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Chômage, salaires réduits : des victimes économiques du Covid-19 témoignent

Chômage, salaires réduits : des victimes économiques du Covid-19 témoignent

La pandémie de Covid-19 ne tue pas seulement. Elle a paralysé l’activité économique en Algérie, forçant de nombreuses entreprises privées à l’arrêt. Les victimes collatérales du Covid-19 sont nombreuses.

Comme un tsunami, la Covid 19 a déboulé, balayant tout sur son passage ! Depuis son apparition, l’activité économique, tous domaines confondus, s’est quasiment immobilisée en Algérie.

Les dégâts collatéraux de cette pandémie sont énormes. Des chefs de famille se sont retrouvés du jour au lendemain sans aucun revenu. D’autres ont vu leur salaire amputé de moitié. D’autres encore se sont vus proposer des plans sociaux pour cause de fermeture de leur entreprise…

Jamais les Algériens n’auraient imaginé vivre pareille situation. Yacine (37 ans) travaille dans une boîte de communication spécialisée dans l’événementiel.

Le déferlement de la pandémie a fragilisé sa vie qui, jusque-là, était réglée comme du papier à musique « Marié, un enfant, un crédit programme logement LPP, un job bien rémunéré… Tout allait plutôt bien pour moi ! confie-t-il, puis, boum badaboum, la covid-19 est arrivée », explique-t-il.

Après l’arrivée de la pandémie en Algérie, le secteur de la communication et de l’événementiel est frappé de plein fouet par la crise économique. « Je signale que je travaille dans un secteur qui s’est arrêté net, dès le mois de mars. Du jour au lendemain, plus aucun événement à organiser. Par conséquent, aucune entrée d’argent dans les caisses de l’entreprise, qui, je le signale au passage, était l’une des plus prospères sur la place d’Alger », poursuit-il.

Au lieu de reculer, la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19 s’est installée dans la durée, avec des conséquences terribles pour les salariés du secteur privé.

« Le patron a continué à nous payer durant les six premiers mois. Ensuite, des coupes ont commencé à être opérées. Mon salaire a été réduit de 40 %, puis de 50%. Et ce n’est pas terminé ! Si cette situation de marasme perdure, je ne recevrai plus que 30 % de mon salaire dans les trois ou quatre mois qui arrivent. Mon frère qui travaille dans une petite boîte d’événementiel a eu moins de chance que moi. Dès le début du confinement, il a perçu la moitié de son salaire. Puis, plus rien à ce jour », raconte Yacine.

Coupes budgétaires

Cette situation inquiète Yacine au plus haut point. « Cette crise a trop duré et je ne vois vraiment pas le bout du tunnel. Chaque mois, je dois rembourser 42 000 dinars pour mon crédit LPP, et payer 15 000 dinars pour l’école privée de ma fille, en classe primaire. Juste pour cette dernière rentrée, j’ai dû débourser 8 000 dinars en articles scolaires et 6 000 dinars en livres. N’était-ce le salaire de ma femme, on aurait été dans de beaux draps ! ».

BTP à terre, employés au chômage

Certaines entreprises ont carrément proposé un plan social à leurs cadres, suite à l’effondrement de l’économie engendré par la crise sanitaire. Mustapha (42 ans) travaillait comme commercial pour une multinationale spécialisée dans le secteur économique du BTP.

Après plusieurs mois sous perfusion, un accord a été trouvé entre employeur et employés. « Mon entreprise spécialisée dans la vente de matériaux de construction avait déjà commencé à se fragiliser en 2018. Un an plus tard, le ‘Hirak’ l’a encore enfoncée davantage. La Covid 19 a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tous les chantiers se sont brusquement arrêtés. Par conséquent, mes collègues et moi, nous nous sommes retrouvés au chômage technique avec une réduction de salaire », relate Mustapha.

L’allégement du confinement sanitaire après le Ramadan a permis aux entreprises du BTP de reprendre le travail et leurs chantiers. Mais la crise a déjà frappé des pans entiers de la société et la fermeture totale des frontières a aggravé la situation déjà précaire.

