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Soins à l’étranger et importation de médecins : les critiques du Pr Bouzid

Soins à l’étranger et importation de médecins : les critiques du Pr Bouzid

L’Algérie compte importer des médecins pour réduire les coûts liés aux transferts de malades à l’étranger pour des soins. L’annonce a été faite mardi 2 mars par le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid qui veut donner la « priorité » aux spécialistes algériens exerçants à l’étranger, alors que l’Algérie est un pays exportateur de médecins.

Les transferts des malades à l’étranger, qui profitent souvent aux privilégiés du système, coûtent au Trésor public algérien des sommes colossales. Une démarche souvent critiquée par des professionnels de la santé. Parmi les plus farouches opposants aux transferts pour des soins à l’étranger figure le Pr Kamel Bouzid, chef du service oncologie au CPMC d’Alger.

L’éminent oncologue milite depuis des décennies pour l’arrêt de ces transferts de malades, qui profite à la nomenklatura comme il les désigne. « J’ai toujours plaidé pour l’arrêt des transferts pour soins à l’étranger et non pas pour une réduction. C’est un arrêt qu’on demande », réclame le Pr Bouzid dans une déclaration ce mercredi 3 mars à TSA, en réaction à l’annonce du ministre de la Santé d’importer des médecins.

| Lire aussi : Les Algériens face à des inégalités criantes dans l’accès aux soins

« Nous sommes le seul pays du monde qui exporte des malades… mais aussi des médecins », tance l’éminent spécialiste. « Ça suffit, ça suffit ! », s’emporte le Pr Bouzid qui convient que « s’il y a des (actes médicaux ponctuels) qu’on ne peut pas faire ici, à ce moment-là on peut discuter des équipes étrangères ». Avant d’ajouter cette pique : « Maintenant, qui sont ces étrangers qui travaillent mieux que nous, ça j’aimerais bien le savoir ! ».

L’oncologue s’en prend aux hauts cadres de l’Etat qui bénéficient exclusivement de prises en charge à l’étranger sur le compte du Trésor public au moment où d’autres malades sont privés de traitement.

« Quand la nomenklatura cessera de se soigner à l’étranger, peut-être que le système algérien de santé peut s’améliorer », assène le spécialiste lui qui sait mieux que quiconque ce qu’endurent les malades cancéreux en Algérie.

« Depuis 1994 avec feu Guidoum (Yahia, ancien ministre de la santé, ndlr)  nous avons demandé l’arrêt des transferts pour soins à l’étranger et dissoudre la commission de prise en charge qui ne sert à rien si ce n’est les intérêts de la îssaba (bande) », rappelle le Pr Bouzid.

« Évidemment que les compétences algériennes, qu’elles soient médecins ou infirmiers, quittent le pays »

Le recours à l’expertise médicale étrangère pour des opérations spot (ponctuelles) est également descendu en flammes par le spécialiste notamment en raison du coût financier exorbitant. « Ces équipes viennent avec leurs cuisiniers, interprètes, infirmiers, et bien entendu médecins et sont payées 4 000 euros par mois. Ils sont logés et nourris, conduits à l’aéroport sous escorte militaire », dénonce l’oncologue qui déplore que ce traitement n’est pas réservé aux médecins algériens.

« Donnez tout ça à n’importe quel médecin algérien, il ira à Bordj Badji Mokhtar (à l’extrême sud du pays, ndlr) », observe-t-il tout en signalant que ce manque de considération est à l’origine des départs massifs des médecins algériens à l’étranger.

« Évidemment que les compétences algériennes, qu’elles soient médecins ou infirmiers, quittent le pays. Pourquoi voulez-vous qu’ils restent dans un pays qui les méprise, dans un pays où des walis et des DSP se permettent ces comportements », s’insurge Kamel Bouzid.

« Au-delà de l’aspect pécuniaire qui a son importance (…) il y a ce mépris qu’on a pour les compétences algériennes. Un mépris de plus en plus affiché et qui commence par cette manie d’aller en Allemagne, en France ou en Turquie pour se soigner », dénonce l’oncologue.

Plus de 15.000 Algériens exercent en France, selon l’Ordre national des médecins.

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