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Algérie : pérenniser la viande rouge à 1.200 DA le kilo ?

Algérie : pérenniser la viande rouge à 1.200 DA le kilo ?

L’Algérienne des viandes rouges (Alviar) adopte une stratégie d’approvisionnement du marché local en ce produit qui a connu une forte hausse des prix ces derniers mois pour dépasser 2.200 DA le kilo.

Au-delà d’une action ponctuelle de distribution de viande importée durant le Ramadan, apparaît la volonté de peser sur les prix et de protéger le pouvoir d’achat du consommateur algérien.

C’est sur la chaîne III de la Radio algérienne que Lamine Derradji, directeur général d’Alviar, a dévoilé dimanche la stratégie de ce groupe public devenu incontournable sur le marché local de la viande.

Il a expliqué que l’Algérie souffrait d’un manque de stratégie et d’une claire visibilité dans la filière de la viande rouge pour satisfaire la demande nationale marquée par un déficit de 10 millions de têtes.

Une stratégie au long cours

La stratégie d’importation de viande rouge et de constitution d’un réseau de distribution national avec des prix à 1.200 DA/kg porte ses premiers fruits, selon M. Derradji.

Le responsable d’Alviar a fait part d’une diminution des prix sur le marché avec une moyenne actuelle de 1.800 DA/kg contre 2.200 DA/kg auparavant.

Le déploiement progressif de ce réseau a permis l’établissement de 500 points de vente sur 38 wilayas. La wilaya d’Alger en compte à elle seule jusqu’à 81.

À la question du non-respect du prix de 1.200 DA le kg par des boucheries participant au réseau, comme constaté à Boumerdès avec 1.800 DA, Lamine Derradji a demandé aux consommateurs d’alerter immédiatement Alviar afin que des mesures adéquates soient prises. D’autant plus qu’à 1050 DA/kg, le détaillant bénéficiait d’une marge confortable de 70 DA.

Alviar, cap vers les projets intégrés

Fort de l’expérience d’Alviar, Lamine Derradji a déclaré croire en des projets intégrés comportant les segments : production, abattage, transformation et commercialisation. L’entreprise est approvisionnée en viande de moutons par plusieurs dizaines de fermes pilote et dispose de 4 abattoirs modernes. Il est envisagé la construction d’un cinquième dans la région centre du pays.

Pour la direction de l’entreprise, il s’agit de fédérer les éleveurs autour de ces abattoirs afin d’utiliser entièrement leurs capacités.

Alviar est active dans le domaine de la découpe et transformation de la viande et se dit capable de répondre aux demandes spécifiques de ses clients.

Il s’agit là d’un atout dans la mesure où le secteur de la transformation de la viande connaît des innovations continues. À l’étranger, de grandes marques s’orientent vers l’adjonction de protéines végétales à la viande hachée, aux burgers et autres préparations pour plats cuisinés.

Soudan : de la viande à 1,2 $ le kilo

Concernant les importations de viande rouge soudanaise, le DG d’Alviar a indiqué que celle-ci était disponible au tarif de 1,2 $ (162 dinars au taux de change actuel) le kilo poids vif au Soudan contre 4,2 $ le kilo pour celles en provenance d’Europe : « Ce sont des prix compétitifs. Quant à la qualité, c’est une viande bio« .

Il a ajouté s’être déplacé au Soudan et a indiqué que des pourparlers étaient en cours avec le partenaire soudanais afin de renforcer la coopération actuelle qui porte sur des contrats d’importation de la viande fraîche.

Il y a des complémentarités entre les deux pays, a-t-il analysé, avec un cheptel très important au Soudan et en Algérie de grandes capacités d’abattage. Il serait envisageable à l’avenir d’importer du Soudan des animaux sur pied afin de satisfaire le marché algérien et d’écouler un surplus à l’export.

Mégaferme de 8.000 vaches à Djelfa

L’invité de la Chaîne III a également confirmé qu’une ferme de 8 000 vaches laitières devrait voir le jour à Djelfa. Un projet faisant appel à l’expertise des cadres européens de la ferme Baladna au Qatar.

Cette ferme est actuellement approvisionnée en foin de luzerne cultivé au Soudan par le fonds qatari Hassad Food et ramenée en conteneurs jusqu’au port Hamad au Qatar. Hassad Food possède une centaine de milliers d’hectares de terres agricoles irriguées situées au Soudan dans une province en bordure du Nil.

