350 dollars la tonne.

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Il n’y a visiblement pas de corrélation directe entre les cours des deux produits, sauf peut-être l’inflation que génère souvent la hausse des coûts de l’énergie, mais cette fois, on le sait, ils sont tous les deux entraînés par la guerre qui oppose depuis jeudi 24 février deux des principaux producteurs et exportateurs d’hydrocarbures pour la Russie et de céréales pour les deux pays.

L’opération militaire lancée par la Russie en Ukraine jeudi 24 février a enflammé un marché déjà fiévreux depuis plusieurs mois.

La Russie est l’un des acteurs majeurs du marché énergétique et du blé, l’Ukraine est un acteur majeur du marché du blé et un producteur important de graines oléagineuses.

La Russie est le premier exportateur mondial de gaz et deuxième de pétrole. Elle est aussi le premier exportateur de blé depuis 2016 avec des volumes annuels de 35/40 millions de tonnes.

L’Ukraine est, selon les années, quatrième ou cinquième exportateur de blé avec environ 12 % des parts du marché mondial. La moitié des besoins du monde en graines de tournesol viennent en outre de ce pays. Autant dire que c’est le grenier d’une partie de la planète qui prend feu.

S’agissant de l’énergie, les retombées pour l’Algérie sont naturellement bénéfiques. Après une longue période (depuis 2014) de prix bas, le pays pourra renouer avec l’équilibre budgétaire et les investissements publics colossaux, à travers notamment les grands projets d’infrastructures, et reconstituer son matelas de réserves de change qui a frôlé les 200 milliards de dollars dans les années du pétrole cher.

L’Algérie est en parallèle un gros consommateur de blé avec des importations annuelles entre 5 et 8 millions de tonnes. Il est évident que l’objectif de réduire la facture des importations alimentaires (de plus de 8 milliards de dollars) s’éloigne, d’autant plus que la flambée n’épargne aucun des produits de base que l’Algérie importe en quantité : céréales, graines oléagineuses…

Surtout, la hausse des prix ne pouvait pas plus mal tomber, c’est-à-dire dans un contexte de sécheresse qui frappe ces dernières années l’Algérie.

En 2021, la récolte algérienne des blés (tendre et dur) a fortement baissé à 13 millions de quintaux de blé tendre et dur contre 39 millions de quintaux la saison passée

Des sources d’approvisionnement diversifiées

Mathématiquement, cette situation n’annihilera pas les gains générés par la hausse des prix du pétrole et du gaz au vu de l’importance des volumes exportés. Avec un prix moyen de seulement 70 dollars le baril, l’Algérie a exporté en 2021 pour 34 milliards de dollars d’hydrocarbures.

En 2008, quand le baril Brent avait atteint le record historique de 147 dollars, les exportations de l’Algérie avaient dépassé les 80 milliards de dollars.

Malgré le contexte tendu, les prévisions alarmistes de certains médias étrangers, qui évoquent des pénuries, voire des famines, dans certains gros pays importateurs, ne risquent pas de se réaliser, du moins dans le cas de l’Algérie qui vient d’acquérir, selon nos sources, plus de 250.000 tonnes de blé.

L’Algérie dispose de plus de 40 milliards de dollars de réserves de change. Elle a donc les moyens financiers pour acheter du blé, même au prix fort.

Des perturbations dans les approvisionnements sont à prévoir en fonction de l’évolution du conflit en Ukraine, néanmoins, la diversification des fournisseurs, décidée par les autorités algériennes pourrait être un atout.

En 2020, l’Office des céréales (OAIC) a revu son cahier des charges pour tolérer le blé punaisé, ce qui a ouvert la porte du marché algérien à la Russie notamment, qui a pu placer un peu plus de 300 000 tonnes en 2021. Outre l’Union européenne qui demeure un fournisseur important de l’Algérie, des cargaisons sont achetées au Mexique, au Canada et même à l’Australie.

Malgré la baisse de ses parts l’année passée, la France n’a pas renoncé au marché algérien.

« Malgré les récentes attaques contre le blé français, la France a continué de vendre à l’Algérie », fait remarquer une source française proche du dossier, mettant en avant « la fiabilité de l’approvisionnement et la régularité de la production française ».

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Aussi, souligne la même source, « le gouvernement français n’a jamais pris aucune mesure visant à ralentir ou à limiter l’exportation de céréales d’origine française ».

Toutefois, la solution pour l’Algérie est d’encourager la production locale de blé afin de réduire la forte dépendance du pays aux importateurs. La guerre en Ukraine doit être considérée comme un signal d’alarme pour mettre en place une véritable politique agricole capable d’assurer à l’Algérie sa sécurité alimentaire.

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