Société

Sofiane Benhabib, force tranquille de la biologie médicale

Né à Oran, le biologiste médical tombé amoureux de Marseille a très tôt été confronté à un secteur en proie à une restructuration massive, faite de fusions nourrissant des mastodontes. Une tendance qu’il a d’abord redoutée avant de l’accepter pour tenter d’en tirer le meilleur. Si bien qu’il vient d’être nommé PDG de Synlab Provence, fusion des laboratoires Mazarin et Seldaix Bioplus.

Son phrasé est précis, clair, quasi-chirurgical. Il pèse ses mots, prend son temps. On devine le tempérament. “Agir en homme de pensée, penser en homme d’action. C’est un adage que je me répète souvent”, confie-t-il. Un adage semble-t-il de bon augure pour Sofiane Benhabib, tout juste nommé PDG de Synlab Provence. Né de la fusion des laboratoires Seldaix-Bioplus et Mazarin, le groupe est un géant de la biologie médicale. Avec pas moins de 70 sites en région et une capacité d’accueil de plus de 5000 patients quotidiens, il s’agit de la plus importante filiale du groupe européen Synlab. Un nouveau défi dans le parcours de ce biologiste de 38 ans, scellant une union entre deux domaines qui ont toujours jugulé sa vie : la médecine et l’entrepreneuriat.

Sofiane Benhabib grandit à Oran, en Algérie où il “coule des jours heureux” auprès de sa mère médecin et de son père diplômé de sciences économiques. Il y passe onze ans avant que sa mère ne se voit proposer une opportunité en France. Direction Paris ; le dépaysement est total, “désarçonnant”. Au lycée, l’adolescent prend goût à la biologie et à la chimie. C’est donc assez naturellement qu’il s’oriente vers des études en pharmacie. Puis, désireux d’approfondir ses compétences médicales, il passe le concours de l’internat qui lui ouvre les portes du sud de la France. Instinctivement, frappé de ce qu’il qualifie de “magnétisme”, il choisit Marseille, bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds auparavant.

La biologie médicale : un secteur en pleine métamorphose

C’est ici qu’il achève ses études, avant d’entrer dans la vie professionnelle. A ce moment-là, le secteur de la biologie médicale est en profonde restructuration. Une page se tourne, celle des petits laboratoires, entreprises unipersonnelles. Evolutions technologiques et contraintes règlementaires obligent, l’heure est à la concentration au sein de groupes toujours plus vastes. “C’est un tournant dans la profession“, se rappelle Sofiane Benhabib. Un tournant qu’il observe d’abord avec méfiance. “Des dispositions légales ouvraient le capital des laboratoires à des non-professionnels. On avait peur de perdre la main sur notre outil de travail”. Il choisit dans un premier temps d’exercer au sein d’un groupe confraternel, comme pour fuir la menace. Las. Le groupe n’échappera pas à la vague.

Il intègre ensuite un laboratoire marseillais qui lui aussi finit par être cédé, à Labco. “Labco est l’un des premiers acteurs à avoir fait entrer des financiers au capital. Il a été décrié comme étant le loup dans la bergerie“, rappelle le biologiste qui se retrouve “dans une forme de contradiction avec ce que je me disais deux ou trois ans plus tôt“. Il considère alors que lutter contre le phénomène est un “combat d’arrière-garde. C’était inéluctable. Ma pensée était donc plutôt la suivante : comment je peux influer sur le chemin que le train va emprunter ?” Il prend le temps d’observer et constate, rassuré, que Labco reste détenu majoritairement par des biologistes, ceux-ci gardant le contrôle sur le versant opérationnel et décisionnel.

De fusion en fusion, Labco est emporté à son tour, laissant place en 2012 aux laboratoires Mazarin. Sofiane Benhabib en devient le directeur, apprenant ses gammes de gestionnaire, du management à la gestion financière, en passant par la gestion de projets. Mais cela ne l’empêche pas d’insuffler sa vision sur le terrain purement médical. “Chez Mazarin, j’essaie d’injecter à la biologie de ville l’exigence et les moyens de la biologie hospitalière”.  Il est également aux premières loges lorsque l’acquisition de Seldaix arrive sur la table et lorsqu’elle se conclut en janvier 2018. Le voilà alors en charge de la convergence entre les deux groupes et ça tombe bien : le biologiste aime à “trouver le plus petit dénominateur commun et fédérer autour. Ma première attitude a été d’observer pour bien comprendre la complexité du système et le mode de fonctionnement de Seldaix”. Au programme, des réunions hebdomadaires qui réunissent les acteurs des deux parties. Il remporte l’adhésion, grâce à une méthodologie qu’il qualifie de “douce et humble“. Résultat : “j’en suis ressorti avec un leadership qui m’a permis d’évoluer vers la fonction de PDG”.

Faire des laboratoires un levier de l’accès aux soins pour tous

Un PDG qui tient à offrir à chacun des soins de qualité, où qu’il se trouve. “Aujourd’hui, Synlab Provence, du fait de sa philosophie exigeante du service médical rendu, de ses plateaux techniques à réponse rapide dans des points éloignés, peut contribuer à améliorer la couverture territoriale”. De tels plateaux techniques sont ainsi implantés à Sorgue, Manosque ou encore Gémenos. Une organisation “multi nodale” qui, assure Sofiane Benhabib, peut changer les choses, surtout en cas de pathologies aiguës :” c’est un gain de chances de survie pour le patient“.

Comment ? “Les concentrations de laboratoires, les évolutions technologiques, l’automatisation et l’augmentation des cadences permettent aujourd’hui de traiter beaucoup plus d’échantillons, dans une forme de routine“. Une routine qui libèrerait des énergies pour offrir aux personnes qui en ont le plus besoin des soins de proximité, dans le cadre de “circuits courts“, au cœur desquels le biologiste peut offrir un diagnostic rapide et assurer le lien avec le clinicien. Mais la concentration engendre parfois une lourdeur, un manque de souplesse dont pourrait pâtir cet objectif. Pour cette raison, le PDG souhaite décentraliser l’activité de ses laboratoires, avec un découpage en huit districts, chacun ayant son autonomie et ses prérogatives, “pour garder les avantages du proéminent et la souplesse du petit”.

L’ancrage au territoire, une valeur forte pour celui qui a très tôt été déraciné. “Je veux jouer le jeu du territoire, lui permettre de bénéficier de retombées en terme de marché que peut représenter une entreprise comme la nôtre, en terme d’emploi et d’attractivité”. D’où le choix, dans la mesure du possible, de fournisseurs locaux. Une volonté de rendre à Marseille et sa région ce qu’elles lui ont apporté : “Je suis arrivé ici il y a quatorze ans. Aujourd’hui, quand je dis Marseille, j’ai les yeux qui brillent. Il faut dire que le site géographique est magnifique. Ça, c’est la patte de la nature. Quant à la patte de l’homme, elle va dans le sens de l’amélioration, de la progression de la ville“. Et si, nuance-t-il, il reste beaucoup à faire, il le promet : “dans ce “beaucoup à faire”, je suis prêt à mouiller le maillot”.


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