Le responsable d’Alviar a également indiqué que des investisseurs étrangers ont fait part de leur volonté d’investir dans la production de la viande en Algérie.

Alviar devrait également présenter son propre méga projet d’élevage. Dans la foulée, Lamine Derradji a parlé d’un projet de restructuration de l’Office nationale des aliments du bétail (ONAB). Un office pointé du doigt en février 2020 par le chef de l’État en lui reprochant de favoriser les importations aux dépens la production locale.

Produire de la viande au Sud

Prenant exemple sur Ghardaïa devenue un pôle laitier en plein désert, le DG d’Alviar a indiqué qu’il s’agit d’un modèle à suivre : « Le bassin laitier est à Ghardaia, voilà un modèle ».

Ajoutant : « Il faut créer de nouvelles zones d’élevage, de nouvelles zones de pâturage. L’Algérie a tout : la terre, le soleil, l’eau et l’énergie ».

Il a exhorté à « sortir du nord et aller vers le Sud. Le sud de l’Algérie, c’est l’avenir. C’est la sécurité alimentaire ». Un enthousiasme qui ne fait pas l’unanimité des économistes qui ne manquent pas de rappeler la réalité des chiffres.

Selon des données obtenues par satellite, la recharge actuelle des nappes d’eau souterraine du Sahara ne représenterait en moyenne que 1,4 km3 par an. Ce qui ne représentait en 2013 que 40 % des prélèvements actuels. Quant à l’énergie, le ministre de l’Énergie avait indiqué en 2020 que les subventions des prix d’électricité, gaz, carburants, dessalement d’eau de mer représentaient 15 milliards de dollars, ce qui représente un lourd fardeau sur le budget de l’État.

Steppe, l’expertise des services agricoles

Avec la mise en place des zones mises en défens dans la steppe, d’échanges triangulaires avec les éleveurs de moutons ou les couloirs verts destinés à fluidifier la collecte de l’orge par les CCLS, les générations de cadres qui se sont succèdé au niveau des services agricoles ont montré leur capacité d’innovation.

Les défis actuels restent nombreux. Ainsi, dans le cas de la mégaferme de Djelfa, il s’agira de mobiliser les ressources souterraines en eau nécessaires à la production des 8.000 vaches laitières sachant que l’effectif de cette ferme devrait augmenter.

Plus généralement en zone steppique, la question est d’associer les éleveurs aux mesures de préservation du milieu par une utilisation rationnelles des parcours.

Selon le Haut-Commissariat au Développement de la Steppe (HCDS), les mesures de mise en défens et de location concernent 5 millions d’hectares sur la trentaine que compte la steppe.

Dans certaines localités, des éleveurs refusent que les parcours qu’ils occupent gratuitement passent sous le statut défens ou mahmiyates. Un statut qui prévoit une période de location de novembre à décembre et d’avril à fin juin au prix de 1.000 DA l’hectare de parcours naturel et du double lorsqu’il s’agit de parcours plantés d’arbustes fourragers par le HCDS tels l’attriplex.

Plus grave, Lamine Derradji a déclaré que certains éleveurs ont marqué leur défiance en refusant de participer au recensement de leur cheptel et de munir de puces électroniques leurs animaux.

Protection du consommateur

En indiquant qu’Alviar ne se contenterait pas d’une action ponctuelle durant le seul mois de ramadan, mais qu’elle envisageait de maintenir toute l’année son réseau de distribution en s’appuyant sur ses propres points de vente et ceux de ses partenaires privés, cette entreprise public affiche sa volonté de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs.

Une protection qui a commencé l’année dernière par l’établissement du monopole d’État sur les importations des céréales puis en début d’année sur les importations de légumes secs.

Sous forme de boutade, Lamine Derradji a terminé en faisant remarquer que la viande rouge pouvait être difficile à digérer. Aussi a-t-il conseillé aux consommateurs de varier leurs sources de protéines.

Faut-il voir là un clin d’œil aux protéines végétales ? Un secteur prometteur encore sous-exploité par l’industrie agro-alimentaire locale mais investi par de nombreuses start-up à l’étranger.

 

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