Économie

De nouveaux doutes émergent concernant le projet Solar 1.000 MW

L’Algérie s’est lancée dans un programme qui se veut ambitieux pour la réalisation du projet de production de 1.000 MW en énergie solaire.

L’appel d’offres pour la réalisation de ce projet baptisé « Solar 1000 MW » a été lancé en décembre 2021 par le ministère de la Transition énergétique et des énergies renouvelables.

Les premiers kilowattheures photovoltaïques du projet seront produits vers la fin de l’année 2023, a indiqué le 10 juillet dernier à l’APS, le directeur général de la Société algérienne des énergies renouvelables “Shaems”, Smaïl Mougari.

Une échéance qui ne semble pas convaincre Tewfik Hasni. « Vous avez au moins une année pour ficeler tout le projet et une année pour la construction. Ce n’est donc pas fin 2023 mais au plus tôt fin 2024 pour un projet rationnel pas sous la forme actuelle », estime l’expert, contacté par TSA.

Selon le consultant en transition énergétique, il y a des conditions pour la réalisation d’un tel projet. La première tient à clarifier la place du secteur privé dans ce programme.

« C’est un point qui reste confus : un jour on nous dit c’est le privé, un autre on dit que l’Etat va financer », relève M. Hasni. « Ce n’est pas toujours l’Etat qui investit. Il faut aussi que le privé puisse trouver un environnement favorable pour investir », pointe l’expert.

« Vous ne pouvez pas imposer à un investisseur de prendre un risque sur la base d’informations que vous lui avez communiquées », souligne M. Hasni.

D’après lui, avant que l’investisseur s’engage, il doit évaluer le potentiel solaire pour pouvoir ensuite se lancer sur un projet. « Le solaire, vous devez le mesurer toute l’année car il varie », note-t-il.

Le consultant critique aussi le fait d’imposer un site précis à un industriel. « C’est l’investisseur qui choisit le site optimal pour lui. Deuxièmement, on ne peut pas non plus lui imposer une intégration industrielle. Ce sont des milliards de dollars. Vous lui imposez les conditions que vous, vous avez fixées et ce dans une conjoncture assez difficile actuellement qui est marquée par un manque de financements dans le monde entier. Comment voulez-vous alors que les investisseurs donnent suite à votre appel d’offres ? », s’interroge Tewfik Hasni.

La deuxième condition évoquée par M. Hasni tient à la nécessité que « les textes d’application concernant la nouvelle loi sur l’investissement soient bien clairs et qu’ils correspondent aux vœux des investisseurs étrangers privés » algériens.

Troisième condition : « la réglementation doit être figée, on ne peut plus accepter des changements dans la réglementation ». « Qui va prendre le risque si votre régulation reste aléatoire ? Ce sont les conditions qui ont bloqué tous les investissements en général. Et qui feront que le projet ne verra pas le jour si on ne donne pas une certaine transparence », tranche-t-il.

Comme quatrième condition, Tewfik Hasni appelle à une réforme du système financier algérien « pour qu’il s’adapte à ces grandes mutations qui nous sont imposées par les crises économiques, sanitaires et politiques dans le monde, et qui vont orienter les investissements vers les endroits qui seront plus attractifs ».

Conclusion limpide de Tewfik Hasni : « On est loin de toutes ces conditions ». « Et si on ne règle pas cela, on ne peut qu’être pessimiste sur n’importe quel projet qu’il soit de 1000 MW ou autre », a complété le consultant.

 « Les lobbies pétroliers freinent le développement des énergies renouvelables »

Tewfik Hasni réfute l’idée que le photovoltaïque pourrait être la dominante pour assurer la sécurité énergétique de l’Algérie. Il mise plutôt sur le solaire thermique.

 « Le photovoltaïque ne peut représenter que 20% de tout un projet global qui intégrera les 80% en solaire thermique. Ceci n’est pas une théorie. Tous les projets qui sont lancés dans la région du Golfe, en Afrique, aux Etats-Unis, sont basés sur ce principe-là, parce qu’il nous permet de supprimer l’intermittence du photovoltaïque lequel ne produit (de l’énergie) que le jour alors que la sécurité énergétique nous impose une couverture 24/24h », explique M. Hasni qui cite un autre argument selon lequel le solaire-thermique peut être stocké.

Tewfik Hasni accuse les lobbies pétroliers de freiner le développement des énergies renouvelables (Enr) et la mise en œuvre de la transition énergétique dans le monde.

« Ils ont stoppé toutes les décisions de la COP26. Ils ont remis en selle même le charbon », dit-il. Une tendance à laquelle n’échappe pas l’Algérie, selon Tewfik Hasni. « Le bilan est là : on n’a pas dépassé 1% de ce qu’on avait prévu de réaliser. Or, la sécurité énergétique ne passe pas par le photovoltaïque à lui seul. D’un autre côté, on nous dit que le solaire-thermique ne passera pas. Pourquoi ? On ne nous apporte aucun élément probant ».

L’autre « stratagème » utilisé par le lobby pétrolier pour bloquer la transition énergétique consiste à plaider que l’hydrogène est la solution, charge encore M. Hasni.

Ce qui revient à faire les affaires des partisans du pétrole puisque, précise l’expert, l’hydrogène est produit à partir des hydrocarbures, au grand désarroi des défenseurs du climat.

« Chez nous, le ministère de la transition énergétique se donne comme objectif d’aller vers l’hydrogène alors que c’est un leurre. L’hydrogène sert en fait à remplacer le gaz naturel », souligne M. Hasni.

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