Économie

Économie algérienne : on parle encore de blocages

Beaucoup a été dit sur les blocages et les entraves qui freinent les investissements en Algérie.

Malgré les montées au créneau du président de la République, ses instructions répétées et les changements apportés à la réglementation, des difficultés subsistent et viennent de faire l’objet de discussions entre le ministre de l’Industrie et la Production pharmaceutique et le président de l’organisation patronale CREA (Conseil pour le renouveau économique algérien).

L’Algérie table sur l’investissement productif pour relancer son économie et réduire sa forte dépendance des hydrocarbures.

Le président Abdelmadjid Tebboune a moult fois appelé à la levée des entraves, le plus souvent bureaucratiques, qui empêchent la concrétisation de projets économiques d’envergure dans tous les secteurs d’activité.

Le chef de l’État a poussé un coup de gueule mémorable lors des assises nationales sur l’industrie en décembre 2021 et a réitéré lors de ses multiples rencontres avec les walis la nécessité de lever les entraves devant l’investissement productif.

L’une des premières mesures présidentielles dans ce sens a été d’interdire la prise en compte des lettres anonymes pour le déclenchement d’enquêtes judiciaires sur des responsables de l’administration ou du secteur économique public.

La dépénalisation de l’acte de gestion était primordiale dans un contexte de psychose qui a pris les gestionnaires publics à cause des multiples procès anti-corruption engagés à partir de 2019.

Le président Tebboune a expliqué en des termes très clairs que l’erreur de gestion sera traitée en tant que telle et que seuls les actes avérés de corruption feront l’objet de poursuites judiciaires.

À l’adresse de ceux qui bloqueraient sciemment des projets d’investissement à l’effet de marchander leur déblocage avec les opérateurs, ou, plus grave, dans le but d’entraver la marche de l’économie nationale pour provoquer des troubles sociaux, le président de la République a brandi la main lourde de la justice.

Parallèlement, une nouvelle loi sur l’investissement a été promulguée en juillet 2022. Le nouveau texte est censé faciliter l’acte d’investir tant pour les opérateurs nationaux que pour le capital étranger en réduisant le rôle de l’administration à travers la mise en place du guichet unique.

Plusieurs garanties ont été introduites et les entraves bureaucratiques devant l’investissement devaient en principe faire partie du passé.

Mais il semble que la problématique est bien plus complexe. Les blocages ne sont pas toujours d’ordre bureaucratique ou l’œuvre d’administrateurs malveillants ou échaudés par le sort de leurs collègues. Ils peuvent parfois être causés par l’interférence des textes ou leur mauvaise interprétation.

Ces entraves qui persistent dans l’économie algérienne

Selon un communiqué du ministère de l’Industrie, la « levée des entraves » devant les investisseurs a été au cœur de la rencontre entre le ministre Ali Aoun et le président du CREA, Kamel Moula, le 24 avril.

Parmi les problèmes soulevés, l’importation des intrants et des matières premières par les industriels et l’accès au foncier industriel.

Les deux parties sont convenues de soumettre la question des intrants à une prochaine réunion tripartite entre le ministère, l’Agence algérienne de promotion des exportations (Algex) et les représentants du patronat, avec l’objectif de « réguler l’importation des intrants sans impacter la production nationale et la stabilité du marché ».

Dans ses efforts pour rationaliser les importations et encourager la production nationale, le gouvernement a introduit des restrictions sur les importations de marchandises produites localement.

Depuis avril 2022, les opérations d’importation sont soumises à l’aval d’Algex qui doit au préalable s’assurer que la marchandise à importer n’est pas produite en quantités suffisantes en Algérie.

L’instruction a toutefois péché par une certaine précipitation dans son élaboration puisqu’elle a fait l’objet de plusieurs rectifications dès son entrée en vigueur après des réclamations d’industriels concernant des difficultés à importer des intrants nécessaires au fonctionnement de leurs entreprises, donc à la bonne marche de l’économie nationale.

Les incidences sur l’économie et sur la disponibilité de certains produits de la mauvaise application de l’orientation portant rationalisation des importations a fait l’objet d’un autre coup de gueule du chef de l’État en plein Conseil des ministres, en février dernier.

La colère présidentielle semble être destinée au ministre du Commerce de l’époque, Kamel Rezig, qui quittera d’ailleurs son poste à la mi-mars.

L’autre problème qui persiste et qui a été soulevé lors de la rencontre entre le ministre de l’Industrie et le président du CREA, c’est la difficulté d’accès au foncier industriel pour les investisseurs algériens.

La question devrait être prise en charge par une nouvelle loi en cours d’élaboration. Le projet de loi relative au foncier économique a été présenté en janvier dernier en Conseil des ministres et le président de la République a ordonné son enrichissement.

En l’absence de chiffres officiels précis, il est difficile d’évaluer l’impact sur l’investissement de toutes les mesures prises jusque-là. Un indicateur peut donner la mesure de cet impact : la cadence du financement de l’économie par le système bancaire.

Dans un communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son Comité des opérations de politique monétaire (COMOP), la Banque d’Algérie a fait état d’une faible croissance des crédits à l’économie (3,27 % à fin décembre 2022), et prévoit une cadence encore plus faible dans les mois à venir (0,64 % à fin février 2024).

Autre indicateur qui peut renseigner sur l’impact des entraves bureaucratiques sur l’économie est le taux de chômage.

En janvier dernier, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, avait révélé que 1,9 million d’Algériens ont bénéficié de l’allocation chômage. Un chiffre énorme.

« Nous avons l’impression de tourner au rond, regrette un chef d’entreprise. On en parle toujours de blocages et ce n’est bon ni pour les investisseurs algériens, ni pour les étrangers ».

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