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Covid, vaccination, voyages : entretien avec le Pr Kamel Senhadji

Covid, vaccination, voyages : entretien avec le Pr Kamel Senhadji

Le Pr Kamel Senhadji, président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), aborde dans cet entretien la situation sanitaire liée au covid, la vaccination, la fabrication  des vaccins en Algérie, les frontières, la hausse des vols avec l’étranger, l’immunité collective…

Comment jugez-vous la situation sanitaire liée au covid-19 en Algérie ?

Nous connaissons actuellement une certaine stabilité même si c’est à un stade aussi important puisqu’on est autour de 400 à 500 cas par jour. C’est toujours mieux que lorsqu’on était à près de 2 000 cas ( mercredi 28 juillet).

Ce qui pose un peu problème c’est le nombre de décès qui est quand même assez élevé, autour de 30-40 par jour. Un chiffre constant qui n’a pas baissé bien que le nombre des contaminations ait connu une décrue.

Justement, comment expliquez-vous que le nombre de décès reste constant et ne baisse pas ?

Parce que le variant Delta a des caractéristiques pathologiques différentes des souches précédentes. Cette différence se traduit par cette demande particulière et importante en oxygène.

Le virus est beaucoup plus agressif. C’est la principale explication du nombre de décès par jour. Disons que la lecture rapide de la situation pandémique, c’est que depuis un peu moins de deux ans, il y a un semblant de similitude qui revient.

Ce qu’on retient de cette pandémie ces derniers temps c’est le nombre important de contaminations par le variant Delta qui montre un taux de reproduction de 2 à 2,8 alors que le taux était (jusque-là) à 1,5.

Ce pouvoir d’infection va se traduire par un important niveau de contamination. Ce qui va changer les choses par rapport à la situation actuelle c’est que le taux de reproduction important de ce variant va modifier le seuil qu’il faudrait atteindre pour obtenir l’immunité collective.

Si avec les calculs d’avant l’apparition du Delta, on tablait sur 60 à 70% de couverture, avec le taux de reproduction de Delta, les calculs montrent qu’il va falloir augmenter la cadence de la vaccination. Il va falloir couvrir au moins 80% de la population.

En parlant de la campagne de vaccination anti-covid en Algérie, comment la jugez-vous aujourd’hui ?

La cadence de vaccination est maintenant un peu plus intéressante, en particulier pendant ce mois d’août, durant lequel on a bien vu le vrai démarrage de la campagne vaccinale.

Il y a aujourd’hui à peu près 6 millions de personnes vaccinées en Algérie. C’est encore peu mais c’est déjà important parce qu’on est parti de plus bas. Pour arriver à ce taux de vaccination, c’est qu’il y a eu beaucoup d’efforts qui ont été fournis en matière de vaccination.

Avec le variant Delta, le taux de l’immunité collective qui était calculé auparavant à 20 millions de personnes à vacciner, il va falloir vacciner 35 millions d’Algériens.

Ce n’est donc plus 45 millions de doses dont on aura besoin, il va falloir avoir entre 75 et 80 millions de doses.

Il va falloir vacciner encore plus parce que la problématique de la rentrée scolaire va se poser. Et à ce propos, on voit bien que la population des 12-18 ans peut être porteuse du virus même avec moins de gravité, mais c’est quand même un réservoir qui pourrait être à l’origine de la contamination de l’entourage. Cela, il faut en tenir compte.

Aussi, il faudrait penser à administrer une 3e dose pour les patients âgés, fragiles et immunodéprimés. En sus de l’acquisition de vaccins en quantités importantes, le mois prochain, il y a aussi la production nationale du vaccin par Saïdal à Constantine.

Il va même falloir augmenter la cadence de production de 2,5 millions de doses par mois, en la doublant, voire davantage, pour arriver à vacciner tout le monde.

Vous parlez de la production du vaccin chinois Sinovac ? 

Effectivement, il sera produit en Algérie au courant du mois de septembre. Probablement vers la fin de l’année, il va y avoir le début de production du vaccin russe Spoutnik V, parce qu’il nécessite plus de moyens de production et des équipements particuliers.

En plus de faire appel à une technologie moderne, sa production va donc nécessiter plus de temps. Mais c’est une affaire qui va se réaliser d’ici la fin de l’année.

Les vaccins russe et chinois utilisés en Algérie ne sont pas reconnus à l’étranger. Les choses peuvent-elles évoluer ?

Mis à part l’AstraZeneca, les autres vaccins qui existent en Algérie ne sont pas reconnus par l’Union européenne mais le sont par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pour les voyages, les pays sont souverains et autonomes de décider des particularités d’entrée sur leur territoire. Mais on voit bien que c’est plutôt une question d’ordre stratégique, politique et commercial.

Je pense que ces vaccins vont à moyen terme être reconnus par l’UE. La stratégie est de laisser les vaccins européens et autres se commercialiser un peu plus dans le temps, et quand ils seront bien placés sur le marché, il y aura les autorisations pour les autres vaccins.

Ce qui est certain c’est qu’il y en aura pour tout le monde, car il y a encore beaucoup de monde à vacciner. Il est dans l’intérêt de tous que la vaccination touche tous les pays sinon on assistera à un retour de manivelle (pour les pays développés).

Des allègements ont été décidés dernièrement en matière de confinement sanitaire. Pensez-vous qu’il y en aura d’autres ?      

C’est en fonction de la baisse des contaminations. Ce sera du bon sens que ces allègements aient lieu. Toujours est-il que cela dépend du citoyen et de sa capacité à respecter les protocoles sanitaires (distanciation, hygiène, port du masque), et ce en attendant que tout le monde soit vacciné.

Du point de vue sanitaire, peut-on espérer plus de vols pour permettre aux Algériens de voyager ?

D’ailleurs, les allègements ont commencé. Le nombre de vols a été augmenté. C’est un point sensible à suivre. On a affaire à des voyageurs qui viennent et qui partent loin. Et qui pourraient véhiculer un certain nombre de variants comme le Delta.

Beaucoup redoutent une 4e vague de la covid en Algérie. Le risque est-il réel ?

Une 4e vague est probable parce que ne pas avoir un niveau de vaccination élevé, fait qu’on peut s’attendre à une nouvelle flambée de la pandémie. Les vaccins ne sont pas encore disponibles en quantités très importantes.

Cela m’étonnerait que d’ici l’automne-hiver on arrive à un niveau de couverture vaccinale et d’immunité collective de 80% de la population. On peut s’attendre à une 4e vague mais qui sera moins importante. La vaccination se fait mais on ne peut pas faire des miracles.

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