Politique

Crise diplomatique : ce que Paris reproche à Alger

L’Algérie et la France sont en crise ouverte depuis fin septembre. La brouille a éclaté au grand jour lorsque le président Emmanuel Macron a tenu des propos très durs et inédits à l’égard du pouvoir algérien, qualifié notamment de « système politico-militaire » vivant de « la rente mémorielle ».

Le contexte dans lequel étaient faites les déclarations du chef de l’Etat français (une rencontre avec les « petits-enfants » de la guerre d’Algérie) et le fait que M. Macron ait remis en question l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française, ont laissé penser que la discorde portait seulement sur la question mémorielle, et accessoirement, sur celle de la mobilité des personnes puisque, deux jours auparavant, Paris annonçait la réduction de moitié du nombre de visas à délivrer aux Algériens pendant les six prochains mois.

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Les deux pays ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’ondes sur ces deux questions et de nombreux autres dossiers, mais ils le sont encore moins sur la situation au Sahel.

Trois semaines après le début de la brouille, le journal Le Monde explique dans un article publié vendredi 22 octobre que la crise malienne et la présence militaire étrangère dans ce pays frontalier de l’Algérie est la pomme de discorde principale entre Alger et Paris, notamment depuis l’entrée en lice de la Russie avec le projet des autorités de transition au Mali de recourir aux services de la société de sécurité Wagner.

L’une des premières réactions d’Alger aux propos du président français a été de fermer son espace aérien aux avions de l’armée française se rendant au nord-Mali et Ramtane Lamamra, le chef de la diplomatie algérienne, s’est aussitôt rendu dans ce pays mardi 4 octobre d’où il a longuement réponduà Emmanuel Macron. 

Engagée en 2013 dans le cadre de l’opération Barkhane pour lutter contre les groupes terroristes dans le Nord-Mali, la France a annoncé en juin dernier la réduction de ses troupes dans cette zone.

L’engagement français est coûteux sur le plan de l’image et se fait au détriment de la sécurisation des zones où la France a de plus gros intérêts économiques, le sud du Mali, le Burkina Faso et surtout le Niger.

C’est sur ces régions que sera désormais concentrée l’action de l’armée française, écrit le journal Le Monde dans son article sur « les dessous de la crise entre l’Algérie et la France ». Les autorités françaises attendaient-elles de l’armée algérienne qu’elle prenne le relais de leurs troupes dans le nord-Mali ?

On sait juste que du côté d’Alger, l’éventualité n’est pas à l’ordre du jour malgré la modification de la Constitution en novembre 2020 introduisant la possibilité pour l’armée algérienne de participer à des opérations de maintien de la paix en dehors des frontières du pays.

Wagner au Mali, une hantise pour la France

En juin dernier, le président Abdelmadjid Tebboune s’était engagé à ne jamais laisser le nord du Mali devenir un « sanctuaire pour les terroristes », tout en précisant à propos d’une éventuelle intervention militaire de l’Algérie que « la solution n’est pas là ».

Pour préserver l’intégrité territoriale du Mali et sa souveraineté, l’Algérie privilégie toujours la négociation et la poursuite de la mise en œuvre des accords d’Alger. « Les éléments de l’ANP ne seront jamais sacrifiés pour de l’argent, comme le font les mercenaires », a réitéré le chef de l’Etat dimanche 10 octobre au cours d’une rencontre avec la presse nationale.

À propos de « mercenaires », le Mali s’apprêterait à en accueillir en négociant avec la société Wagner, considérée comme le bras armé de la Russie. Le projet n’est plus au stade de la rumeur, les autorités de la transition au Mali ayant confirmé les négociations.

L’agence Reuters a même précisé le nombre d’hommes à déployer et le coût de l’opération : un millier de soldats pour 9,5 millions d’euros mensuels. Une présence qui n’est pas accueillie avec enthousiasme par la Cedea et l’Union européenne, mais c’est la France qui est le plus irritée par l’éventualité de l’irruption de la Russie dans la région.

« Sur le Mali, le ministre (français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian) a alerté son homologue russe sur les conséquences graves d’une implication du groupe Wagner dans ce pays », a indiqué le 24 septembre le Quai d’Orsay après une entrevue entre les deux chefs de la diplomatie.

La grande énigme, c’est l’avis de l’Algérie par rapport à l’entrée au Mali des mercenaires de Wagner. Des rumeurs ont récemment prêté l’intention de participer au coût financier de l’opération, mais le porte-parole du MAE a démenti le 13 octobre, dénonçant « une manipulation grossière et malveillante ».

Le journal français le Monde revient à la charge vendredi 22 octobre et soutient que le projet Wagner n’est pas vu d’un mauvais œil à Alger.

Le rôle de la société de sécurité en Libye est aux antipodes de la position de l’Algérie, sachant qu’elle travaille pour les forces du maréchal Khalifa Haftar, mais face à la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, « la présence de la Russie dans ce pays ne serait pas un repoussoir », écrit le Monde, citant des interlocuteurs algériens et affirmant que le scénario a été confirmé auprès d’une source française de haut niveau.

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