Économie

Crise ukrainienne : comment l’Algérie peut en tirer profit

Une guerre géopolitique et économique se joue en Europe avec la crise ukrainienne depuis que le président russe, Vladimir Poutine, a décidé d’envahir l’Ukraine.

D’un autre côté, les Russes et les Chinois font bloc contre l’axe américano-européen. Dans ce duel, comment l’Algérie peut-elle tirer profit et comment peut-elle se positionner tout en veillant à ne pas s’aliéner ses alliances historiques ?

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Le gazoduc Nord Stream 2 qui relie la Russie à l’Allemagne en contournant l’Ukraine a été suspendu à l’initiative de Berlin, suite au conflit en Ukraine.

Avec les conséquences sur l’approvisionnement en gaz de l’Europe et la volonté de Bruxelles de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie, le gaz constitue-t-il une fenêtre de tir pour Alger afin d’accroître ses livraisons vers l’Europe ?

Pour le Dr Saïd Beghoul, expert dans le domaine de l’énergie, c’est un pari que l’Algérie ne peut pas tenir.

« Pour le gaz, personnellement je pense que le Nord Stream 2 sera tôt ou tard ouvert car l’Europe est à sec en gaz et personne ne pourra remplacer les volumes russes exportés vers l’Europe (39 % des besoins de l’Union européenne) », affirme à TSA le Dr Beghoul.

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« L’Algérie a les meilleurs moyens physiques dans le bassin méditerranéen (gazoducs, méthaniers, etc.) Mais je ne pense pas qu’elle puisse alimenter l’Europe au-delà des volumes contractuels. Aussi, notre potentiel s’amenuise et nos besoins internes sont prioritaires », analyse-t-il.

Pour cet expert, même si l’Algérie avait assez de gaz à exporter vers l’Europe, elle risque de s’aliéner son partenaire russe. « Même si nous avons assez de gaz, aller à la rescousse de l’UE pour remplacer le gaz russe c’est agir en ” traître” envers notre partenaire privilégié russe. N’oublions pas que certaines de nos importations très sensibles proviennent de nos partenaires comme la Russie », rappelle Saïd Beghoul.

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« Comme toute crise, celle ukrainienne a une fin », explique-t-il. « Je crois que ce sont les besoins en énergie qui vont gouverner l’évolution de cette crise. En aucun cas l’Europe acceptera de rester sans gaz qu’elle importe à 100 % dont 39 % de la Russie. C’est une guerre de gaz ou économique et on finira bientôt à privilégier les discussions. Car s’il y aura une guerre armée à rajouter à celles gazière et économique, ça sera une chose que personne ne souhaite », conclut-il.

« Comme dans toute crise il y a dangers et opportunités »

La crise ukrainienne est « une énorme opportunité » pour l’Algérie estime Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie. Une opportunité qu’il va falloir saisir par la délocalisation industrielle, l’augmentation de la production agricole et plus de valorisation industrielle des hydrocarbures, a indiqué M. Hadj-Nacer.

« Comme dans toute crise, il y a dangers et opportunités », entame l’économiste Omar Berkouk. « S’agissant des dangers, tous les échanges avec la Russie sont bloqués ou soumis à embargo. L’équipement militaire de l’Algérie et son entretien est en majorité d’origine Russe. Les céréales dont on voulait diversifier l’origine en rendant la Russie un fournisseur concurrent de la France aussi. On subira également la hausse des prix et la pénurie de ces mêmes céréales », poursuit-il.

Dans le domaine des opportunités, l’Algérie profitera « dans un premier temps et à court terme de la hausse du prix du gaz et du pétrole » mais « cela nous reviendra sous forme d’inflation importée », averti Omar Berkouk. Selon lui, l’opportunité majeure « c’est la possibilité de l’Algérie de devenir un partenaire stratégique de l’Europe pour la fourniture de gaz si le pays réussit à développer ses capacités conventionnelles et non conventionnelles dans le domaine ».

Avec l’aide des Européens et des Américains « l’Algérie aura la technologie et les moyens financiers de développer ses réserves », analyse l’économiste précisant que notre pays sera obligé de changer d’alliance géopolitique.

En mettant en avant « sa préférence pour l’Occident au détriment de la Russie qui lui avait déjà proposé de constituer un cartel du gaz il y a quelques années que l’Algérie avait refusé ».

« Cette crise peut être “exploitée” par l’Algérie pour retrouver des ressources financières nécessaires à la diversification de son économie mais au prix d’un changement d’alliance », estime Omar Berkouk.

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