Économie

Son prix a atteint 800 DA : pourquoi la banane flambe

Vendue jusqu’à 800 DA le kilo contre 500 dinars avant le début du Ramadan, la banane est devenue de nouveau hors de portée des ménages algériens. Pourtant, assure un importateur contacté par TSA, son prix ne devrait « en aucun cas » dépasser les 230 DA.

Selon les explications de ce professionnel, dans la filière depuis plusieurs années, les prix de la banane dans les pays producteurs ont sensiblement baissé depuis le début de la guerre en Ukraine en raison de l’arrêt des exportations vers la Russie.

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Elle est vendue en ce moment à environ 60 cents de dollar le kilogramme, soit 86 dinars. Si l’on ajoute la taxe douanière, fixée selon la même source à 110 %, le coût de revient s’élève à 178 dinars auquel il faut ajouter quelques dinars de frais de manutention et de transport. Le juste prix de vente au consommateur serait alors de 230 dinars algériens, en comptant la marge du détaillant. Pourquoi alors la banane est vendue quatre fois plus cher ?

« C’est la règle de l’offre et de la demande », répond notre interlocuteur. Les quantités qui entrent en Algérie sont très en-deçà des besoins du marché.

« Il y a deux niveaux de consommation de banane en Algérie. Entre septembre et mai, les besoins du marché sont de 1000 tonnes par jour, contre la moitié de cette quantité pendant les mois d’été. Cette différence s’explique par l’entrée sur le marché des fruits de la période estivale, notamment la pastèque et le melon », explique-t-il. On est donc encore dans la période de forte demande et il se trouve que les quantités importées se situent à environ 200 tonnes/jour pour des besoins de 1000 tonnes.

En principe, l’importation de banane est libre et n’est soumise à aucune restriction. « Ce n’est pas au ministère du Commerce que ça bloque. C’est le ministère de l’Agriculture qui délivre les autorisations techniques, certes pour tout le monde, mais pour de petites quantités seulement », explique l’importateur.

« Nous pensons que c’est dû au monopole »

Interrogé par TSA, le président de l’Association des commerçants et artisans algériens (ANCA), Hadj-Tahar Boulenouar, estime que « c’est au ministère de l’Agriculture et aux importateurs de nous dire pourquoi les prix sont si élevés ».

« On voudrait aussi connaître le nombre d’importateurs. N’oubliez pas que c’est un produit d’importation. Nous pensons que c’est dû au monopole. On ne sait pas sur quelle base sont octroyées les autorisations d’importation de la banane, ni à quel prix ces importateurs sont en train de vendre », indique M. Boulenouar.

« Il y a 3 ou 4 ans, le kilo de banane avait atteint 700-800 DA. Par la suite, lorsqu’on a ouvert la porte aux importateurs, les prix ont baissé », fait-il remarquer.

Selon lui, le fait que les prix de gros sont élevés confirme que le problème ne se situe pas au niveau des détaillants. Si on a réussi à avoir un début de réponse chez les importateurs, toutes nos tentatives de joindre le ministère de l’Agriculture sont restées vaines.

Le citoyen se trouve doublement pénalisé car la banane joue aussi un rôle de régulateur pour toute la filière fruits. La banane est chère, on se rabat sur les autres fruits qui, logiquement, flambent à leur tour.

« S’il y a un fruit que l’État doit veiller à garder accessible, c’est la banane », estime un autre professionnel de la filière.

C’est le même appel à la régulation que lance Hazab Benchohra, secrétaire général de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA).

S’exprimant dans le quotidien Echaab, Benchohra a indiqué s’attendre à une baisse des prix des fruits et légumes dans les prochains jours, sauf ceux de la pomme de terre, qui ne baissera qu’après la récolte dans les wilayas de Mostaganem et de Ain Defla, et de la banane.

L’idée du boycott fait son chemin

Devant cette situation, le consommateur a le choix entre payer le prix fort ou renoncer à la banane.

Les consommateurs dénoncent les prix exorbitants affichés pour ce fruit et appellent à « laisser pourrir », d’autant plus que la banane ne se conserve pas longtemps.

« C’est honteux. En plein ramadan, la banane à 700 voire à 800 DA le kilo », s’indigne un père de famille au micro de DZ News, rencontré dans un marché à Oran. Il se dit en faveur du boycott de la banane.

« Personnellement, je n’achète pas à ce prix, lance un client. J’en achetais lorsque le kilo faisait dans les 200 DA, maintenant mes enfants n’en mangent pas. Je n’ai aucun problème », lance-t-il.

Une dame proclame aussi que la banane à 800 dinars algériens doit être boycottée. « Qu’on la laisse pourrir. Algériens, n’achetez pas la banane, rendez-la à ses propriétaires », lance-t-elle.

 Un vendeur de fruits incrimine les « grands commerçants » qui monopolisent la filière de la banane. Il affirme qu’il achète la banane au prix de gros à 770 DA/kilo et la revend à 800 DA sur le marché. « On n’y est pour rien, voyez plutôt les commerçants de gros », estime ce vendeur. La petite marge des détaillants est confirmée même par les importateurs contactés par TSA.

D’un autre côté, certains incriminent le comportement des consommateurs algériens qui, tout en fustigeant ces hausses conséquentes des prix, se ruent sur les produits même s’ils sont chers.

Un vendeur de fruits, interrogé par la chaîne DZ News, ne cache pas son étonnement de voir qu’au moment où la banane s’affiche à un des prix aussi hauts, la demande augmente, ou du moins elle n’a pas diminué.

« Plus un produit se renchérit, plus il est demandé. C’est devenu un prestige chez certains. Des gens se vantent d’acheter la banane à ce prix-là », constate-t-il. « Lorsque le kilo de banane était vendu entre 250 et 300 DA, les gens faisaient preuve d’une certaine forme d’arrogance. Aujourd’hui que je vends le kilo à 750 DA, croyez-moi je vends plus de cartons qu’avant », avoue le commerçant.

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