Économie

Céréales : 40% des terres non travaillées en Algérie

Avec le retour des pluies, l’espoir renaît chez les agriculteurs algériens. Mais à l’heure de la crise ukrainienne, 40% des terres à blé ne sont pas emblavées et restent en jachère en Algérie qui est un grand importateur de céréales.

Cette pratique date des années 1960. Si dans le contexte actuel plus rien ne la justifie, elle semble être considérée comme une fatalité.

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Partout à l’intérieur du pays, la persistance de la jachère est visible. En témoignent ce printemps les parcelles de couleur ocre qui tranchent avec le vert des parcelles de céréales.

Selon les services agricoles, ce sont les 7,5 millions d’hectares de terre à blé qui sont concernés par ces 40% de jachère.

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En France, avec à peine 4% de terre en jachère, plusieurs organisations agricoles demandent, dans un communiqué commun, de pouvoir remettre en culture ces terres.

« L’Europe nous oblige à mettre en jachère 4% des terres : cette orientation doit être stoppée immédiatement. Il faut redonner de la flexibilité aux exploitations agricoles, pour répondre à tous les enjeux de production.»

 

L’intérêt agronomique de la jachère remis en cause

 

Un des arguments avancés par les agriculteurs en Algérie pour justifier la pratique de la jachère est que le sol a besoin d’un repos annuel. Il permettrait d’emmagasiner l’eau des pluies hivernales.

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Or, la recherche agronomique locale montre que « le rôle de conservation de l’eau attribué à la jachère travaillée n’existe véritablement que pour les zones à pluviométrie suffisante et disposant de sols profonds à moyennement profonds» ce qui est loin d’être le cas des terres agricoles.

En fait, l’explication réside également dans la nécessité pour nombre d’éleveurs de disposer de parcours pour leurs moutons. La flore naturelle qui pousse durant l’hiver et le printemps sert ainsi de pâturage.

La jachère est alors une « jachère pâturée ». Mais la valeur alimentaire de cette flore spontanée est bien plus faible que celle des espèces fourragères modernes.

Sur les réseaux sociaux avec photos à l’appui, Mohamed Haroun, agriculteur dans la région de Constantine, montre tout l’intérêt de cultiver des mélanges fourragers tel le méteil.

Pendant de nombreuses années, le manque de matériel agricole a pu justifier la jachère. En effet, dans les zones semi-arides de l’intérieur du pays, le nombre de cultures qu’il est possible d’implanter sans irrigation au printemps est faible.

Ce n’est pas le cas en Europe où au printemps sont semés maïs, orge de brasserie, betterave à sucre. Cette diversité de cultures et de dates de semis permet de disposer de deux périodes de semis : une à l’automne et l’autre au printemps.

En Algérie, la majorité des cultures sont à semer à l’automne : céréales, fourrages et légumes secs. Cette situation nécessite donc un parc matériel considérable ; pratiquement le double de ce qui est demandé en Europe.

 

Moins de jachère avec le relèvement du prix des céréales

 

Le dernier relèvement des prix payés aux producteurs de céréales, légumes secs et colza devrait contribuer à augmenter les surfaces emblavées et réduire le pourcentage de jachère. Cependant, il s’agit de tenir compte de l’inertie liée aux habitudes ancrées chez nombre d’agriculteurs et des disponibilités en matériel de semis et de récolte.

Par ailleurs, si la jachère peut, dans les sols profonds et travaillés à temps, favoriser l’emmagasinement des pluies dans le sol, réduire la présence des mauvaises herbes et améliorer les quantités d’azote du sol, sa résorption doit donc passer par l’adoption de techniques modernes à même de compenser ces avantages. Cela nécessite la mise en place de programmes de recherche-développement spécifiques aux différentes zones céréalières.

 

Céréales, priorité à l’agriculture saharienne

 

Jusqu’à présent, pour les services agricoles, la résorption des terres en jachère reste un vœu pieux. Certes, des programmes de relance de la culture du colza et des cultures fourragères sont en cours et ces deux cultures bénéficient de diverses subventions. Le quintal de colza auparavant payé à l’agriculteur 7 500 DA la saison dernière passe dorénavant à 9 500 DA.

Cependant, au-delà de ces quelques mesures, la priorité est donnée à l’agriculture saharienne avec développement à grand frais de surfaces cultivées sous pivot d’irrigation.

Selon Abdelhafid Henni, ministre de l’agriculture, « l’avenir du pays est dans l’agriculture saharienne ». Le ministre table sur des rendements de 100 quintaux par hectare là où la moyenne se situe entre 50 et 60 quintaux.

A l’heure où, sur le marché mondial, la tonne de blé bat des records, la persistance au Nord du pays de 40% de terres en jachère semble être considérée comme une fatalité.

Certes, résorber ces superficies en jachère et les valoriser en cultivant du blé et des fourrages pose d’énormes défis. Il s’agit de trouver le moyen de nourrir le cheptel ovin bénéficiant actuellement de la jachère pâturée ou encore de trouver les moyens pour semer 7,5 millions d’hectares en 45 jours. Donner la seule priorité à l’agriculture saharienne et occulter ces questions liées à l’agriculture non irriguée s’apparente à une fuite en avant.

Pourtant des solutions existent. Tirant les leçons de la dernière campagne de semis, et du retard de semis qui a affecté bon nombre d’exploitations, le professeur Arezki Mekliche de l’ENSA, indiquait récemment sur les ondes de la Radio algérienne que la solution à l’augmentation des rendements passait par des semis en conditions sèches avant l’arrivée des pluies.

La crise ukrainienne pousse à plus d’efficience et au plus profond de nos campagnes.

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