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France : comment le Maroc a castré ses capacités de lobbying

France : comment le Maroc a castré ses capacités de lobbying

Le Maroc est éclaboussé par une série de scandales en Europe, notamment en France, où il a affaibli lui-même ses capacités d’influence et de lobbying.

En moins de deux mois, le lobbying illégal du royaume est dévoilé au grand jour dans deux affaires retentissantes, ayant comme conséquence directe l’affaiblissement de la capacité des services marocains à faire bouger responsables, élus et journalistes étrangers.

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Le site marocain Le Desk s’interroge à juste titre où sont passés « ceux qui sont habitués aux ors de la République » alors que le pays qu’ils ont toujours servi a le plus besoin d’eux dans cette tempête de scandales.

Le journal cite Mehdi El Qotbi, artiste-peintre d’origine marocaine bien introduit dans les arcanes de la République française et lobbyiste actif de son pays d’origine.

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Longtemps considéré comme « l’enfant gâté de l’Europe » et particulièrement de la France, le Maroc peine désormais à trouver des défenseurs même parmi ceux qui ont l’habitude de lui servir de porte-voix, avec ou sans contrepartie.

Signe que ce qui se passe depuis quelques mois pour l’image et la place du royaume dans le monde constitue un tournant, l’adoption, le 19 janvier dernier, d’une résolution du Parlement européen condamnant les atteintes à la liberté de la presse et l’emprisonnement de journalistes au Maroc.

Le Maroc a franchi toutes les lignes rouges

Présentée par le groupe Renew Europe, la résolution a été adoptée à une large majorité. L’Europe a pourtant l’habitude depuis quelques années de fermer les yeux devant les exactions des autorités marocaines que ce soit en interne ou dans les territoires sahraouis occupés.

La corruption de députés européens pour orienter leurs positions est en quelque sorte la goutte qui a fait déborder le vase. Le scandale a été révélé en décembre dernier.

La justice belge a pu réunir des preuves tangibles de l’implication des services marocains dans la mise en place d’un vaste réseau de corruption d’élus européens.

L’enquête est toujours en cours et le Maroc est accablé chaque semaine de preuves supplémentaires. L’affaire a fait grand bruit en Europe. La première grande conséquence se lit à travers les votes des députés de Strasbourg le 19 janvier dernier. Il est désormais difficile d’exprimer publiquement une position en faveur du Maroc de peur d’être soupçonné d’avoir touché un pot-de-vin.

Comme si l’énorme scandale du Parlement européen ne suffisait pas, un autre a éclaté il y a quelques jours en France. La chaîne d’information BFMTV a ouvert une enquête interne et suspendu son journaliste d’origine marocaine Rachid M’barki, soupçonné d’avoir fait passer des contenus favorables au Maroc, notamment sur la question du Sahara occidental.

Au Maroc, on tente d’incriminer la France et bien sûr l’Algérie, avec un argument qui ne tient pas et qui se résume à peu près à ceci : Paris, en besoin pressant du gaz algérien, s’est rapproché d’Alger au détriment de Rabat.

Or, le gaz algérien ne représente pas grand-chose dans le mix énergétique français, comme l’a expliqué le président Emmanuel Macron lors de sa visite en Algérie en août dernier.

Le problème est ailleurs, précisément dans les agissements de la diplomatie et des services marocains. Ces derniers sont allés trop loin pour espérer garder de bonnes relations avec la France.

Le piratage via le logiciel espion israélien Pegasus du téléphone personnel du président français est un acte gravissime, et pour beaucoup d’analystes, c’est de là qu’est parti le froid en cours entre Paris et Rabat.

Le scandale Pegasus, révélé pendant l’été 2021, même s’il n’a pas donné lieu à des réactions à la mesure de la gravité de l’acte, a marqué le début de la fin de l’impunité du Maroc.

Maroc : les scandales à répétition

« Emmanuel Macron est moins favorable au Maroc que ces prédécesseurs notamment Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Il y a quelques années le Maroc était intouchable en France », note un spécialiste des relations France-Maghreb.

Comme le montre la crise des visas de 2021 où le président français n’a pas hésité à sanctionner le royaume au même titre que l’Algérie et la Tunisie.

Même si le royaume n’a pas perdu totalement ses moyens d’influence à Paris, il a lui-même affaibli sa capacité de lobbying, à tel point que défendre le Maroc aujourd’hui en France risque de provoquer des suspicions de corruption.

Le Maroc a sans doute fait un mauvais calcul en se croyant hors d’atteinte après son rapprochement d’Israël et des Etats-Unis en 2020.

Depuis, ses dérapages et ses bravades à l’égard de la « vieille Europe » ne se compte plus. Pour ne citer que l’acte le plus spectaculaire, le Maroc a lâché en mai 2021 sa « bombe migratoire » sur l’Espagne en laissant entrer simultanément des milliers de migrants dans les enclaves de Ceuta et Melilla.

Après plusieurs mois de chantage assumé, l’Espagne a fini par céder en s’alignant sur les thèses marocaines sur le Sahara occidental. Ce qui n’est pas le cas de la France ou de l’Allemagne, qui n’ont pas changé de position sur ce dossier.

Outre l’espionnage et la corruption, cette pression permanente que met le Maroc concernant la question sahraouie a fini par passer l’Europe. En voulant toujours plus et en franchissant toutes les lignes rouges, le royaume a fini par castrer lui-même son pouvoir de lobbying.

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