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« Après le mois de Ramadan et l’allégement du confinement, nous avons repris le travail. Je me suis vu confier le suivi d’un autre site destiné à des promotions immobilières à Mostaganem. Mais là encore, les acquéreurs de ces logements, dont bon nombre sont des émigrés, n’ont pas pu régler les promoteurs pour cause de fermeture des frontières. Résultat des courses, l’entreprise a donc dû fermer ce site. Mes collègues et moi avons signé des protocoles de départ. Nous avons reçu deux mois de salaire par année. Pour ma part, je suis officiellement au chômage. J’ai deux enfants à nourrir et j’espère retrouver un nouveau travail au plus vite ! ».

Réduction de salaire

Lilia (39 ans), institutrice dans un établissement privé à Alger, a elle aussi perdu son travail. « La directrice a refusé de me déclarer à la sécurité sociale. Je percevais un salaire de 30 000 dinars, puis, mon revenu a été amputé de 10 % lorsque le confinement a commencé. Ma relation professionnelle s’est subitement détériorée avec l’administration qui ne voulait pas me déclarer à la sécurité Sociale. Alors, j’ai fini par rendre définitivement le tablier ».

Restaurants et fastfood dans la déche

Autre secteur qui subit de plein fouet les contrecoups du virus : celui de la restauration. Mohamed Abderrahmane Babouche, 32 ans, gère un fast-food situé à Alger-centre (rue Bouchakour, ex-Francis Garnier).

« Pendant les 4 premiers mois de confinement, je me suis retrouvé sur la paille. J’ai deux enfants à nourrir, alors j’ai dû travailler comme chauffeur VTC pour apporter un salaire à la maison. Après la réouverture de mon commerce,  j’ai dû me séparer de mes quatre employés. Les affaires vont mal. Les clients sont rares. J’ai perdu 60 à 70 % de mon chiffre d’affaires. J’ai deux loyers à payer : celui de mon appartement et celui de ce local. Le commerce tourne au ralenti d’autant que je dois baisser le rideau à 15 h 00. Même les clients -des fonctionnaires pour la plupart- qui pouvaient se permettre un sandwich complet à 250 dinars, se contentent désormais d’un casse-croûte de « garantita » qui coûte 50 dinars. Certains sont fauchés deux semaines après avoir perçu leur paye et ouvrent un crédit chez moi, en attendant de me régler à la fin du mois. Je n’avais jamais vu ça de ma vie ! ».

Système « D »

Djamila, 51 ans, habite à Blida. Elle avait l’habitude de faire le ménage dans une famille à Alger, à raison de deux fois par semaine. « Depuis la suspension du transport interwilayas ,je n’ai pas pu travailler. Naturellement, ma patronne m’a remplacée. Je suis dans une misère noire depuis mars dernier. Pour m’en sortir, je prépare des « mhadjeb » que je propose à la vente dans une supérette de mon quartier. »

Dj, photographe, cameraman… La fin d’un business

Le domaine artistique a perdu des plumes depuis le début de la pandémie en Algérie. Les salles des fêtes sont fermées et les regroupements familiaux interdits.  Les nombreux services liés à ce genre d’événements sont également gelés.

Yasmine est photographe-camerawoman. Son activité est presque réduite à zéro. « Avant la pandémie, mon emploi du temps était rempli. Je couvrais pleins d’événements et surtout les fêtes de mariage. Je pouvais me faire plus de 150 000 dinars par semaine. Et voilà que tout s’est arrêté d’un seul coup, comme pour mes collègues, les DJ, chanteurs et autres prestataires artistiques. Certains n’ont plus aucune rétribution. C’est vraiment dramatique. Pour ma part, je suis encore célibataire et je vis toujours chez mes parents. Je suis parfois sollicitée pour des mariages en cercles restreints. C’est ainsi que je survis ».

Les dégâts collatéraux engendrés par cette pandémie sans précédent ont précipité de nombreuses familles dans la précarité. Économie à genoux, perte d’emplois, salaires tronqués, jamais l’horizon n’a été aussi sombre qu’en 2020.  En face, le gouvernement qui a maintenu les entreprises publiques à flot en continuant à assurer les salaires, ne fait rien pour le secteur privé, livré à lui-même. Durement impactés par  la Covid 19, les Algériens espèrent entrevoir une lueur d’espoir avec l’arrivée de la nouvelle année, déjà à nos portes.

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