Politique

Tebboune hausse le ton : l’Algérie est une « force de frappe »

La rencontre gouvernement-walis, tenue ce samedi 25 septembre à Alger, a été l’occasion pour le président de la République Abdelmadjid Tebboune de faire quelques annonces économiques et sociales, dans une conjoncture marquée par le recul du pouvoir d’achat de larges franges de la population.

Le chef de l’Etat a, de nouveau, reconnu que l’Algérie dispose d’une économie « sous-développée », qu’il faudra faire passer de « la rente » à « une économie de la connaissance » et de la « performance ».

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« Il ne faut pas cacher le soleil avec un tamis : notre économie répond parfaitement à la définition d’une économie sous-développée. C’est une économie désintégrée, une économie où  il n’y a pas d’échanges intersectoriels, une économie orientée vers l’importation », a regretté Abdelmadjid Tebboune.  

« L’attente n’est plus possible. Il faut faire un bond qualitatif et mobiliser toutes les énergies (…) Nous devons être la locomotive, pas le wagon de n’importe qui », a-t-il tonné. 

Une balance commerciale équilibrée fin 2021

Abdelmadjid Tebboune  a dans ce sens annoncé qu’il y aura de nouvelles lois dans le cadre du code de l’investissement, avec l’ouverture du capital des entreprises publiques qui, selon lui, « ont une gestion autoritaire et non économique. »

« Nous allons ouvrir le capital de nos entreprises à l’investissement. Nous sommes arrivés à la nécessité d’ouvrir le capital, même celui des banques. Il y aura un nouveau financement et un nouveau mode de gestion », a-t-il dit.

Il a aussi rassuré les walis en insistant sur la dépénalisation de l’acte de gestion, rappelant que les lettres anonymes ne doivent pas être prises en compte et que toute enquête visant des agents publics doit avoir l’aval de la tutelle. La crainte de poursuites judiciaires est avancée par le président de la République comme l’une des causes de la « léthargie » actuelle de l’investissement.

Au chapitre des bonnes nouvelles, et même si l’investissement ne décolle toujours pas, l’Algérie est en passe de réaliser une performance qu’elle n’a pas connue depuis plusieurs années. La balance des paiements, longtemps déficitaire, devrait être équilibrée dès la fin de l’année en cours, selon le chef de l’Etat. Il s’agit d’une prévision qu’il avait faite en avril dernier.

4 à 4.5 milliards de dollars d’exportation hors hydrocarbures

« Il y a des présages et des indices, il y a des Algériens qui méritent la reconnaissance de l’Etat », a lancé le président de la République, qui annonce une autre performance : l’Algérie n’est pas très loin de l’objectif d’exporter pour 5 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures, fixé il y a une année par Tebboune.

« Pour la première fois depuis plus de 20 ans, nous sommes sortis de la fourchette de 1,8, 1,9 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures. Au moment où je vous parle, nous en sommes à 3,1 milliards de dollars. Nous espérons terminer l’année avec 4 ou 4,5 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures », dit-il.

Le chef de l’Etat rappelle que les propos qu’il a tenus il y a une année avaient été reçus avec ironie. « Lorsque, il y a une année, j’avais déclaré que nous devions arriver à 5 milliards, certains ne nous ont pas pris au sérieux. Les gens ne croient pas en les capacités de leur pays. L’Algérie est une force, une force de frappe, le monde entier reconnait l’Algérie, sauf certains Algériens qui ne font que critiquer (…) Tout le monde sait que l’Algérie est une force régionale, une force de paix et d’équilibre dans la région (…)  C’est un problème de dignité nationale », s’emporte-il. C’est l’une des rares fois où le président Tebboune hausse la voix dans un discours public.

L’allocation chômage effective début 2022

Sur le plan social, l’annonce phare du chef de l’Etat est la mise en œuvre de l’allocation chômage dans « deux ou trois mois ». « L’Algérie est le premier pays de sa taille à instituer une telle allocation. C’est une décision courageuse qui traduit notre souci de prendre en charge notre jeunesse », se félicite le président de la République. Et ce ne sera pas une allocation symbolique, mais un présalaire.

« Ce sera suivant les moyens disponibles dans chaque région. Elle sera supprimée lorsque le bénéficiaire est embauché. Elle sera mise en œuvre à 100% dans deux ou trois mois pour que son payement soit effectif avec le budget de 2022. Nous avons des allocations comme celle des personnes aux besoins spécifiques, mais celle-ci sera  un présalaire », annonce-t-il. 

Révision du système des subventions

Avant d’annoncer la révision du système des subventions, le président de la République a tenu à lever toute équivoque, soulignant que « la politique sociale se poursuivra, car elle fait partie des recommandations de la déclaration du 1er novembre 1954 ».

« On ne va pas sanctionner la majorité à cause de quelques personnes. Il y aura peut-être, et c’est une revendication populaire et des élus, la révision du système de subvention actuel qui distribue peu pour tout le monde », dit-il.

Des commissions incluant les élus, les syndicats et la société civile devraient être installées en 2022 afin de sortir avec « une vision nationale pour la redistribution des aides de l’état ».

L’objectif est d’arriver à un système où « celui qui est dans le besoin doit prendre plus et celui qui est à l’abri du besoin ne prendra rien ». « L’Etat doit aider ceux qui ont un revenu insuffisant dans les produits de consommation », réitère le président qui salue la solidarité entre les Algérien mais qui, estime-t-il « ne doit pas diminuer de la responsabilité de l’Etat ».

Criminalisation de la spéculation

Le discours présidentiel intervient dans un contexte de forte inflation et il ne pouvait pas éluder la question de la hausse généralisée des prix. Pour M. Tebboune, le coupable est tout désigné, « la spéculation », œuvre de « parasites » qui ont envahi le secteur du commerce. Pour lui, la solution, c’est la criminalisation de tels agissements. 

« Nous allons voir avec messieurs le ministre de la Justice et le Premier ministre pour élaborer des lois répressives pour faire de la spéculation sur les produits de base un crime impardonnable et puni en tant que tel (…) Ce n’est pas acceptable ni du point de vue de la religion ni de la loi ni de la morale », dénonce-t-il.

Abdelmadjid Tebboune explique qu’on peut comprendre les augmentations lorsque sont évoqués des facteurs externes, comme la hausse sur les marchés internationaux, mais que cela n’est pas valable pour les marchandises produites localement. Il dénonce aussi la multiplication des intermédiaires.

« Pour les fruits et légumes, la production est abondante mais entre le producteur et le consommateur, il y a dix intermédiaires. Le ministère du Commerce est appelé à trouver une solution définitive structurelle et non conjoncturelle. Il faut qu’il y ait un producteur, un grossiste, un demi-grossiste et un détaillant, pas plus. Nous allons criminaliser la spéculation », insiste-t-il.

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