Économie

Pomme de terre : moyens archaïques pour un produit stratégique

Penchés sur des rangs de pomme de terre, à Teleghma (Mila), une dizaine de jeunes ouvriers ramassent les tubercules qu’un engin a déterrés.

Parmi eux, des migrants sub-sahariens. Avec les céréales, les pommes de terre sont les produits les plus consommés en Algérie. De façon étonnante, la récolte de ce produit stratégique reste encore archaïque en Algérie.

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Othmane Farid, l’exploitant de la parcelle, confie à la chaîne Filaha TV que la petite équipe travaille chaque jour de 5 h du matin jusqu’à 11 h puis reprend en fin d’après-midi durant plusieurs heures : « Jusqu’à 800 quintaux de pomme de terre sont récoltés chaque jour. Entre 500 à 600 quintaux sont dirigés vers les chambres froides de l’entreprise Medit avec qui nous sommes en contrat et qui achète notre production à 55 DA le kilo. C’est une très bonne initiative de l’Etat. Le reste va sur le marché. »

Une hausse des charges

Interrogé sur le coût de la culture, Farid indique que l’hectare de pomme de terre lui revient entre 1,6 et 1,7 million de dinars. Il estime qu’en deux ans les charges ont augmenté de 400.000 dinars.

Le quintal d’engrais qui était à 600 DA est passé à 1.400 DA, ce qui lui revient à 180.000 dinars par hectare. A cela, il faut ajouter 60.000 dinars pour le fumier Les semences reviennent à 750.000 dinars par hectare à raison de 40 quintaux de semences par hectare.

En fin de compte, le coût du kilo de pomme de terre revient à 40 DA et se retrouve sur le marché à 50 voire 55 DA. Pour lui, des prix de 80 DA le kilo, voire 100 DA n’ont pas lieu d’être.

Le ramassage reste manuel

L’archaïsme de la récolte réside essentiellement dans le ramassage des pommes de terre. Auparavant, l’arrachage était manuel et il était effectué à l’aide de pioches ou « crochets » permettant de déterrer les tubercules. Si un gros progrès a été réalisé avec l’emploi d’arracheuses mécaniques, il reste incomplet car le ramassage reste manuel.

Pourtant, le ramassage mécanique existe dans le cas de la tomate de conserve. Après qu’une lame ait soulevé les plants de tomate et les amène sur un convoyeur à barres afin de les séparer de la terre et des tiges. Un tapis roulant dirige ensuite les tomates vers une remorque.

Dans le cas des céréales, la production à Sidi Bel-Abbès de moissonneuses-batteuses sous licence Sampo permet un développement de la récolte en vrac réduisant ainsi la pénibilité de la manipulation des sacs de grains.

Dans le cas des pommes de terre, la méthode actuellement employée implique un soc excavateur qui déterre les tubercules et un convoyeur à barres qui les sépare de la terre fine.

Mais les tubercules sont ensuite redéposés sur le sol. Il suffirait d’adjoindre à ces arracheuses un tapis convoyeur pour diriger les pommes de terre vers une remorque.

Dans le cadre de leur master en génie mécanique, les étudiants Behar Merouane et Mahmoudi Brahim de l’université de Tlemcen ont étudié dès 2018 la conception d’une arracheuse- ramasseuse de pomme de terre. Un projet d’études mené au niveau de l’entreprise publique Construction Mécanique Agricoles (CMA) de Sidi Bel-Abbès.

Le ramassage manuel actuel laisse la récolte à la merci des aléas climatiques. Il suffit d’un orage pour que les opérations s’arrêtent et que sur les marchés les prix aillent à la hausse.

Mécaniser pour rester compétitif

Ces derniers mois, les engrais, semences, matériel et coût de la location de terre ont vu leur prix augmenter en Algérie. Le ramassage mécanique des pommes de terre est un moyen pour réduire les charges des agriculteurs. Dans le cas de la culture de la tomate de conserve, la mécanisation de la récolte a permis de diviser par dix les coûts de récolte.

Cependant, le devenir de la main-d’œuvre saisonnière reste posé. Une diversification vers les industries de l’agro-alimentaire reste possible : production de flocons de pomme de terre ou de pomme de terre sous vide.

Cependant, pour de nombreux économistes, la réduction du chômage en milieu rural est l’affaire de l’ensemble des secteurs économiques. L’agriculture ne peut être le seul secteur pourvoyeur d’emplois.

Ainsi, dans le cas des zones steppiques, dès 2008, les universitaires Dalila Nedjaroui et Slimane Bédrani relevaient « la faible efficacité des politiques de création d’emplois dans les zones urbaines steppiques. » Une situation qui fait que l’élevage reste la seule activité créatrice d’emplois, avec la conséquence d’une surexploitation des parcours.

Vers l’importation de matériel rénové

En attendant la conception d’une arracheuse-ramasseuse locale de pomme de terre, la solution passe par l’importation de matériel rénové comme l’autorise désormais la législation algérienne.

A Teleghma, dès 5 heures du matin, les jeunes ouvriers sont à nouveau sur les parcelles de Farid. Payés une dizaine de DA l’unité, la course reprend pour remplir le maximum de cageots.

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