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Déjà solaire, la route devient chauffante

Déjà solaire, la route devient chauffante

D. R.
Si le prix reste flou, il ne dépassera pas le double de celui moyen des routes aujourd'hui, promet le président d'Eurovia, Pierre Anjolras, se disant "conscient des problèmes de financement" des collectivités territoriales

Alors que Colas teste déjà la production d’électricité via des dalles de panneaux photovoltaïques collées sur l’asphalte, Eurovia a rendu public lundi son nouveau produit Power Road: une route permettant de valoriser la chaleur du soleil naturellement captée par le bitume. L’objectif et de plus facilement déneiger la chaussée, voir de chauffer logements, commerces et équipements municipaux environnants.

Une brique de plus est posée dans le chantier de la smart city. La route, dont le potentiel de production d’électricité photovoltaïque est déjà testé en conditions réelles par l’entreprise de travaux publics Colas (groupe Bouygues) – notamment sur un tronçon de 1 km inauguré en décembre 2016 en Normandie par la ministre de l’Environnement de l’époque Ségolène Royal -, découvre désormais ses capacités de stockage de chaleur. Eurovia, filiale de Vinci spécialisée dans la construction d’infrastructures de transports, a lancé lundi 16 octobre son nouveau produit Power Road : une route intégrant, dans les couches supérieures de la chaussée, un échangeur thermique, permettant de valoriser la chaleur du soleil naturellement retenue par le bitume.

« Nous ajoutons ainsi une nouvelle fonction à la route qui devient à énergie positive, tout en préservant ses qualités incontournables de solidité, sécurité, confort, durabilité », souligne le président d’Eurovia, Pierre Anjolras.

Une chaleur captée l’été et restituée l’hiver

Sous l’effet du soleil, les températures des routes – qui recouvrent 1,2% de la superficie de la France métropolitaine, à savoir 6.500 kilomètres carrés – peuvent atteindre 60°C en surface et 40°C à dix centimètres de profondeur. Cette chaleur est aujourd’hui inexploitée, et en milieu urbain elle contribue gravement, via le phénomène des îlots de chaleur, au réchauffement climatique et à la pollution. L’innovation mise au point après 4 ans de recherches par Eurovia permet d’en capter plus de 10%, affirme l’entreprise, grâce à un système de tubes placés juste sous la route dans lesquels circule un fluide caloporteur. Cette chaleur peut ensuite être stockée via un dispositif de géothermie couplé à l’installation, et être restituée au moment du besoin, notamment en hiver, par une pompe à chaleur.

Un parking de 120 places pour une piscine de 25 mètres

Si les premières applications expérimentées par l’entreprise portent sur le déverglaçage et le déneigement routiers – fonction commercialisable aussi auprès des aéroports internationaux, où les opérations de viabilité hivernale peuvent coûter des dizaines de millions d’euros -, une variété d’utilisations se dessinent à l’horizon. Trente mètres carrés de chaussée réalisée avec Power Road permettraient par exemple d’assurer la totalité des besoins de chauffage et d’eau chaude d’un logement environnant de 70 mètres carrés, assure Eurovia, qui s’appuie sur une pluralité de partenaires publics et privés dont l’Ademe et le bureau d’études en environnement Burgeap. Pour chauffer une serre agricole de 1.500 mètres carrés, il faudrait 500 mètres de chaussée large de 7 mètres. Et un parking de 120 places équipé de Power Road permettrait de couvrir un tiers des besoins de chauffage d’une piscine municipale de 25 mètres – avec bassin d’apprentissage et pataugeoire. Des utilisations qui sont d’ailleurs cumulables, souligne le directeur du marketing, Guillaume Malochet.

Une réduction des énergies fossiles

« Energie renouvelable, cette chaleur captée par la route peut ainsi contribuer à réduire l’utilisation d’énergies fossiles productrices de CO2 », souligne Clara Lorinquer, directrice Environnement et Qualité chez Eurovia. Sans compter d’autres avantage environnementaux tels que le remplacement des produits de déverglaçage, souligne-t-elle,  en insistant par ailleurs sur la recyclabilité des polymère intégrés dans Power Road. En été, le stockage de la chaleur permet en outre de réduire les températures de la surface de 60°C jusqu’à 25°C, avec des effets positifs y compris sur l’utilisation des dispositifs de climatisation et sur la durée de vie des routes.

La nécessité d’utiliser cette énergie à l’échelle locale, dans le cadre de micro-grid thermiques, renforcerait par ailleurs le rôle – traditionnellement joué par la route – de lien entre territoires et habitants, désormais connectés aussi à une énergie renouvelable produite à proximité, estime Eurovia. D’autant plus que peut être connecté et contribuer au stockage d’autres sources de chaleur locales: valorisation énergétique de l’incinération des déchets, data centers etc.

Pas un « produit de niche »

Sans se fixer d’objectifs quantitatifs précis, l’entreprise espère ainsi déployer son nouveau produit dans l’ensemble des 15 pays où elle est présente, avec des perspectives particulièrement intéressante dans les pays de l’Est, pour le déneigement des centres commerciaux, explique-t-elle. Si le prix reste flou, il ne dépassera pas le double de celui moyen des routes aujourd’hui, promet Pierre Anjolras, se disant « conscient des problèmes de financement » des collectivités territoriales et affirmant ne pas vouloir que Power Road soit « un produit de niche ». Eurovia insiste d’ailleurs sur sa rentabilité, assurée dans les 10-30 ans, à savoir la durée de vie de la route équipée.

Pour l’Instant, Eurovia poursuit les tests, visant la validation scientifique des performances et l’industrialisation complète de l’installation de Power Road. 500 mètres carrés ont notamment déjà été équipés sur une aire de péage de l’A10 (à Saint-Arnoult dans les Yvelines), où le maître d’ouvrage Cofiroute exploite déjà la chaleur produite pour le chauffage de son centre d’accueil du public. Le raccordement à un réseau de chaleur est testé à Pontarlier (Doubs), où Power Road à été installée pour réchauffer le revêtement du parking d’un lycée, et où la chaleur utilisée sera issue du réseau de chaleur de la ville alimenté par un incinérateur de déchets. Un chantier expérimental d’une superficie de 3.000 mètres carrés devrait encore voir le jour en 2019, sur un site encore en cours de définition.

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