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Savon à base d’huile d’olive, confiture bio… Les produits du terroir à l’honneur au Salon de l’Artisanat

Savon à base d’huile d’olive, confiture bio… Les produits du terroir à l’honneur au Salon de l’Artisanat

Les bijoux en argent de Kabylie, les robes traditionnelles de Constantine et de Tlemcen ou encore le tapis de Ghardaïa ou le burnous et la Kechabia de Djelfa. Non, l’artisanat et le terroir algériens, ce ne sont pas que ces produits emblématiques. Une virée au salon de l’artisanat d’Alger, qui s’achève ce lundi, permet de se rappeler que le pays regorge de trésors originaux, hélas très peu mis en valeur.

Des métiers ancestraux que des passionnés tentent de sauvegarder et même de mettre au diapason de la modernité pour leur éviter le sort de certaines activités, sans doute nombreuses, qui sont éteintes à jamais. Ils sont venus de partout, des fin fonds du désert, de Tamanrasset et de Djanet, de Kabylie, de Boussaâda, d’El Tarf, faire découvrir, qui le savoir-faire de ses ancêtres, qui une technique qu’il a lui-même mise au point. Que de « success stories » racontées avec fierté par des hommes et surtout des femmes, dénués de moyens, mais armés de passion et de détermination. 

Confiture bio et merveilles de la datte

Au stand réservé à la wilaya d’Alger, Kheira, la cinquantaine, se tient derrière des rangées bien alignées de petits pots en verre et invite avec un large sourire les visiteurs à goûter à ses confitures bio, qu’elle fabrique elle-même dans son petit atelier à Chéraga. Des confitures de fruits, mais aussi de légumes, comme la citrouille, le fenouil, la carotte.

Confiture à base de dattes. (© TSA)


(© TSA)


Parfois, c’est un mélange de fruits et légumes. C’est chez elle qu’elle a aménagé un espace pour lancer l’activité qu’elle n’a pas hérité de ses parents, précise-t-elle. Mais c’est tout de même un produit du terroir qui est ressuscité, puisque les compotes traditionnelles existaient bien avant l’avènement de la confiture industrielle que l’on connaît. « J’avais une passion pour tout ce qui est confitures et compotes traditionnelles. J’ai donc pensé à lancer une recette originale, en introduisant des légumes. C’était un peu difficile au début, mais maintenant ça marche bien et je compte étendre l’activité », nous dit-elle.

Vinaigre de datte. (© TSA)


La bonne femme voit aujourd’hui son produit demandé par les plus grands hôtels et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle rêve d’exporter un jour ses petits pots de confiture, d’autant plus que son produit est entièrement bio et les prix plutôt abordables. Un pot de 500 grammes coûte dans les 300 DA.

Son voisin pour la circonstance, Youcef, nous fait découvrir les merveilles que les gens de Biskra extraient depuis toujours de la datte. L’inévitable rouina, cette farine de blé et de datte bien connue, mais aussi du vinaigre, du miel et même du café de datte, sans caféine bien entendu.

(© TSA)


« Ce sont des produits connus depuis toujours dans notre région. Jadis, ils constituaient le viatique des pèlerins, au temps où le voyage vers la Mecque durait des mois et se faisait à dos de dromadaire ou de mulet. Aujourd’hui, beaucoup de familles exercent cette activité et certaines se sont même mises à l’export », nous apprend-il. Un jeune touriste allemand, qui a découvert le produit et ses vertus sur Internet, demande du miel de datte. Il en goûte une cuillère et n’en revient pas.

« Excellent. Une douceur exquise. C’est ce que je cherchais », dit-il dans un français approximatif. Il prend un pot à 400 DA et avant de s’éloigner à la recherche d’autres découvertes, il demande à connaître le procédé de fabrication et à Youcef de lui expliquer qu’il n’y a rien de plus simple : « On laisse les dattes s’entasser et dégager leur suc qu’on récupère ensuite dans des récipients. »

D’autres exposants étalent les mêmes produits, mais ça sent la touche industrielle avec ces emballages bariolés et même des dépliants publicitaires.

Nassira, la Constantinoise, n’a pas de caftans brodés à proposer, comme on pourrait le penser. Elle invite plutôt les visiteurs à découvrir ses recettes de fric et de couscous roulé, à base d’orge. « J’essaie de sauvegarder les vielles recettes. Le fric constantinois est connu depuis toujours, ce serait dommage de perdre un tel savoir-faire », nous dit-elle.

(© TSA)


Comme elle, de nombreuses femmes venues essentiellement de l’Est du pays, des Aurès notamment, présentent leur couscous à base de différents ingrédients et roulé suivant des procédés dont elles seules ont le secret.

Un savon à base d’huile d’olive bien de chez nous

Hocine de Béjaïa, tente de sauvegarder un autre art ancestral. Chimiste de formation, il a laissé tomber son poste à l’ex-Sogedia pour se lancer dans la fabrication d’un savon naturel à base d’huile d’olive, sans aucun additif chimique. Le métier est très ancien en Kabylie, mais il est en voie de disparition, nous explique-t-il.

Son pari de le ressusciter est réussi et de son atelier sis à El Kseur sortent de petits morceaux de savon qui, certes, ne paient pas de mine, sans aucune esthétique ni senteur particulière, mais dont les bienfaits pour la santé sont inestimables, assure Hocine. « Le procédé d’extraction à froid permet de sauvegarder tous les principes de l’huile d’olive », explique-t-il. L’affaire semble bien marcher puisque le produit est demandé aux quatre coins du pays et on peut le trouver aujourd’hui dans tous les magasins bio des grandes villes.

