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Relation France – Algérie : entre incompréhension et schizophrénie

Relation France – Algérie : entre incompréhension et schizophrénie

Une vive polémique oppose l’Algérie et la France à propos d’un couplet de l’hymne national algérien Kassaman citant nommément la France.

Parmi les nombreuses réactions suscitées, celle de l’éditorialiste de l’OBS qui se demande si le président algérien n’est pas « Francophobe ».

En mai dernier, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a signé un décret qui lève les ambiguïtés d’un texte datant de 1986. Le nouveau décret précise les circonstances de l’exécution des partitions intégrale et réduite de l’hymne composé par le militant nationaliste Moufdi Zakaria en 1955, en pleine guerre d’Algérie.

Le nouveau décret stipule que la version intégrale, dans ses cinq couplets (y compris donc celui qui cite la France), doit être exécutée également lors des commémorations officielles en présence du président de la République. Jusque-là, seuls les congrès du FLN (parti unique en 1986) et les cérémonies d’investiture du président de la République étaient inaugurés avec la version intégrale de l’hymne Kassaman.

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a estimé que la décision de l’Algérie était « à contre temps » et son homologue algérien Ahmed Attaf lui a répondu en exprimant son étonnement de la voir se permettre de commenter une décision de l’Algérie qui se rapporte à son propre hymne national.

Au niveau officiel, la polémique s’est estompée lorsque le gouvernement français a fait le choix de calmer le jeu par la voix de sa secrétaire d’État au développement, à la francophonie et aux partenariats internationaux.

Devant l’Assemblée nationale, Chrysoula Zacharopoulou a expliqué le 22 juin que le couplet en question a toujours fait partie de l’hymne algérien et « n’a donc pas été ajouté ».

La secrétaire d’État a aussi réitéré que les deux pays œuvraient à « approfondir leurs relations pour leur intérêt commun dans l’esprit de la Déclaration d’Alger ».

Une insistance qui cache mal l’obsession

Néanmoins, pour certaines parties qui tenaient là un autre motif pour réclamer du président Emmanuel Macron de se détourner de l’Algérie, l’affaire ne pouvait pas se terminer comme ça.

Le journal l’OBS, pourtant historiquement classé au centre-gauche, revient à la charge avec un éditorial au titre interrogatif mais tellement éloquent : « Le président Tebboune est-il francophobe ? »

L’éditorialiste, Sara Daniel, fille du fondateur du journal, le célèbre Jean Daniel, un Français d’Algérie, qualifie la décision de l’Algérie de « dernier signe de mauvaise humeur » du régime algérien.

Libre à elle d’en faire l’appréciation qui lui semble la plus juste, d’accuser le gouvernement de son pays de persévérer à « œuvrer pour une réconciliation des mémoires en échange de rien » et même de lui mettre la pression pour renoncer à « sacrifier les relations avec le Maroc ».

Une partie de cette polémique est basée sur une fausse information : celle du rétablissement du couplet citant la France et que l’hymne national soit joué dans son intégralité lors de la visite des chefs d’État étrangers.

Comprendre que lors de la prochaine visite en Algérie d’un président français, c’est la version intégrale de Kassaman chants et musique qui sera exécutée.

Cette mauvaise interprétation du décret présidentiel de mai dernier a été propagée par des médias français dont le Point, un magazine proche de l’extrême-droite et reprise par l’OBS qui affirme que, « désormais ces paroles vindicatives seront chantées lors (…) des visites des chefs d’État ».

Ce qui est évidemment faux. Le décret du 21 mai dernier est limpide là-dessus : lors des visites des chefs d’État étrangers, c’est la partition réduite de Kassaman, un seul couplet et sans les paroles, qui sera jouée, ce qui est d’ailleurs d’usage depuis toujours.

Cette insistance à faire de cette affaire de couplet un profond sujet de discorde, cache mal une autre obsession, celle de saper tout ce qui est susceptible de rapprocher les deux pays. Quitte à user de contre-vérités.

Comme dans la campagne, toujours en cours, contre l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, présenté comme « avantageux » aux Algériens alors que les chiffres disent le contraire. Les immigrés algériens ne sont pas ceux qui obtiennent les plus gros quotas de titres de séjour en France.

À voir toutes les pressions mises sur le président Macron dès qu’il esquisse un geste de rapprochement avec l’Algérie, il devient aisé de situer où se trouve la « phobie » et de percevoir cette forme de schizophrénie apparente chez une partie de la classe politique française : on ne veut pas de l’Algérie et des Algériens mais les cris d’orfraie se multiplient dès que le gouvernement algérien adopte une attitude qu’ils estiment comme étant hostile à la France.

Le président Macron a fait le choix de rétablir une relation spéciale avec l’Algérie et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune a montré à plusieurs reprises qu’il était aussi favorable à une relation forte avec la France où réside une importante communauté algérienne.

Mais les vents hostiles à ce rapprochement entre deux pays qui ont pourtant tout à gagner à entretenir une relation forte se lèvent à chaque fois pour pointer la faiblesse des réponses de la part d’Alger aux gestes de Macron.

À Alger et même à Paris, les partisans d’une relation franco-algérienne forte font le constat amer de celui de l’absence d’actions concrètes des deux côtés pour concrétiser ce partenariat renouvelé voulu par les deux présidents.

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