Politique

Stratégie de la tension avec l’Algérie : jusqu’où ira le Maroc ?

Le journal Maroc Hebdo a franchi un nouveau pas dans les provocations du royaume, devenues chroniques, envers l’Algérie. En Une de sa dernière édition, il a mis une carte du Maroc englobant une partie du territoire algérien.

Il est certain que le journal ne pouvait pas, de sa seule initiative, prendre le risque de pousser vers l’irréparable. D’autant plus qu’il n’est pas le seul à réveiller subitement le fantasme du « grand Maroc ». La directrice de la documentation royale Bahija Simou l’a fait il y a quelques jours.

Cette dernière a été précédée dans la provocation l’été dernier par le prédicateur marocain Ahmed Raissouni, alors président de l’Union mondiale des oulémas musulmans. La coïncidence donne à cette énième provocation le cachet d’une action concertée, mais dans quel but ?

L’agence de presse officielle algérienne APS y voit un prolongement des tentatives de faire diversion et détourner l’attention de la crise économique et autres problèmes internes que vit le Maroc.

Néanmoins, pour un tel objectif, le risque pris est inconsidéré. Le journal marocain en rajoute même une couche et écrit noir sur blanc que le véritable conflit entre le Maroc et l’Algérie est là, dans le tracé de leurs frontières communes, et non dans la question du Sahara occidental.

Ce qui équivaut à dire que les revendications marocaines iront au-delà des territoires occupés du Sahara occidental pour réclamer une vaste partie du territoire algérien.

Pour moins que ça, lorsque le représentant du Maroc à l’ONU Omar Hilale a apporté son soutien à un mouvement sécessionniste algérien, à l’été 2021, l’Algérie a pris la mesure extrême de rompre les relations diplomatiques avec son voisin.

La provocation de Omar Hilale n’était toutefois pas la première. Pour ne citer que les actes hostiles les plus marquants, les services marocains ont espionné de hauts responsables algériens (et d’autres pays) via le logiciel israélien Pegasus.

Toujours pendant l’été 2021, le chef de la diplomatie d’Israël, pays avec lequel le royaume avait normalisé ses relations quelques mois plutôt, a lancé des attaques contre l’Algérie à partir du territoire marocain.

En novembre de la même année, trois routiers algériens ont été tués dans un bombardement de l’aviation marocaine à la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie.

Maroc – Algérie : la stratégie de la tension se poursuit

Outre ces faits saillants, les provocations en tout genre n’ont jamais cessé, quoique confiées à des relais médiatiques ou autres et rarement assumées par des parties officielles.

Dans le même temps, la moindre occasion est saisie pour provoquer un incident diplomatique, comme le sommet arabe d’Alger de novembre dernier auquel le Roi Mohammed VI n’a pas participé ou le CHAN 2022 organisé en Algérie en janvier et février derniers qui a été boycotté par le Maroc pour un motif futile.

Empêtré dans l’impasse du dossier du Sahara occidental qu’il a provoquée par son intransigeance, le Maroc a opté pour la stratégie de la tension permanente avec l’Algérie. Et la Une de l’hebdomadaire marocain entre bien dans le cadre de cette stratégie qui ira on ne sait jusqu’où.

Il est surtout regrettable de constater que l’idée du « grand Maroc » est encore présente dans certains esprits. Le fantasme n’est pas circonstanciel est n’est pas né des tensions en cours avec l’Algérie ni même du début du conflit du Sahara occidental au milieu des années 1970.

Il remonte au milieu des années 1950. Son initiateur c’est Allal Al Fassi, président du parti nationaliste Istiqlal. À l’indépendance du pays en 1956, ce courant s’est mis à réclamer toutes les terres qui ont prétendument appartenu par le passé aux souverains des différentes dynasties depuis les Almoravides.

Outre la Sahara occidental, toute la Mauritanie, le nord-ouest du Mali et le sud-ouest algérien étaient réclamés comme des terres qui doivent revenir dans le giron du Maroc.

Cet irrédentisme soutenu plus tard par le Palais royal marocain a eu des conséquences graves pour la stabilité régionale. La Mauritanie a pris son indépendance en 1958, mais ne sera reconnue par le Maroc qu’en 1969.

L’Algérie a été carrément attaquée en 1963, une année après son indépendance, dans ce qui est appelé la « guerre des sables » qui a fait 850 morts algériens. Enfin, du Sahara occidental, évacué par les Espagnols au milieu des années 1970, le Maroc en a fait la dernière colonie d’Afrique.

Les ambitions territoriales du Maroc vis-à-vis de son voisin de l’Est, du Sahara occidental, de la Mauritanie et même du Sénégal remontent à la période d’avant-indépendance de l’Algérie en 1962, selon Dahou Ould Kablia, ancien ministre algérien de l’Intérieur.

« Les problèmes avec le Maroc ont commencé en 1957 », a-t-il rappelé. Allal el Fassi, décédé en 1974, a « dit que si l’Algérie veut l’aide du Maroc » dans sa lutte pour l’indépendance, la « moindre des choses est de nous restituer, ou de nous permettre de reprendre nos terres qui ont été spoliées », a rappelé Dahou Ould Kablia, qui est aussi président de l’association des anciens du Malg.

Pour Allal el Fassi, les frontières du Maroc « s’étendent de Saint-Louis au Sénégal  jusqu’à Saidia, en passant par Béchar, Adrar, Tindouf et même la Mauriatanie », avait rappelé Ould Kablia.

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