Depuis quelques années, de nombreux fabricants se sont mis au savon naturel et on les repère facilement au salon de l’artisanat. Mais là aussi, ça semble relever plus de l’industriel que de l’artisanal avec des rayons proposant des gammes infinies de savons aux belles formes symétriques et senteurs diverses. Ce sont des procédés importés du Moyen-Orient, notamment de Syrie et de Turquie, nous explique-t-on.

Le savon à base de l’huile d’olive. (© TSA)


La dernière armurerie des Ath Abbes

Se promener dans les dédales du salon de l’artisanat, c’est comme voyager d’une région à une autre du pays, d’une époque à une autre. C’est tout à fait par hasard qu’on tombe sur Mourad, un jeune d’Ighil Ali, dans la wilaya de Béjaïa. Ce qu’il expose est tout à fait orignal. Des coffres forts en bois, mais surtout une porte blindée faite de la même matière. De l’acajou importé, précise-t-il. C’est en fait un portail large de près de quatre mètres. C’est par ce genre de portails qu’on entrait jadis dans la célèbre citadelle des Ath Abbes, au Nord de Bordj Bou Arreridj.

(© TSA)


Aujourd’hui encore, des maisons d’Ighil Ali sont munies de telles portes, certes de moindres dimensions, nous apprend le jeune artisan. Mourad est pris de passion pour ce métier en voyant travailler son oncle dans son armurerie. « La dernière armurerie des Ath Abbes et sans doute de toute la Kabylie », ajoute-t-il avec beaucoup de fierté et autant de regret. Cet artisan qui fabrique encore et répare les crosses pour fusils de chasse n’est pas présent au salon, mais ce que présente son neveu n’est pas moins intéressant. Regarder ce portail imposant, orné de cuivre et même de pièces d’argent, c’est se remémorer la splendeur de la Kalaâ des Beni Abbes, capitale du royaume éponyme entre les 16e et 19e siècles, revoir les soldats français défoncer la fortification en réprimant la révolte d’El Mokrani en 1871. C’est aussi se rappeler la maison des Amrouche, le poète Jean et la cantatrice Taos, originaire d’Ighil Ali.

Mourad sait qu’il lui sera difficile de vendre son produit. Son coût est exorbitant. Il faut plusieurs mois de travail et entre 200 et 400 millions de centimes pour acquérir les quantités d’acajou, de cuivre et d’argent nécessaires à sa fabrication.

(© TSA)


Le Boussaâdi, plus qu’un poignard

On passe de Béjaïa à M’sila, non pas pour découvrir une autre Kalaâ, celle des Beni Hammad, mais pour aller à Boussaâda, la porte du Sahara. La belle oasis est connue depuis toujours par le célèbre poignard auquel elle a fini par donner son nom : le Boussaâdi.  C’est Khalil, la trentaine, qui a l’honneur de représenter au salon les fabricants de ce type de couteau connu à travers tout le pays et même au-delà.

« Sept familles de Boussaâda, dont la mienne, fabriquent ce poignard et des sabres arabes depuis des générations », nous dit-il d’emblée. Bien sûr, les temps ont changé et ces armes sont plus des objets de fantaisie qu’autre chose, mais il reste que le Boussaâdi est très demandé à l’approche de l’Aïd el-Kebir. Sa particularité ? Sa lame solide aiguisée par pression, jamais à la meule. C’est donc un acier entièrement forgé.

Aujourd’hui, les artisans le récupèrent des véhicules réformés et prennent le soin de le travailler au charbon. Les poignées sont faites d’un bois tout aussi solide, le chêne vert. Khalil expose des merveilles. C’est toute l’histoire de Boussaâda qui est racontée à travers ces poignards de toutes les dimensions, valant entre 2 200 et 25 000 dinars.

Les peluches de Rose-Marie, l’Allemande bien algérianisée

Venu de Tindouf, Salem nous fait découvrir le style musical de la région, le gnawi, à travers quelques instruments qu’il fabrique de ses propres mains, comme au bon vieux temps. On y retrouve le goumbri, une sorte de guitare à trois fils fabriqués avec des intestins de chèvre, le djembe et le ganga pour les percussions. Ce sont des instruments utilisés par les grands maîtres de ce genre musical, dont le Marocain Maâlem Benïassa et l’Algérien Hamid Leksari.

Au fil des stands défile le génie ancestral de l’Algérie profonde. « Madjid la pierre » fait des merveilles à partir de roches de cristal qu’il transforme en porte-clés et autres objets de décoration et M. Laradi de Bajaïa sculpte le bois de bruyère pour en faire différents ustensiles. Le jeune Ahmed d’Alger s’est, lui, spécialisé dans la lustrerie traditionnelle. La vannerie de Koléa, la dinanderie de Constantine ou encore la maroquinerie de Jijel et la sellerie de Tiaret sont aussi présentes. Sans oublier les Kechabia et les burnous qui sortent encore des métiers à tisser de Djelfa.

Des porte-clés et autres objets de décoration faits à partir de roches de crystal (© TSA)


Le stand de Rose-Marie, une Allemande de souche installée en Algérie depuis une quarantaine d’années, attire particulièrement l’attention. Elle a fondé une association dénommée Patchwork et apprend à des jeunes filles l’art de fabriquer des peluches, des bavettes et autres objets pour enfants à partir de tissus récupérés.

Une peluche fabriquée à partir de tissu récupéré. (© TSA)


Rose-Marie (© TSA)


 

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