Société

Vaccins contre le covid-19 : le paradoxe algérien

D’une situation de pénuries de vaccins au début de l’année, l’Algérie est passée en  neuf mois à une position d’abondance de doses en raison de la réticence des Algériens à se faire vacciner.

Un vrai paradoxe, alors que de nombreux pays notamment africains peinent à acquérir les doses nécessaires pour vacciner leur population.

Critiquées au début de l’année pour n’avoir pas su anticiper sur les commandes des vaccins contre le covid-19, les autorités sanitaires algériennes se retrouvent aujourd’hui devant un dilemme : comment écouler 13 millions de doses de vaccins anti-covid quand il n’y a pas suffisamment de bras ?

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En raison des fortes tensions sur les vaccins, l’Algérie avait éprouvé des difficultés énormes à acquérir les doses commandées auprès des Russes et des Chinois.

Le reproche principal qu’ont fait les spécialistes de la santé à l’égard des autorités sanitaires tenait au fait qu’elles s’y étaient prises très en retard pour commander des vaccins.

Pressées par le temps et par la progression de la pandémie, les autorités sanitaires, sur injonction du président de la République, avaient entamé à la hussarde le 30 janvier la campagne de vaccination avec une modique quantité de 50.000 doses du vaccin russe Spoutnik V.

Du côté des autorités sanitaires, deux catégories prioritaires ont été identifiées pour recevoir le précieux sérum : les personnels soignants et les personnes âgées et/ ou souffrant de maladies chroniques.

Chute du nombre de vaccinés

Suspendue à la disponibilité des vaccins, l’Algérie s’était fixée comme objectif de vacciner 70 % de la population adulte à la fin de 2021. Les derniers chiffres officiels ont fait état de 11 millions d’Algériens sur 20 millions de la population cible qui ont été vaccinés : 5 millions ont bénéficié d’une vaccination complète (2 doses) et 6 millions ont reçu une seule dose.

Le 25 octobre, le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, s’inquiétait que le nombre de personnes ayant reçu deux doses était en stagnation. En cause, des patients ayant reçu une seule dose ont fait le choix de ne pas compléter leur schéma vaccinal.

La nette amélioration sur le front sanitaire avec des contaminations en baisse sensible explique, selon lui, cette situation. En pleine troisième vague qui a frappé de plein fouet l’Algérie l’été dernier, un pic de 247.000 vaccinés par jour a été enregistré.

Les gens se bousculaient dans les centres de vaccination, mais l’engouement a pris fin, avec la décrue de la pandémie de covid-19, cet automne. Le nombre de vaccinés a chuté à moins de 20.000 par jour.

Résultat : avec les millions de vaccins reçus, l’Algérie se retrouve avec des quantités importantes stockées faute de candidats à la vaccination. Et le premier à s’en désoler, c’est bien évidemment le ministre de la Santé.

« Si on les utilise pas, ces doses risquent d’être périmées », a averti dimanche 7 novembre, Abderrahmane Benbouzid qui n’a pas souhaité donner plus de précisions sur les dates de péremption.

Une chose est néanmoins certaine. Les quantités en stock se comptent par millions. « Nous avons 13 millions de doses. Nous avons même dû décaler la réception de vaccins. D’abord, les moyens de stockage vont être dépassés. Surtout, pourquoi continuer à recevoir des vaccins alors que ceux-ci ne sont pas écoulés ? », a interrogé Abderrahmane Benbouzid.

À cela il faut ajouter les quantités du vaccin Sinovac produites depuis fin septembre en Algérie.  Le ministre de la Santé a ajouté que la divulgation de ces chiffres vise moins à culpabiliser la population qu’à la sensibiliser sur la nécessité de se faire vacciner.

« Attendons-nous à une 4e vague »

Comme aux premiers mois de cette année, n’y aurait-il pas un manque d’anticipation ? Qu’est-ce qui a fait que l’on se retrouve avec des millions de doses de vaccin sur les bras faute de postulants ?

« Un rapport d’étape devait être fait depuis longtemps », explique le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil de l’ordre des médecins et ex-membre du comité scientifique de suivi du covid.

« Le ministère de la Santé avec ce qui reste du comité scientifique s’est entêté à donner des recommandations sans prendre en compte l’opinion des professionnels de la santé à propos de la faisabilité et de l’exécution de ses décisions », tance-t-il.

Le Dr Bekkat Berkani pointe une faiblesse communicationnelle sur la vaccination. L’accélération de la vaccination à l’approche de la période hivernale est plus une urgence absolue, alerte le Dr Bekkat Berkani.

« N’oublions pas que le covid-19 est une maladie respiratoire et toutes les viroses respiratoires reprennent du poil de la bête en novembre-décembre. Attendons-nous à une 4e vague de covid », met en garde le pneumologue qui rappelle tout l’intérêt que représente la vaccination pour faire face à cette nouvelle vague. « Si nous étions avancés sur la vaccination, le bouclier vacciné, même s’il n’est pas total, aurait amorti le choc de la vague », note Dr Bekkat Berkani.

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