Société

Vaccination des enfants, passe sanitaire, frontières : les réponses du Pr Mahyaoui

 

Le Professeur Riyad Mahyaoui est membre du comité scientifique chargé de la lutte contre l’épidémie de covid-19 en Algérie. Entretien.

Comment analysez-vous la situation sanitaire actuelle en Algérie ?

Cette vague épidémique est en train de nous lâcher progressivement. On respire. Il y a moins de pression sur les hôpitaux, les personnels de la santé et sur la demande d’oxygène, etc.

Actuellement les chiffres de l’épidémie sont excellents. On était arrivé jusqu’à 17 000 hospitalisations à l’échelle nationale. Les hôpitaux étaient pleins à craquer. Il n’y avait plus de lits d’hospitalisation.

Ce qui est sûr c’est qu’on est descendu aujourd’hui à des chiffres à 5 000 hospitalisations au niveau national. Ceci nous laisse une marge de manœuvre extraordinaire en matière de disponibilité des lits. À tel point qu’il y aura peut-être des décisions de reprises de quelques activités (hospitalières) qui étaient jusque-là dédiées uniquement au Covid.

Y aura-t-il une autre vague en Algérie ?

Le virus évolue par vagues. On a eu la 1ère, puis la 2e et la 3e vague. Dans d’autres pays on parle de 4e et de 5e vague. Donc, tirons les leçons du passé. Chaque vague doit nous inciter à prendre des décisions.

On ne savait pas que la 3e vague de l’épidémie allait (en Algérie) engendrer une forte demande d’oxygène médicale. On ne sait pas ce que la 4e vague pourrait nous réserver comme spécificités : peut-être aurions-nous plus de besoins de transmissions ou de sérums, etc. On ne sait pas.

Bien entendu, il faut se préparer. Les hôpitaux sont en train de s’équiper en générateurs à oxygène pour faire face éventuellement à une très grande consommation d’oxygène. Et bien évidemment on se prépare en matière de stockage de médicaments. Les personnels de santé peuvent également se reposer. On va attaquer la rentrée sociale et scolaire avec sérénité en s’armant du maximum d’atouts pour lutter éventuellement contre une 4e vague de l’épidémie.

La question de la vaccination des enfants se pose. Qu’en est-il ?

Beaucoup de pays ont commencé à vacciner les populations âgées entre 12 et 18 ans. Effectivement, on y a réfléchi et je pense qu’on va sortir avec des décisions très prochainement.

On s’est laissé le temps de la réflexion, pour voir ce qui se passe et avoir des feedbacks. Parce que, réellement, on ne sait pas ce qui va se passer dans cette pandémie.

Le comité scientifique (élargi aux autres spécialités : pédiatres, gynécologues obstétriciens) est en train de réfléchir à l’adoption d’un protocole, mais à condition que l’objectif de vacciner les plus de 18 ans soit atteint. C’est très important pour atteindre l’immunité collective.

Dans le secteur de l’éducation, on a commencé à vacciner dès le 22 août plus de 800 000 employés, entre enseignants et administrateurs. Pour les protéger contre l’infection qui éventuellement pourrait être portée par les enfants. Le dossier (de vacciner les enfants) est ouvert et je pense qu’on sortira avec des décisions très prochainement.

Et pour les femmes enceintes ?    

Il s’est avéré avec les nouveaux variants que la femme enceinte peut être touchée par le virus. On a même assisté à beaucoup d’accouchements prématurés à cause du covid-19.

Ce qui est sûr actuellement et de façon indéniable, c’est qu’à l’échelle mondiale des collèges américains et français pour ne citer que ceux-là, ont adopté la vaccination chez la femme enceinte au premier trimestre ainsi que chez la femme allaitante.

Avec nos collègues pédiatres et gynécologues-obstétriciens, on s’est réuni jeudi dernier pour déjà prendre la décision et choisir le type de vaccin qui conviendrait à la femme enceinte.

À votre avis, faut-il vacciner les femmes enceintes et les femmes allaitantes ?

À mon avis, il faut les vacciner. C’est sûr qu’il faut les vacciner. Les preuves scientifiques et même les spécialistes demandent la vaccination chez la femme enceinte.

Une campagne nationale de vaccination contre le covid a été lancée le 4 septembre dernier. Comment l’évaluez-vous ?

Cette campagne est venue pour augmenter la cadence de la vaccination par rapport aux débuts où on n’avait pas assez de vaccins. Maintenant que les vaccins arrivent en Algérie par millions, on a augmenté la cadence. Cette campagne de proximité a créé une espèce d’émulation et une convivialité qui a vu les Algériens adhérer. Je pense qu’on a dépassé le million de vaccinés durant cette campagne (une première phase s’est achevée samedi 11 septembre, ndlr). Elle va néanmoins continuer jusqu’à la fin de l’année. Nous souhaitons que d’ici la fin décembre 2021 on aura atteint une immunité collective.

Le pass sanitaire va-t-il s’imposer en Algérie à mesure qu’avance la vaccination ?

Le pass sanitaire est aujourd’hui utilisé dans beaucoup de pays. Chez nous, on parle de certificat de vaccination avec un QR Code. Ce papier va servir à accéder dans des espaces comme les stades. On souhaiterait que cela va motiver les gens à se faire vacciner. Le certificat de vaccination est comme une assurance-vie.

Ce certificat de vaccination peut-il servir pour voyager ?

Écoutez, cela dépend des pays. Des pays comme la Suisse, la Belgique et l’Espagne, on peut y entrer avec le certificat de vaccination algérien. Reste le problème d’un pays comme la France avec lequel il y a beaucoup d’échanges, qui a instauré une espèce de sélection des vaccins qui sont adoptés que chez lui. Mais honnêtement la situation est tellement évolutive que je suis sûr et certain que très bientôt il y aura une reconnaissance de tous les vaccins. L’objectif final c’est de vacciner l’ensemble de planète. Un pays qui vaccine à 100 % à lui tout seul ne suffira pas à le protéger. Il faudra que tous les pays soient vaccinés de la même manière.

Avec la décrue de l’épidémie et l’avancement de la vaccination, peut-on envisager la réouverture des frontières ?    

La réponse que je donne tout le temps est que la décision relève des autorités supérieures. C’est la souveraineté d’un pays. Il n’y a que le chef de l’État qui peut décider. Mais au vu de la situation épidémiologique améliorée et de la baisse de la circulation du virus et des hospitalisations, il y aura probablement à l’avenir comme un allègement de toutes les décisions prises y compris le confinement.

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