Société

Stade de France : les Maghrébins en parfait bouc-émissaire

Les émigrés et les Français d’origine maghrébine ont bon dos. Du moins pour une partie de la société et de la classe politique, ils sont à l’origine de tous les problèmes qui surviennent dans le pays, même lorsque l’évidence les met hors de cause.

C’est, une nouvelle fois, ce qui s’est passé au lendemain des incidents enregistrés au stade de France à l’occasion de la finale de la Ligue des champions, samedi 28 mai. Ce soir-là, la France a complètement raté l’organisation de l’événement.

Officiellement, des milliers de spectateurs, notamment anglais, se sont présentés devant les portes d’entrée du stade avec de faux billets, ce qui a engendré des bousculades, des tentatives de forcer le passage et des affrontements avec les forces de l’ordre.

Le débat devait rester à ce niveau et chercher comment une telle situation a été rendue possible pour éviter des cas similaires à l’avenir, d’autant plus que Paris s’apprête à accueillir les Jeux olympiques en 2024. Sauf que le scandale est survenu en pleine campagne électorale pour les législatives et a eu lieu à Saint-Denis, une ville devenue le souffre-douleur de l’extrême-droite française qui, bien entendu, ne pouvait pas manquer une telle aubaine.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a mis en cause les porteurs de faux billets, mais Eric Zemmour n’est pas d’accord et l’accuse de « mettre la poussière sous le tapis ». Pour le candidat à la dernière élection présidentielle, les incidents sont l’œuvre de « banlieusards, pillards, voleurs ».

 « Le problème n’est ni les supporters anglais, ni les policiers, le problème c’est que la Seine-Saint-Denis est devenue largement une enclave étrangère » où « on ne parle plus guère français, où les gens ne sont plus habillés à la française, où les mœurs ne sont plus guère françaises », a-t-il accusé. L’autre grande figure de l’extrême-droite, Marine Le Pen, est du même avis : « Il y a eu quasiment des émeutes qui se sont déclenchées. Ce sont des bandes de voyous que l’on connaît bien de ce département, qui est un département aujourd’hui hors contrôle. »

Comme d’habitude, l’une des rares voix discordantes est celle de Jean-Luc Mélenchon, président de la France Insoumise qui a plutôt mis en cause la gestion défaillante de la police.

« C’est la faute à Benzema »

Le président du département de la Seine-Saint-Denis a lui aussi refusé que les habitants de son département soient « les boucs émissaires de cette désorganisation », a-t-il déclaré.

Si la préfecture de police de Paris a évoqué la présence de 300 à 400 jeunes venus des quartiers sensibles, Stéphane Troussel n’y voit qu’une excuse de plus :

« On voit bien que ce n’est pas ces quelques centaines d’individus qui font le poids par rapport à ces potentielles dizaines de milliers de spectateurs qui n’avaient pas de billets et qui étaient pourtant rassemblés là », dit-il en référence à des chiffres de la police, selon lesquels 300 à 400 jeunes sont venus des quartiers sensibles.

Le débat a pris une dimension surréaliste lorsqu’un journaliste très connu a mis Karim Benzema au centre de la polémique.

« Personne n’a dit dans une réunion précédant le match : Attention, il y a Karim Benzema sur le terrain. Personne n’a pensé à ça. C’est aussi simple que ça. S’il n’y a pas Karim Benzema, ces gosses-là, ils ne sont pas là », a déclaré Pascal Praud sur CNews.

Devant l’avalanche de réactions qu’ont suscité ses propos, l’ancien journaliste de TF1 a tenté de s’expliquer : « Je n’ai jamais pensé que Karim Benzema soit responsable des débordements du Stade de France, contrairement à ce que des esprits malveillants influencés par un montage TV tronqué ont voulu faire croire (…) La semaine dernière, il y a eu une finale de Coupe de France, ils n’étaient pas là. Karim Benzema, c’est peut-être le meilleur avant-centre français de tous les temps. C’est le futur Ballon d’or, c’est une icône. Voilà exactement ce que j’ai dit»

Mais ceux qui soupçonnent une arrière-pensée raciste derrière ces propos ne le font pas par pure « malveillance ». Beaucoup rappellent que l’orientation politique du journaliste est connue de tous en France. Quant à la chaîne sur laquelle il s’est exprimé, c’est celle-là même qui a permis à Eric Zemmour de diffuser son discours pendant de longues années.

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